Bruxelles, 06-07 juin 2006
Les services d'intérêt général (SIG) sont reconnus comme un des piliers du modèle social européen. Le développement d'une Union européenne équilibrée s'appuie en particulier sur des services d'intérêt général de qualité qui contribuent à la cohésion territoriale et sociale dans le cadre d'une économie sociale de marché.
La CES a demandé à plusieurs reprises que la Commission et les Etats membres poursuivent une stratégie proactive de modernisation négociée de ces services visant à les améliorer et à les faire évoluer et basée sur des principes généraux tels que l'égalité d'accès, un service de qualité, un prix équitable, l'universalité, la qualité du travail, la qualité de l'emploi, la sécurité et la justice sociale.
Assurer, voire créer les conditions leur permettant de réaliser les missions d'intérêt général est une responsabilité partagée entre le niveau national et le niveau européen.
De plus, les changements sociétaux et les politiques choisies pour faire face aux défis multiples qui sont aujourd'hui posés, conduisent souvent à l'externalisation des tâches réalisées jusqu'à maintenant par le secteur public. Ceci entraîne une concurrence croissante d'opérateurs différents (les Etats se réservant, dans ce contexte, le rôle de régulateurs), qui se voient soumis de plus en plus aux règles européennes de marché qui réduisent leur champ de manœuvre.
La jurisprudence de la Cour européenne de justice intervient dans ce domaine, en l'absence de règles plus claires et précises décidées par les politiques, pour résoudre des conflits entre les obligations de mission publique et les libertés du marché unique. Cette situation n'est pas soutenable, au moins pour deux raisons. La jurisprudence est susceptible d'évolution, et en plus, elle est appliquée à des cas concrets, donc l'insécurité juridique persiste.
Il est donc d'autant plus important que la Commission adopte une approche cohérente dans ses différentes initiatives en la matière, ce qui n'est pas nécessairement le cas, en particulier à cause de la priorité donnée à l'ouverture des marchés, dont la proposition de directive sur les services dans le Marché intérieur.
Grâce à la mobilisation des syndicats, le Parlement européen a apporté des modifications conséquentes à cette proposition de directive, puis la Commission a présenté une proposition modifiée le 4 avril 2006. Ainsi, des progrès importants, mais non suffisants, ont été réalisés. En effet, si les SIG ont été exclus totalement de la Directive, certains services d'intérêt économique général (SIEG) demeurent inclus et la liste des services sociaux d'intérêt général (SSIG) exclus se trouve limitée à quatre domaines (soins de santé, logement social, garde d'enfants et aide aux familles et personnes dans le besoin), ce qui apparaît trop limitatif.
Aujourd'hui, suite à cette décision bienvenue du PE de reconnaître le statut spécifique des SI(E)G, le débat sur le futur des SIG est relancé. Le Parlement lui-même est en train de préparer son opinion sur le suivi à donner au Livre blanc sur les SIG. La Commission attend le résultat de ces débats avant de présenter sa propre communication sur cette question. Elle a déjà publié la communication sur les services sociaux d'intérêt général. En plus, elle a promis de préparer une autre communication sur les soins de santé avant la fin de l'année.
La CES prend acte de ces initiatives qui marquent incontestablement un nouveau pas vers la reconnaissance de ce type de services et du besoin de clarification des conditions d'application de certaines règles communautaires en ces domaines, ce qu'elle réclamait depuis longtemps. Il apparaît donc nécessaire que la CES se positionne de façon active dans ce domaine - tellement essentiel pour les services publics, les travailleurs qui y sont employés, les usagers et les citoyens - plutôt que d'attendre les propositions de la Commission pour réagir.
La Commission européenne lance des initiatives sectorielles (communication sur les SSIG) ou horizontales (p.ex. sur les partenariats public-privé) sans pour autant envisager un cadre général visant à sécuriser les services d'intérêt général. Pour la CES, le processus lancé par le Livre vert et repris par le Livre blanc devrait aboutir à l'adoption d'un instrument qui compléterait l'ensemble des dispositifs réglementaires communautaires afin de permettre aux services d'intérêt général de se développer et de poursuivre leurs finalités au bénéfice de la société.
La CES, tout en reconnaissant le principe de subsidiarité et les compétences des Etats membres en matière d'organisation et de financement de SI(E)G, reste convaincue qu'il est nécessaire d'introduire un instrument juridique communautaire, autrement dit une directive cadre.
En 2000, la CES et le CEEP avaient déjà adopté la Charte commune sur les SIG. Aujourd'hui, dans un contexte politique changé, un consensus a pu être dégagé sur un texte commun de projet d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général. Elle sécurise les services d'intérêt général, renforce les responsabilités des autorités publiques au niveau national et local et préserve les droits des travailleurs et des citoyens.
Les principaux points du texte proposé par la CES et le CEEP :
- Les SIG sont cités au même titre que les SIEG, même si seul ce dernier terme a une existence formelle dans la législation communautaire. Leurs missions essentielles et les valeurs de l'UE sont inscrites, notamment un développement économique durable et la cohésion sociale
- L'intérêt général doit prévaloir sur les lois du marché, il s'agit de contribuer au développement durable et à un haut niveau d'emploi
- Les principes fondamentaux sont rappelés et doivent être appliqués, ainsi que la Charte des droits fondamentaux,
- Le principe de subsidiarité et les compétences des autorités publiques à tous les niveaux (aussi bien nationales que locales) sont rappelés, qui décident des modalités de fourniture de ces services, quel que soit le statut du fournisseur, notamment public
- Cette directive assure la sécurité juridique qui permet des financements des SIEG à long terme et des investissements indispensables à la continuité et la qualité de ceux-ci
- La bonne gouvernance et le dialogue social figurent comme principes directeurs
- Les usagers, syndicats et consommateurs sont consultés et parties prenantes des modalités de régulation
- La participation et la consultation des salariés et de leurs représentants, dans le cadre du dialogue social à chaque niveau, sont affirmées.
- Une évaluation sera effectuée à chaque niveau, avec la participation des travailleurs et de leurs représentants.
- Un rapport d'évaluation sera réalisé
La CES s'engage à faire de cette initiative une priorité. C'est dans ce sens qu'elle entend poursuivre sa mobilisation.
Cette position commune permet aux deux parties d'être plus fortes et d'agir de concert pour envisager des actions de promotion et trouver des alliés, notamment au Parlement européen et au Comité des régions.
La CES invite donc la Commission à faire preuve de plus d'audace et d'ambition, c'est-à-dire à aller au bout de sa démarche envisagée dans le Livre blanc sur les SIG. Il en va de la crédibilité de la volonté de construire une Europe qui ne soit pas qu'une Europe économique, mais aussi, une Europe sociale. C'est-à-dire une Europe qui attache du prix à la cohésion sociale et qui est fondée sur la solidarité et, autrement dit qui est capable de répondre aux attentes des travailleuses et des travailleurs européens, aux aspirations des citoyens européens.