Résolution de la CES sur l'utilisation efficace des ressources naturelles

Bruxelles, 05-06/12/2012

1. La raréfaction des ressources actuellement exploitées est un défi majeur pour l’UE et celle-ci doit amorcer sans plus tarder une politique volontariste et socialement juste d’amélioration de l’efficacité de leur utilisation.

2. Sur le plan environnemental, les limites de la planète apparaissent chaque jour plus évidentes tant en termes d’absorption des nuisances par les écosystèmes, que du point de vue de l’épuisement des matières premières conventionnelles. D’un point de vue social, le niveau actuel de consommation des ressources provoque un renchérissement brutal des matières premières aux effets socialement délétères. D’un point de vue économique, la dépendance aux ressources et l’inefficacité de leur utilisation grèvent la compétitivité des entreprises et nuisent à l’emploi, en particulier dans les secteurs d’activité intensifs en matières premières. Plus fondamentalement, l’accumulation des symptômes attestant de l’épuisement progressif des ressources naturelles actuellement exploitées invite à un changement de paradigme basé sur les notions de durabilité, de réutilisation et de recyclage ainsi qu’à une réorientation profonde du modèle européen comme le demande le contrat social pour l’Europe porté par la CES.

3. Consciente de la nécessité de ce changement de cap, la CES souhaite que la « Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » contribue à faire évoluer l’économie européenne. La CES entend, dans cette trajectoire, être partie prenante des dynamiques amorcées de manière subséquente. La CES souligne la nécessité d’aboutir rapidement à la formulation d’indicateurs scientifiquement robustes et prenant en considération les effets sociaux des mesures envisagées. Elle insiste également sur l’importance d’une régulation basée sur des objectifs chiffrés et vérifiables. Elle rappelle la nécessité d’une feuille de route européenne sur la transition juste ainsi que d’une transition vers une économie durable compatible avec la protection de notre climat.

4. La CES voit dans la transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources naturelles un des éléments essentiels d’une politique volontariste de sortie de crise. Selon une étude commanditée par la Commission européenne, chaque réduction de un pour-cent dans l’utilisation des ressources pourrait équivaloir à 23 milliards d’euros de gains et pourrait générer 100 à 200 000 nouveaux emplois . [[http://ec.europa.eu/environment/enveco/studies_modelling/pdf/exec_sum_macroeconomic.pdf]] Le renforcement de l’efficacité dans l’utilisation des ressources est un élément décisif d’une politique de soutien à la compétitivité des entreprises européennes qui soit créatrice d’emploi et il est essentiel que les autorités politiques en fassent une priorité absolue.

5. Le processus de transition du modèle économique ne sera toutefois pleinement légitime que s’il s’appuie sur une exigence sociale forte caractérisée par les éléments suivants :

o Des stratégies actives d’éducation, de formation, de développement des compétences assurant la préparation des travailleurs actuels et futurs et lancées principalement à l’initiative des pouvoirs publics.

o La création d’emplois stables et de qualité caractérisés par des conditions de travail décentes. A cet égard, une attention particulière devrait être accordée à la santé et à la sécurité des travailleurs, notamment des filières émergentes comme le recyclage.

o Un dialogue social qui permette d’associer les travailleurs au processus de transition. La CES souligne à cet égard l’existence de nombreuses initiatives relatives au verdissement du lieu de travail portées par les représentants des travailleurs et appelle à un élargissement des compétences des conseils d’entreprises européens aux matières environnementales. Des rapports obligatoires par les entreprises sur leur rendement en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance sont indispensables afin d’assurer la transparence, l’information et la consultation efficaces des travailleurs.

o Des mécanismes de solidarité afin de compenser les effets négatifs de la transition pour certaines catégories de travailleurs ou pour les populations socialement vulnérables.
o Des tarifications sociales garantissant à tous l’accès à l’énergie et à l’eau.

6. La nature socialement juste de la transition se joue également dans l’évolution de la fiscalité. La CES défend depuis longtemps l’utilisation de la fiscalité pour envoyer le signal économique nécessaire afin de promouvoir l’efficacité énergétique et l’efficacité dans l’utilisation des ressources La CES défend une fiscalité basée sur le principe de progressivité de l’impôt et assurant la redistribution des richesses. La nécessité de réformer la fiscalité pour favoriser l’efficacité dans l’utilisation des ressources ne saurait remettre en cause l’universalité de l’accès à des biens et services essentiels comme l’eau ou l’énergie.

7. La CES appelle l’Union Européenne à évaluer l’impact de la libéralisation du marché du gaz et de l’énergie en Europe sur les populations les plus vulnérables et leur bien-être et de mettre en œuvre des mesures permettant d’enrayer la précarité énergétique. La CES réitère sa demande en faveur d’une politique énergétique européenne ambitieuse caractérisée par les éléments suivants :

o Une régulation et un contrôle public ;

o La modernisation du réseau et des infrastructures ;

o Le développement de connexions entre Etats-Membres ;

o La négociation collective avec les fournisseurs d’énergie extérieurs ;

o La participation des partenaires sociaux.

