Position de la CES concernant le Cadre financier pluriannuel post-2020
Adoptée par le Comité exécutif des 25 et 26 octobre 2017
INTRODUCTION
La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) faisait partie de l’accord politique concernant le CFP 2014-2020 et est prévu(e) par l’art. 2 du règlement Nº 1311/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.
Le CFP actuel a déjà atteint ses limites au cours des deux premières années. Une révision ambitieuse du CFP était essentielle pour faire face à la crise migratoire et des réfugiés, en stimulant des économies en stagnation, en revitalisant le tissu industriel et en luttant contre le chômage des jeunes.
Le 7 mars 2017, le Conseil a cependant convenu d'un léger réexamen, financièrement limité, du CFP, qui a été approuvé par le Parlement européen le 29 mars 2017.
Aujourd'hui, les efforts doivent être concentrés sur le CFP post-2020. La Commission européenne présentera ses propositions, basées sur les réactions et réponses au Livre blanc sur l'avenir de l'Europe et aux documents de réflexion, aux alentours de la mi-2018.
Par ailleurs, le Parlement européen est en train de préparer un rapport, qui sera soumis au vote à la plénière de mars 2018.
La présente position de la CES constitue une première analyse et contribution aux débats, actuels et futurs, autour du CFP post-2020. Elle met notamment l'accent sur la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux.
DÉFIS/INCERTITUDES D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
Les principales incertitudes dans le débat autour du CFP découlent des conséquences des scénarios décrits dans le Livre blanc sur l'avenir de l'Europe et les documents de réflexion qui l'accompagnent.
L'UE sera confrontée à de nombreux défis après 2020. Certains d'entre eux ont déjà vu le jour et risquent de nous accaparer pendant encore des décennies. Citons notamment la convergence économique, les changements climatiques, les évolutions démographiques, les mouvements de migration, la cohésion sociale, la révolution numérique et la mondialisation.
Les objectifs et le budget de l'UE ont changé et ont augmenté au fil des ans, mais la structure du budget n'a pas suffisamment évolué et est devenue obsolète. Lorsque la crise financière a éclaté, l'UE et son budget ont été pris de court, ce qui a porté un coup à la crédibilité de l'Union et à celle de son bras financier, le budget de l'UE.
À cela s'ajoutent les incertitudes, tant politiques qu'économiques, créées par le Brexit, qui affecteront aussi la taille du budget de l'UE et sa répartition.
Le budget de l'UE repose sur une structure obsolète, basée sur des décisions et des priorités datant des années 1970 et 1980. Au fil des ans, le budget a subi de nombreuses réformes, mais celles-ci ont toujours été effectuées dans le cadre d'une structure et d'un ensemble de priorités déjà existants, créés à l'époque pour faire face à des circonstances totalement différentes.
Le CFP post-2020 doit donc être remanié et adapté aux défis présents et futurs, en ce compris la mise en œuvre de l'Agenda 2030 des Nations unies.
La CES insiste sur la nécessité d'une hausse générale du budget de l'UE. Et le niveau des investissements doit non seulement être relevé, mais leur qualité, leur impact réel et leur viabilité doivent également être garantis.
LE RÔLE DES INSTRUMENTS FINANCIERS ET DU FONDS EUROPÉEN POUR LES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES (FEIS)
L'UE compte de plus en plus sur des instruments financiers ad hoc pour couvrir les besoins supplémentaires du budget de l'UE. La récente mise en place du FEIS a permis d'élargir considérablement le spectre des opérations financières de l'UE autres que les subventions. Certains voient dans cette montée en puissance des instruments financiers une manière d'accroître la portée du budget de l'UE via un financement limité, d'autres estiment par ailleurs que ceux-ci pourraient remplacer les subventions et permettre une réduction du budget de l'UE.
Les instruments financiers devraient être rendus plus compatibles avec les subventions de l'UE, afin que les deux puissent être combinés plus facilement. Cela permettrait d'accroître le retour sur investissement des projets de l'UE. Les systèmes de subventions et les instruments financiers devront être rationalisés afin de les rendre plus accessibles et plus facilement combinables. En outre, le FEIS devrait aussi être utilisé pour des projets d'investissement social.
