Déclaration de la CES sur le référendum du Royaume-Uni

Adoptée au Comité exécutif extraordinaire, le 13 avril 2016 à la Haye

Vers le référendum au Royaume-Uni

L’Union européenne est confrontée à de graves défis et la CES préférerait voir le Royaume-Uni impliqué – avec d’autres États membres—dans la recherche de solutions plutôt de le voir opter pour l’isolement national.

Comme le TUC, son affilié britannique, la CES croit que l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE est bénéfique pour les travailleurs britanniques et que des millions d’entre eux pourraient se retrouver moins bien lotis si le pays décidait d’en sortir. Toutefois, nous voulons aussi nous assurer que le récent accord britannique ne provoque pas à un déferlement d’exceptions et de restrictions juridiques partout en Europe.

La législation portant sur l’application des droits fondamentaux tels que congés payés, limitations du temps de travail, égalité de rémunération, congé parental, sécurité au travail et traitement équitable pour les travailleurs à temps partiel et intérimaires a été acquise au niveau européen grâce aux campagnes menées par les syndicats. Il n’y a aucune garantie que ces droits seront maintenus dans le droit national par le gouvernement britannique actuel.

Un Brexit ne menacerait pas seulement les droits sur le lieu de travail. Un nombre croissant d’études et de recherches préviennent qu’il mettrait en danger des centaines de milliers d’emplois au Royaume-Uni et provoquerait une chute du PIB, des dépenses de consommation et de la valeur de la livre sterling. En même temps, l’UE s’en trouverait économiquement et politiquement affaiblie, minant ainsi les intérêts des travailleurs dans l’ensemble de l’Europe.

Les intérêts des travailleurs, de leurs familles et de leurs communautés devraient être au centre de la campagne pour le référendum et les syndicats doivent y jouer un rôle important pour faire valoir ces intérêts.

La CES soutient fermement le maintien du Royaume-Uni dans l’UE et pense qu’il est essentiel pour le bien-être des travailleurs britanniques. Ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui pour restaurer la confiance dans un projet européen qui se lézarde, ce sont des investissements, des emplois de qualité et des salaires décents et non de mesquines mesures pour priver de leurs droits des migrants mal payés et des citoyens mobiles européens. Punir les travailleurs migrants et mobiles pourrait donner lieu à une réaction d’hostilité à l’encontre de citoyens britanniques travaillant ou faisant valoir leurs droits à indemnités dans d’autres États membres ou, pire encore, provoquer une spirale négative faite d’exemptions opportunistes aux règles de l’UE qui pourraient marquer le début de la fin de l’unité européenne.

La CES soutient également le Comité pour l’Irlande du Nord du Congrès irlandais des syndicats (NIC-ICTU) qui a appelé les travailleurs et leurs familles à participer au référendum et à voter pour le maintien dans l’UE afin de préserver la stabilité de l’économie en Irlande du Nord, la sécurité de l’emploi et leurs droits en tant que travailleurs.

L’accord britannique au Conseil européen

Le Premier ministre, David Cameron, a obtenu un accord qui dispense le Royaume-Uni de devoirs importants liés à l’appartenance à l’UE mais son agenda n’est pas le nôtre et n’est pas soutenu par notre affilié britannique, le TUC. Cet accord reflète une lutte au cœur du Parti conservateur du Premier ministre plutôt qu’une volonté de protéger les intérêts des travailleurs britanniques. Nous pensons que les concessions faites suite aux pressions du gouvernement britannique contreviennent aux traités de l’UE et portent atteinte à l’Europe sociale. L’accord britannique risque d’enfreindre des principes fondamentaux comme la liberté de circulation, l’égalité de traitement au travail et la non-discrimination.

Le danger est que, en s’appuyant sur le précédent du Royaume-Uni, n’importe quel État membre estimera être en droit de rejeter des règles arrêtées d’un commun accord, créant ainsi une UE « en libre-service ». Quelle que soit l’issue du référendum en juin, les concessions faites aux Royaume-Uni ont affaibli l’Union. Déjà, certains pays de l’UE envisagent de réduire les allocations familiales pour les travailleurs migrants. Et l’on parle de nouveaux référendums sur la politique de l’UE dans d’autres. Après le référendum, la CES mènera des actions pour s’opposer à l’octroi d’exemptions et de restrictions à d’autres États membres et fera également pression pour que des conditions plus strictes soient appliquées aux exceptions pour le Royaume-Uni.

Les syndicats européens lutteront pour mettre fin aux limitations en matière de libre circulation et se montrera maintenant plus combative encore pour s’assurer que la Commission tienne sa promesse d’un pilier solide de droits sociaux en Europe et pour une révision équitable de la directive sur le détachement des travailleurs. Au lieu de faire des boucs émissaires des travailleurs migrants, nous devons mener des actions sérieuses contre les employeurs qui les exploitent et étendre la pratique de la négociation collective afin de définir un salaire décent pour l’emploi de tous les travailleurs.

L’Europe doit être réformée dans l’intérêt des travailleurs. Les travailleurs au Royaume-Uni et dans le reste de l’UE ont besoin d’une société juste, d’investissements pour des emplois de qualité, de davantage de démocratie au travail, du droit à la libre circulation et à l’égalité de traitement et de non-discrimination en matière de droits sociaux et syndicaux et de libertés publiques.

L’accord impose de nouvelles règles pour favoriser la compétitivité en réduisant la réglementation. La CES s’oppose à l’introduction d’un « mécanisme de mise en œuvre de la réduction des charges ». Au Royaume-Uni, cela se traduit par le principe « une en plus, trois en moins » pour toute nouvelle législation. Une telle approche quantitative ne garantira pas une législation de la plus haute qualité.

La CES déplore également le manque de précision quant aux conséquences sur la gouvernance économique et sur une intégration plus approfondie dans la zone euro, singulièrement concernant les dispositions spécifiques du règlement uniforme.

La CES est prête à analyser plus en profondeur les conséquences du deal dès que les résultats et les incidences du référendum seront connus.