Bruxelles, 7 Novembre 2016
Changement climatique : position de la CES en vue de la COP 22
Position adoptée lors du Comité Exécutif des 26 et 27 octobre 2016
Près d’un an après la COP 21 et l’adoption de l’Accord de Paris, les nouvelles qui concernent le climat sont particulièrement préoccupantes. Les relevés de températures franchissent record après record, confirmant que le monde se rapproche chaque jour dangereusement du seuil au-delà duquel les perturbations du climat cesseront d’être gérables. Les phénomènes météorologiques extrêmes – incendies, sécheresses, pluies diluviennes, canicules prolongées etc. - se succèdent eux aussi à une cadence inquiétante, exposant des millions d’hommes et de femmes à un désarroi tant matériel que psychologique. Face à un tel tableau, l’attentisme ne peut être de rigueur. Il est plus urgent que jamais d’amplifier et d’accélérer les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre mais aussi de généraliser la mise en œuvre de politiques d’adaptation à la hauteur des transformations en cours et à venir. Aussi, à quelques jours de la COP 22 organisée à Marrakech, la CES formule cinq demandes prioritaires, lesquelles reflètent largement celles du mouvement syndical international telles que formulées par la Confédération internationale des syndicats (CSI).
L’Accord de Paris doit être mis en œuvre maintenant !
La CES demande premièrement que tout soit mis en œuvre pour une mise en œuvre rapide de l’Accord de Paris qui jette les bases d’une action internationale contre les changements climatiques qui sera pour la première fois véritablement globale. La CES salue la ratification de l’accord par l’UE et appelle les Etats-membres à ratifier rapidement le texte. La CES espère que son entrée en vigueur ouvrira la voie à une application sans délai de ses principales dispositions. Il est en effet vital que les contributions nationales puissent être analysées et, le cas échéant, améliorées dans les meilleurs délais. L’investissement, principalement public, la transition juste et la création d’emplois de qualité doivent être au cœur des contributions nationales, lesquelles doivent être développées avec la participation des partenaires sociaux.
Pas de diable dans les détails !
Afin d’accélérer la mise en œuvre de l’accord, la CES appelle également à faire aboutir lors de la COP 22 de Marrakech les négociations sur les éléments de l’Accord de Paris qui requièrent encore une décision, et notamment le « cadre de transparence », les modalités du «bilan mondial », les « lignes directrices » pour l’élaboration des Contributions nationales, les modalités de la différenciation, le « mécanisme pour faciliter la mise en œuvre et promouvoir le respect des dispositions de l’accord ». Les modalités de mise en œuvre doivent garantir la transparence et l’intégrité du système mis en place. Les décisions prises à Marrakech et ultérieurement ne peuvent conduire à un affaiblissement des engagements ou à la création d’échappatoires. Ces décisions doivent également maintenir les impératifs de la transition juste et du travail décent au cœur des mesures de lutte contre les changements climatiques, notamment via les lignes directrices pour l’élaboration des Contributions nationales. Enfin, les Objectifs de développement durable adoptés en 2015 dans le cadre de l’Agenda 2030 doivent assurer la cohérence de l’action climatique internationale avec les autres domaines d’action.
Pour la planète et pour l’emploi, des engagements individuels conformes à l’ambition collective !
La CES réitère sa profonde inquiétude face au décalage entre d’une part l’ambition collective de limiter le réchauffement bien en deçà des 2°C par rapport aux valeurs pré-industrielles (et de poursuivre les efforts visant à le limiter à 1.5°C) et, d’autre part, la modestie des contributions nationales qui, en l’état, ne permettent pas d’atteindre cet objectif. La CES invite d’ailleurs la Commission européenne et les
Etats membres à revoir à la hausse les objectifs de l’UE pour 2030 et à intensifier leurs efforts notamment dans les secteurs où l’ambition environnementale est synonyme d’investissements et de création d’emplois comme la rénovation des bâtiments, les transports publics, l’économie circulaire ou les énergies renouvelables.
Dans cette perspective, la CES presse la Commission de préciser comment elle compte mettre en œuvre la disposition de l’Accord de Paris qui vise à rendre les flux financiers compatibles avec un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques. La CES estime que cet engament implique que les ressources allouées grâce au budget de l’UE devraont soutenir exclusivement des projets compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris.
La CES rappelle également que la réforme du système européen d’échange de quotas d’émission (SEEQE), actuellement en discussion, doit orienter les investissements, dans les secteurs concernés, vers les technologies bas carbone, sans toutefois pénaliser les industries européennes, qui sont en compétition sur des marchés mondiaux hautement concurrentiels, et dont les émissions correspondent au niveau de référence des installations les plus performantes. En l’absence d’une réforme ambitieuse, la valeur ajoutée du SEEQE deviendra hautement incertaine et, le cas échéant, des instruments politiques alternatifs devraient être envisagés.
Transition juste : il faut du concret !
En intégrant les impératifs de la transition juste et du travail décent dans le préambule de l’Accord de Paris, les Parties ont souscrit à un engagement politique majeur. Il oblige les gouvernements à mettre en œuvre une transition juste pour les travailleurs et à promouvoir le travail décent dans leurs politiques de lutte contre le changement climatique. La COP22 doit maintenant exhorter les Parties à intégrer des éléments de transition juste dans leurs contributions nationales, notamment en mandatant les Organes subsidiaires de mise en œuvre (SBI) et de conseil scientifique et technologique (SBSTA) pour qu’ils définissent les modalités de cette intégration.
L’adoption en 2015 des « Principes directeurs de l’OIT pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous » par l’Organisation internationale du travail offre une référence internationalement reconnue aux gouvernements et aux partenaires sociaux disposés à faire en sorte que la transition juste devienne une réalité dans leur pays. La CES exhorte la Commission et les Etats-membres de l’UE à s’inspirer de ce document pour accompagner les politiques de lutte contre les changements climatiques des mesures sociales adéquates et espère que les travaux ultérieurs de l’OIT permettront de renforcer encore davantage l’engagement des gouvernements et des partenaires sociaux à mettre en pratique la transition juste.
La CES rappelle que la transition juste suppose également de soutenir activement les travailleurs des secteurs qui auront à souffrir de la transition vers une économie bas carbone. La CES réitère son appel à mettre sur pied un Fonds pour la transition juste alimenté en premier lieu par les recettes issues de la mise aux enchères d’une partie des quotas d’émission du SEEQE. La CES rappelle que la participation des partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies bas carbone est une condition nécessaire à leur succès. La CES insiste sur l’importance des services publics dans la mise en œuvre d’une transition juste pour les travailleurs. Enfin, la CES estime que la transition juste requiert une autre Europe, pour la planète, pour les gens, et offrant une prospérité pour tous.
Financement climat et réfugiés
La CES appelle l’UE à contribuer à mobiliser au moins 100 milliards de Dollars US par an à l’horizon 2020 au profit de la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement afin d’honorer les engagements souscrits par les pays développés. L’UE doit également déterminer un plan pour pérenniser et amplifier son soutien financier à ces pays au-delà de 2020 conformément à la décision qui accompagne l’Accord de Paris.
Les changements climatiques amplifieront les migrations au cours de ce siècle. L’UE doit contribuer à construire une réponse politique globale à cette question, notamment en travaillant à la reconnaissance du statut de « réfugiés climatiques » auprès des Nations Unies.