En résumé, les instruments financiers et le FEIS sont des compléments importants au budget, dans l'optique de distinguer les projets qui ont besoin de subventions et ceux qui ont besoin de garanties ou d'une aide partielle pour devenir viables. Dans de nombreux domaines, les instruments financiers ne pourront pas remplacer les subventions, en particulier lorsque la production de biens publics est en jeu.
UNE NOUVELLE VOIE POUR L'EUROPE
La CES appelle à une Nouvelle voie pour l’Europe et à un programme d’investissement annuel de 2% du PIB sur les 10 prochaines années pour créer des emplois de qualité et développer des systèmes énergétiques durables répondant aux défis sociaux, économiques et environnementaux. Nous réclamons des investissements publics dans les services de santé et les services sociaux, les infrastructures et la recherche, ainsi que dans une éducation et une formation tout au long de la vie universelles et de qualité afin d’améliorer l’employabilité et de préparer les conditions de travail du futur. Les investissements publics spécifiques consentis dans ces domaines doivent être exclus lors de l’évaluation des niveaux des déficits nationaux, en particulier pendant les périodes de ralentissement économique. La stabilisation financière doit se faire au travers de la croissance économique et de l'établissement d'un Trésor européen ici, s’accompagnant, là où cela est nécessaire, d’un processus ordonné de restructuration de la dette.
Ces propositions peuvent constituer une bonne base pour améliorer le prétendu Plan d’investissement Juncker, qui s’est avéré ne pas être suffisamment efficace pour stimuler les investissements publics et remédier au manque d’investissements dans les pays et les secteurs qui en ont le plus besoin.
Le budget de l’UE, en particulier les Fonds structurels et d’investissement européens, doit soutenir des plans extraordinaires d’investissement à l’échelle européenne visant à favoriser une croissance durable et un emploi de qualité. De tels plans exigent de nouveaux moyens et doivent être complémentaires aux Fonds structurels et d’investissement européens dont l'objectif est de réduire les disparités régionales. Tout cela doit être lié à la nécessité d’un budget européen autonome et axé sur la croissance. Compte tenu de l'importance accrue de la recherche et de l'innovation, la CES soutient les conclusions du Groupe d'experts de haut niveau sur la recherche et l'innovation pour un doublement du financement du programme Horizon 2020.
Le cofinancement par les États membres doit être exclus des calculs du déficit et de la dette afin d’encourager l’utilisation effective du financement européen. La Banque européenne d’investissement, ou un nouveau Fonds européen d’investissement, doit également soutenir la mise en œuvre de plans d’investissement donnant la priorité aux projets ayant l’impact le plus important sur l’emploi, et aux États membres où le chômage est le plus élevé. La BEI et le FEI doivent également autoriser les États membres et les bénéficiaires à utiliser les fonds structurels et d’investissement de l’UE pour cofinancer leurs interventions financières.
POLITIQUE DE COHÉSION
L'article 174 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (introduit par le Traité de Lisbonne de 2009) stipule que “afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées”.
En effet, comme cela est indiqué dans le document de réflexion de la CE sur l'avenir des finances de l'UE (page 16) « Les disparités économiques et sociales peuvent être source de tensions sociopolitiques et appellent, de la part de l’Union, une réponse qui ne doit laisser personne ni aucune région de côté ».
La CES souligne que la cohésion économique, sociale et territoriale doit rester au centre de la Stratégie de l'Union européenne à venir, garantissant ainsi que toutes les énergies et les capacités sont exploitées et axées sur la mise en œuvre de la stratégie. Il existe encore de grandes différences dans les niveaux de développement entre les régions au sein de l'UE, ainsi que dans les États membres, d'où l'importance du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds de cohésion (FC), du Fonds social européen (FSE), du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
Le CFP devrait prévoir plus de financement pour la politique de cohésion. Le financement de la politique de cohésion doit également passer par un cofinancement national et la complémentarité des dépenses et investissements demeure essentielle et doit être vérifiée.