8. Conformément à la résolution de la Confédération internationale des syndicats adoptée à Rio le 13 juin 2012, la CES appelle d’ailleurs à ce que les ressources naturelles et énergétiques soient considérées comme des biens communs dont les pouvoirs publics doivent assurer la préservation et la gestion démocratique. La CES rappelle en outre que l’accès aux ressources, à l’énergie et à l’eau sont des droits fondamentaux que l’Union européenne et ses Etats membres se doivent de respecter et de garantir. La CES s’oppose aux politiques de privatisation et de marchandisation des ressources naturelles.

9. Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer, notamment en montrant l’exemple via la systématisation des marchés publics verts caractérisés par des critères d’attribution reflétant un haut niveau d’exigence environnementale. La CES souligne à cet égard que la proposition de réforme envisagée par la Commission européenne concernant les marchés publics manque son objectif de mieux intégrer les considérations sociales et environnementales dans les marchés publics. Il n’est qu’optionnel pour les pouvoirs publics de tenir compte des considérations sociales et environnementales, alors que la réforme doit prendre le parti du développement durable. Si la CES constate positivement que le cycle de vie deviendrait un critère d’attribution des marchés, elle regrette en revanche que la Commission ne l’envisage que sur le plan environnemental et ne détermine pas de méthodologie commune pour l’établir. La CES plaide pour la détermination d’une méthodologie européenne ainsi que pour l’inclusion de la dimension sociale et de l’emploi dans le calcul du coût du cycle de la vie.

10. Les pouvoirs publics devraient également encourager fortement les activités de recherche et de développement, privées et publiques, notamment pour soutenir l’innovation technologique. La CES rappelle l’objectif fixé dans le cadre de Europe 2020 qui consiste à consacrer au moins 3% du PIB aux activités de recherche et développement. Le renforcement du financement public des activités de recherche et d’innovation constitue un des adjuvants indispensables de cette transition, à condition toutefois que les agendas de recherche soient orientés vers le bien commun. Le soutien à la recherche du secteur privé devrait éviter les profits illégitimes et être conditionné à des obligations en matière de création d’emplois en Europe.

11. Le modèle économique actuel caractérisé par l’existence d’oligopoles privés ainsi que par des pratiques spéculatives sur les matières premières apparaît comme socialement injuste et politiquement illégitime. La CES appelle les autorités publiques à lutter contre ces pratiques ainsi qu’à soutenir les modèles économiques alternatifs à la propriété individuelle, par exemple le leasing ou les formes de propriété partagée des biens.

12. Le cadre règlementaire est crucial afin de stimuler un changement en matière d’utilisation efficace des ressources. La législation européenne doit être davantage cohérente, en particulier en matière de politique des produits. La CES soutient le développement d’une directive-cadre réunissant les diverses règles et normes s’appliquant aux secteurs et aux produits. La responsabilité des producteurs et des distributeurs devrait être développée, notamment en étendant la portée de la directive « Ecodesign » aux questions d’efficacité dans l’utilisation des ressources naturelles. L’extension de durée de garantie des produits ou l’imposition d’obligations en termes de « démontabilité » ou de « recyclabilité » des produits sont autant de mesures qui devraient être introduites dans le texte de la directive. Ces développements législatifs devraient se baser sur l’analyse du cycle de vie des biens de consommation de manière à prendre en compte l’ensemble des ressources utilisées depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la destruction ou au recyclage du produit. C’est un facteur déterminant de nature à structurer et à responsabiliser les filières industrielles, conformément à la politique industrielle européenne que la CES appelle de ses vœux.

13. Les problèmes sanitaires et d’environnement liés aux activités extractives doivent être résolus, notamment en offrant aux travailleurs affectés un dédommagement adéquat. La CES appelle :

o à l’interdiction complète de l’amiante en Europe ainsi qu’au soutien et à la formation des travailleurs impliqués dans l’enlèvement et le traitement de l’amiante (notamment dans le secteur de la construction) ;
o à la création d’un système européen de surveillance sanitaire pour les travailleurs exposés aux substances dangereuses sur leur lieu de travail ;
o à la coordination des recherches européennes sur les maladies industrielles et professionnelles ;
o à soumettre les demandes d’autorisation d’implantation à une évaluation environnementale et sanitaire basée sur le principe de précaution.

14. La CES jouera un rôle actif au sein de la plate-forme européenne de l'utilisation efficace des ressources et d’autres organes afin de s’assurer que ces considérations soient intégrées dans la politique européenne d’utilisation efficace des ressources.

15. Ensemble avec ses affiliés, la CES poursuivra son travail sur une utilisation efficace des ressources menée par les travailleurs, notamment via le futur projet « Lieux de travail verts » aux niveaux de l’entreprise, des secteurs, régional et national ; ainsi que grâce à la large diffusion de son guide aux activistes syndicaux.