Motion d’urgence - Référendum au Royaume-Uni et stratégie de renégociation
Adoptée au 13ème Congrès de la CES le 2 octobre 2015
Le Congrès prend note de la tenue, au cours des deux prochaines années, d’un référendum sur le maintien de l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Le gouvernement britannique cherche actuellement à renégocier les relations entre l’UE et le Royaume-Uni et le Premier ministre mettra la question sur la table du Conseil européen en octobre.
Alors que le mouvement syndical britannique soutient une Union européenne qui engendre une prospérité économique fondée sur la justice sociale, les droits civils et humains, l’égalité pour tous et les droits sur les lieux de travail, le gouvernement britannique demande la réduction voire même la disparition des protections sociales défendues par l’Europe, non seulement dans la mesure où elles s’appliquent à la Grande-Bretagne mais potentiellement à l’ensemble de l’UE. Actuellement, des concessions au gouvernement britannique ne feraient que renforcer la domination croissante de l’idéologie néolibérale dans de nombreux États membres de l’Union européenne et porteraient inévitablement préjudice à l’image favorable dont elle a historiquement bénéficié auprès du mouvement syndical. Bien que cette idéologie aggrave déjà la crise en Grèce, impose la marchéisation de nos services publics et passe outre aux décisions de politique publique prises par des gouvernements démocratiquement élus, l’UE doit s’opposer à toute tentative qui risquerait d’aliéner les travailleurs davantage encore.
Sont ainsi menacés, la protection des femmes et des parents qui travaillent, des travailleurs à temps partiel, temporaires et intérimaires, la protection en cas de licenciement, le droit à l’information et à la consultation et une série de droits à la santé et à la sécurité, y compris la limitation des heures de travail excessives et l’instauration d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le Congrès rejette résolument les tentatives du Premier ministre britannique de recourir au processus de renégociation pour affaiblir les droits des travailleurs, provoquer des divisions sur la question de la migration et promouvoir une Europe réservée aux élites du monde de la finance et des entreprises.
Le Congrès estime abusifs et contreproductifs les efforts des Conservateurs visant à obtenir une exemption qui leur permettrait de priver les travailleurs britanniques des protections applicables à l’ensemble de l’UE, tentant ainsi de limiter des droits acquis – particulièrement ceux inscrits dans la directive sur le temps de travail et la directive sur le travail intérimaire – et d’imposer un moratoire sur de nouveaux droits du travail. En Grande-Bretagne, les travailleurs confrontés à la perspective d’une Europe basée sur l’insécurité au travail et une flexibilité imposée par les employeurs n’auront que peu d’enthousiasme à voter et, s’ils votent malgré tout, ils seront encore moins enclins à voter pour rester dans l’Union européenne.
Les tentatives du gouvernement britannique qui veut limiter les allocations des migrants venant d’autres régions d’Europe seraient le prélude à une attaque contre les avantages liés au travail qui concernent tout le monde, tant en Grande-Bretagne qu’ailleurs en Europe. Certains employeurs essaieront toujours d’utiliser les nouveaux arrivants sur le marché du travail pour faire baisser les salaires. Nous pensons que l’UE a ici un rôle positif à jouer pour empêcher cette exploitation en définissant un socle européen de droits fondamentaux et de normes de travail, y compris le droit à la négociation collective et à la protection ainsi que l’application des conventions collectives. Le Congrès croit que les seuls moyens efficaces et acceptables de répondre aux inquiétudes en matière de libre circulation consistent à protéger les travailleurs contre l’exploitation et le dumping salarial – ce qu’assurent des syndicats forts et des droits du travail corrects et sérieusement appliqués – et à élargir l’accès aux services publics et au logement en ayant recours aux sources de financement européen pour venir en aide aux migrants et adapter l’offre de services à l’évolution de la population.
Depuis que le gouvernement britannique a annoncé son projet de référendum sur l’UE, le TUC a fait campagne et usé de son influence pour dénoncer l’agenda du gouvernement visant les droits des travailleurs, faire pression sur les employeurs pour qu’ils reconnaissent la nécessité de ces droits en contrepartie de l’accès au marché unique et persuader d’autres gouvernements européens pour qu’ils rejettent cet agenda de réduction des droits des travailleurs, y compris leur liberté de circulation, que le Premier ministre britannique défend plus ou moins ouvertement.
Le Congrès salue ce que la CES et ses affiliés ont entrepris par solidarité – et dans leur propre intérêt – pour faire en sorte que les politiques comprennent qu’aucune concession ne satisfera les députés eurosceptiques du parti du Premier ministre britannique ou du parti UKIP mais au contraire que des concessions affecteraient aussi le soutien d’autres pays à l’Union européenne.
Le Congrès s’engage à mener campagne et à lutter contre les tentatives du gouvernement britannique d’affaiblir davantage l’Europe sociale.
Le Congrès se prononce pour que la CES travaille en étroite collaboration avec le TUC, les fédérations syndicales sectorielles européennes et les affiliés nationaux afin de faire pression sur les gouvernements, les membres du Parlement européen et les employeurs partout en Europe pour qu’ils rejettent les tentatives du gouvernement britannique visant à réduire les droits des travailleurs, que ce soit en Grande-Bretagne ou au niveau européen.
Les travailleurs ne cautionneront ni ne soutiendront une Europe qui échoue à protéger et à renforcer la condition des travailleurs et la place de la société civile, qui cherche à négocier des accords secrets tels que le TTIP et l’AECG sans faire référence aux valeurs ou aux besoins des citoyens européens ou qui travaille uniquement dans les intérêts étroits d’entreprises multinationales et du grand capital.