La politique de cohésion de l’UE est essentielle pour soutenir le développement régional, une croissance durable et l’emploi de qualité.
La Coopération territoriale européenne, c.-à-d. la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, est essentielle pour soutenir la solidarité entre les régions de l'UE et elle devrait être poursuivie de manière plus cohérente et avec l'entière participation des partenaires sociaux de toutes les régions impliquées.
La Coopération territoriale européenne (CTE) devrait être davantage intégrée avec les autres instruments de politique de cohésion au niveau des objectifs communs et des ressources disponibles.
En outre, la CTE devrait davantage se concentrer sur des stratégies macrorégionales orientées sur la coopération et le développement durable commun de ces macrorégions.
Le Règlement général pour les Fonds structurels et d'investissement européens (FSIE) post-2020 devra continuer à renforcer ces priorités et à améliorer la gouvernance, et devra aussi renforcer la programmation multi-fonds en vue d'une meilleure efficacité.
Nous estimons que les FSIE doivent être gérés et utilisés de manière plus cohérente et avec l'entière participation des partenaires sociaux. Le Principe de partenariat, tel qu'exposé dans le Règlement portant dispositions communes (RPDC), devrait être renforcé après 2020. Dans le futur Règlement portant dispositions communes des FSIE, le Code de conduite en matière de partenariat devra être ajouté aux conditions ex-ante pour le financement des fonds. De la même manière que pour les conditions macroéconomiques, tel que stipulé à l'article 23 de l'actuel RPDC, des sanctions telles que la suspension des fonds de cohésion devraient être prévues.
En ce qui concerne les critères pour le financement des régions[i], des indicateurs de développement régional devraient aussi être pris en compte en plus des trois catégories liées au PIB (produit intérieur brut) déjà existantes (régions moins développées - régions en transition - régions plus développées). Le PIB ne rend compte que du bien-être matériel et ne prend pas en considération les coûts sociaux et environnementaux, ni ne reflète les inégalités sociales ou les disparités régionales.
Différents indices alternatifs ont été créés par des organisations internationales, des bureaux nationaux de statistiques ou des autorités nationales et régionales comme, par exemple, les indicateurs de développement durable ou l'Indice de développement humain (basé sur trois critères : la santé, l'éducation et les revenus).
La CES estime que les fonds structurels et d'investissement, en particulier le FSE, devraient être mieux ciblés sur toutes les régions, vu que la lutte contre le chômage et l'exclusion sociale ou le besoin d'une main-d'œuvre qualifiée ne concernent pas uniquement les régions moins développées. Ces besoins ne sont pas non plus limités à certains domaines particuliers de l'UE et ne sont pas directement liés aux niveaux de développement des États membres exprimés en termes de richesse relative. La CES considère néanmoins que l'aide devrait être différenciée en fonction des régions, via une meilleure prise en compte des indicateurs sociaux et économiques.
LE SOCLE EUROPÉEN DES DROITS SOCIAUX/FINANCEMENT DES POLITIQUES SOCIALES : AUGMENTATION NÉCESSAIRE DU FSE
À l'heure actuelle, les dépenses sociales de l'UE représentent seulement 0,3 % du total des dépenses publiques dans l'UE.
Le Socle européen des droits sociaux implique que les politiques sociales doivent être correctement financées. Le budget de l'UE correspondant (FSE) doit, par conséquent, être augmenté afin que le FSE puisse jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs du Socle européen des droits sociaux. Le FSE constitue l'un des instruments fondamentaux de la solidarité européenne.
D'un autre côté, de nouveaux programmes ont été lancés, ou révisés et renforcés, pendant cette période, en particulier le programme Erasmus+, le Fonds européen d’ajustement à la globalisation (FEAG) renouvelé, le Programme pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) et le programme EURES, y compris « Ton premier emploi EURES ».
La CES estime qu'il faut garantir la poursuite des programmes IEJ (Initiative pour l’emploi des jeunes) et Erasmus+. En outre, l'emploi des jeunes devra faire partie des priorités fondamentales du FSE dans le futur règlement de ce fonds.
La CES recommande que l'innovation sociale continue à être encouragée dans des politiques d'emploi et d'inclusion active au cours de la prochaine période de programmation. Le budget de l'UE devrait soutenir les États membres qui en ont le plus besoin pour développer et renforcer les systèmes d’accompagnement de la transition et de sécurité sociale (*).
La gestion et le contrôle de l’utilisation des différents fonds et programmes susmentionnés doivent être cohérents et se soutenir mutuellement. La CES propose de les regrouper dans le FSE en amendant le prochain règlement du FSE après 2020 et en augmentant son budget jusqu’à minimum 30 % de l’enveloppe du FESI (part minimale de l’enveloppe de cohésion), au lieu des 24,6 % actuels. Le FSE devrait continuer, dans le CFP post-2020, à jouer un rôle clé dans la création de nouveaux emplois de qualité et la promotion de l'inclusion sociale.
La CES voit dans le FSE l'instrument de financement pour le développement du marché du travail, des politiques d'emploi et de l'inclusion sociale. Dans ce contexte, l'autonomie du FSE doit être maintenue, afin de lui permettre de remplir sa mission, tout en contribuant à la cohésion économique et sociale.
La CES considère que l'égalité des genres, la lutte contre la discrimination, y compris à l'égard des migrants et des réfugiés, et la transnationalité doivent rester des priorités horizontales essentielles pour le FSE lors de la prochaine période de programmation.
Le FSE, en particulier, devrait étendre son soutien au développement du dialogue social, en améliorant le renforcement des capacités des partenaires sociaux, y compris aux niveaux sectoriels et intersectoriels européens. Cet engagement devrait devenir obligatoire pour les États membres dans l’ensemble des régions de l’UE, et 2 % des ressources du FSE devraient être alloués aux activités bilatérales et/ou unilatérales de renforcement des activités entreprises par les partenaires sociaux afin de renforcer le dialogue social
Pour ce faire, la CES propose de créer un fonds séparé et obligatoire au niveau européen, au sein du FSE, consacré exclusivement au renforcement des capacités, notamment pour ce qui concerne le renforcement des capacités des partenaires sociaux pour le dialogue social, les relations industrielles et les négociations collectives. En outre, il faut mettre en place l’assistance technique pour assurer le plein accès des partenaires sociaux à ce financement.
Par ailleurs, des fonctionnaires devraient être spécialement chargés d'aider les partenaires sociaux dans leur travail de mise en œuvre du FSIE dans le processus du Semestre. La Commission pourrait également désigner un représentant spécial pour superviser ce renforcement des capacités. La nomination à ce poste serait confiée aux partenaires sociaux européens (*).
(*) Document de réflexion sur la dimension sociale de l'Europe - Évaluation de la CES
CHANGEMENT CLIMATIQUE/FONDS POUR UNE TRANSITION JUSTE
Avec l'Accord de Paris sur le changement climatique, les pays se sont engagés à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2° C et de poursuivre leurs efforts en vue de le maintenir en dessous de 1,5° C (par rapport aux niveaux préindustriels). Traduit en profils d'émissions, cela signifie que la neutralité carbone devra être atteinte dans la seconde moitié de ce siècle. L'Accord de Paris vise également à rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». En d'autres termes, en signant l'Accord de Paris, les pays se sont engagés à devenir carbone neutre et à élaborer des instruments de politique - en ce compris des budgets - en conséquence.
Le CFP post-2020 doit être conçu dans cette perspective. Les moyens dépensés et les projets financés doivent être compatibles avec l'objectif consistant à préparer la voie vers une économie zéro carbone. L'argent de l'UE ne peut être utilisé pour des projets qui, en étant des sources d'émissions de CO2 supplémentaires, seraient en contradiction avec ses engagements politiques fondamentaux. Une évaluation ex-ante devra être réalisée afin d'évaluer l'impact que les dépenses pourraient avoir sur les émissions.
Concrètement, le réseau électrique de l'UE devra atteindre l'objectif de zéro émission, notamment via l'accélération du déploiement des énergies renouvelables. Des efforts considérables doivent être déployés afin d'accélérer la rénovation thermique des bâtiments. Le secteur du transport doit être entièrement « décarbonisé » et le support à l'innovation industrielle devra être axé sur les initiatives qui aideront l'UE à devenir le leader des technologies à faible émission de carbone. Le prochain CFP devra appuyer clairement et fortement ces objectifs.
La CES a également souligné que la transition vers une économie zéro carbone ne doit pas entraîner une augmentation des inégalités sociales, doit permettre de créer des emplois de qualité et ne doit pas laisser sur le côté ceux qui sont impactés négativement par la décarbonisation. Afin d'atténuer l'impact social que la décarbonisation pourrait avoir sur les régions et les secteurs dépendant d'activités émettant beaucoup de CO2, la CES a proposé de mettre en place un « Fonds pour une transition juste », qui serait essentiellement financé par la mise aux enchères de quotas SEQE (Système d'échange de quotas d'émissions) de l'UE. Le Parlement européen a approuvé cette proposition dans sa position officielle sur le SEQE post-2020, mais une majorité au Conseil est nécessaire pour que cela se concrétise. Quel que soit le résultat de cette négociation, l'impact social de la décarbonisation devra être abordé dans le prochain CFP étant donné les incidences majeures que pourrait avoir cette décarbonisation sur le marché de l'emploi.
POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT EXTÉRIEURES
L'UE est le premier donateur d'aide publique au développement (APD). À ce titre, la coopération au développement de l'UE peut avoir un impact considérable sur la création d'emplois décents dans les pays en voie de développement. Les instruments de financement extérieurs au sein du nouveau CFP devraient être compatibles avec les objectifs de développement durable (ODD) et le nouveau Consensus européen pour le développement, qui considèrent le travail décent comme un levier fondamental pour atteindre un développement inclusif et durable.
Les instruments de financement extérieurs de l'UE devraient promouvoir la création d'emplois décents et favoriser la mise en place d'un environnement favorable aux travailleurs dans lequel les syndicats peuvent agir librement et défendre les intérêts de ces derniers. Dans ce contexte, le prochain CFP devra prévoir un instrument de financement spécifique visant à soutenir le dialogue social et les partenaires sociaux dans les pays en voie de développement.
Les fonds de l'UE qui ont pour objectif de créer des opportunités d'emploi devraient garantir que les emplois créés sont décents et propices à un développement durable et inclusif. Parmi les garanties qu'ils devraient apporter, citons notamment la liberté d'association et de réunion, la possibilité pour les travailleurs d'organiser et de s'engager dans des négociations collectives, la promotion de socles de protection sociale et de rémunérations décentes, la ratification et le respect des normes fondamentales en matière de droit du travail et des conventions fondamentales de l'OIT, le respect des droits de l'homme et des droits syndicaux et la mise en place d'un dialogue social entre travailleurs et employeurs.
Dans le cadre du financement du développement en vue d'atteindre les ODD, le secteur privé est de plus en plus sollicité par l'UE et les organisations internationales en tant que source d'investissement. Cela entraîne une montée en puissance de toute une série d'outils de financement du développement innovants tels que les financements mixtes et partenariats public-privé (PPP), les garanties et instruments de capital, encouragés par l'APD. La CES insiste sur le fait que l'aide au développement devrait être employée pour mettre en place des services publics et des administrations solides (en ce compris des services d'inspection du travail, des impôts et autres) pour assurer l'application des règles et encadrer les entreprises nationales et étrangères. L'objectif étant de donner aux États la base nécessaire pour leur développement.
Ce type de levier financier est souvent utilisé pour soutenir implicitement l'octroi de subventions publiques à des entreprises européennes/internationales opérant dans les pays en voie de développement, avec le risque de pénaliser les pays bénéficiaires et de nuire aux engagements d'aide liée, ce qui compromet l'efficacité du développement. Parfois, les PPP n'affectent pas les ressources allouées à l'éradication de la pauvreté. En outre, ils coûtent cher sur le long terme et peuvent faire gonfler la dette publique. Les problèmes évoqués avec ces fameux instruments financiers innovants sont encore exacerbés par le manque de bonne gouvernance, la faiblesse des systèmes démocratiques, administratifs et judiciaires et le sous-financement des autorités publiques.
En tant que partenaires sociaux, les syndicats doivent être consultés et impliqués dans les initiatives de coopération au développement. Cela devrait faire partie d'un cadre plus large de critères à respecter avant d'accorder l'octroi de fonds au secteur privé. Ces critères devraient, par ailleurs, viser à assurer que le financement et les engagements tiennent compte de la contribution au développement durable en général et au travail décent en particulier. Les entreprises qui reçoivent des deniers publics ne devraient pas être autorisées à réaliser des bénéfices excessifs. La Commission devrait soutenir des initiatives qui visent à mettre en place des structures de gouvernance pour éviter que les investissements du secteur privé dans les pays en voie de développement ne nuisent à la prestation des services publics et à la capacité des gouvernements à les encadrer. Comme déjà exigé par la CES, le reporting pays par pays pour les multinationales fait partie des mesures qui permettraient de lutter contre l'évasion fiscale, une pratique qui nuit au développement.
Certains programmes tels que celui sur l'éducation et la sensibilisation au développement (Development Education and Awareness Raising ou DEAR) pourraient bénéficier d'une application plus méthodique de l'approche axée sur les acteurs dans le domaine de la coopération au développement. Les syndicats sont depuis longtemps des acteurs de l'éducation et de la sensibilisation au développement et un soutien plus ciblé de l'UE permettrait de sensibiliser nettement plus les travailleurs à l'importance du DEAR.
FINANCEMENT DU BUDGET DE L'UE/RESSOURCES PROPRES
Le budget de l'UE ne souffre pas simplement d'une crise politique, mais bien d'une profonde crise de confiance de la part des citoyens européens. La priorité est donc de restaurer cette confiance afin de lutter contre la montée du populisme et les forces qui œuvrent au démantèlement de l'Union européenne.
Jusque dans les années 1990, les ressources propres s'élevaient à 70 % des revenus de l'UE et les contributions des États membres à 30 %. La structure du budget de l'UE s'est aujourd'hui inversée : 80 % de contributions nationales contre seulement 20 % de ressources propres.
Comme proposé par le Groupe de haut niveau sur les ressources propres en décembre 2016, une réforme en profondeur du système de revenus s'impose afin de rendre le financement de l'UE plus stable, plus durable et plus prévisible, tout en garantissant un niveau de transparence plus élevé pour les citoyens européens.
Les conditions pour un budget autonome doivent être créées et les sources de financement du budget de l'UE doivent être inversées : davantage de ressources propres et moins de ressources basées sur les revenus nationaux bruts.
La CES estime que si nous voulons pouvoir relever les défis présents et futurs et réaliser les ambitions de l'Agenda 2030 pour le développement durable, l'Europe doit avoir la volonté politique d'augmenter le budget général de l'UE et de réformer le système des ressources propres, en augmentant la part de celles-ci à au moins 50 % du budget de l'UE.
La CES soutient l'introduction progressive de nouvelles ressources spécifiques liées aux politiques, comme :
- la taxe sur les transactions financières (TTF) ;
- la taxe sur la richesse excessive (revenus les plus hauts et grandes fortunes) ;
- la taxe sur les bénéfices des entreprises (pas utilisés pour réinvestissement) ;
- une taxe européenne sur le CO2 et l'énergie (selon le principe du « pollueur-payeur ») pour les secteurs qui ne sont pas couverts par le Système d'échange de quotas d'émissions de l'UE (SEQE) ;
- l'émission d'euro-obligations ;
- la taxe internet.
- Régions moins développées (PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE-27)
- Régions en transition (PIB par habitant compris entre 75 % et 90 % de la moyenne de l'UE-27)
- Régions plus développées (PIB par habitant supérieur à 90 % de la moyenne de l'UE-27)