Priorités de la CES pour la phase actuelle de la consultation de la Commission européenne relative au Socle européen des droits sociaux, adoptées lors de la réunion extraordinaire du Comité exécutif de la CES, le 6 septembre 2016
Agir pour améliorer le sort de tous les travailleurs
Ce document de prise de position présente les observations et recommandations de la CES sur le socle européen des droits sociaux à mi-chemin du processus de consultation et résume les revendications de la CES dans sept domaines prioritaires.
- Une économie plus juste et créatrice d’emplois de qualité
- Une augmentation salariale pour la justice au travail et la justice économique
- Mieux appliquer les droits existants et instaurer de nouveaux droits
- La mobilité équitable
- Une transition réussie du marché du travail
- La protection sociale et des services publics forts
- Des changements institutionnels afin d’accorder une importance égale à la promotion de l’Europe sociale.
Introduction
À un peu plus de la moitié du processus de consultation de la Commission européenne sur le socle européen des droits sociaux, la CES présente les observations et les recommandations des travailleurs et de leurs syndicats en Europe.
L’UE dans son ensemble est aujourd’hui face à un très grand défi. La colère et la désillusion ressenties par les travailleurs à l’égard de l’UE ne se limitent pas au Royaume-Uni. Cette crise de confiance est due au fait que les travailleurs sont confrontés à une diminution de leur niveau de vie et de leur pouvoir d’achat et à l’augmentation du travail précaire. Les emplois de qualité se font rares et de nombreux travailleurs ont vu leur salaire et leurs conditions de travail se détériorer. Les salaires réels n’ont pas suivi les gains de productivité ou les bénéfices. Salaires proches du seuil de pauvreté et mauvais traitements sont devenus la norme pour un trop grand nombre de travailleurs en Europe. Les inquiétudes quant à la libre circulation des travailleurs s’ajoutant aux réductions des allocations et des services et à des taux de chômage élevés entraînent le risque que les Européens se replient encore davantage sur eux-mêmes.
Dresser des barrières, faire des migrants des boucs émissaires et jouer sur les peurs des travailleurs ne peuvent pourtant pas être la voie à suivre. Le socle des droits sociaux doit plutôt tenir compte des inquiétudes des travailleurs en proposant de meilleures règles pour s’attaquer aux lacunes du cadre légal ainsi que des recommandations et des actions fermes pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs dans toute l’Europe.
Toutefois, le lien entre l’agenda Mieux légiférer et le socle social suscite beaucoup d’inquiétudes, en particulier en raison de la nature même de cet agenda qui encourage la déréglementation et de l’approche des droits sociaux adoptée jusqu’à présent dans le programme REFIT. Ces approches économiques ne doivent pas pouvoir fragiliser les droits sociaux. Le semestre européen s’est révélé particulièrement néfaste pour les droits des travailleurs par la mise en œuvre de réformes, dans le cadre des recommandations spécifiques par pays, qui entraînent une déréglementation du travail et le démantèlement de la négociation collective. Nous insistons sur le fait que les travailleurs et leurs syndicats ne soutiendront pas cette initiative si elle a pour seul objectif une gouvernance économique imposant encore plus de contraintes en matière de droits, de salaires et de conditions des travailleurs.
Il est temps d’aller au-delà de la simple gouvernance économique et de développer une vision commune pour une Europe sociale qui améliore les conditions économiques et sociales réclamées par les citoyens européens et imposées par les traités de l’UE.
La CES estime que le socle européen des droits sociaux doit être ambitieux. Les attentes sont grandes et de nombreux problèmes doivent être abordés. L’UE doit montrer qu’elle est au service de ses citoyens et de ses travailleurs et qu’elle est capable de mettre en place des politiques nouvelles qui répondent concrètement à leurs besoins. Cela peut se faire en présentant des propositions tangibles dans six domaines prioritaires qui ont été identifiés par la CES :
- Une économie plus juste et créatrice d’emplois de qualité
- Une augmentation salariale pour la justice au travail et la justice économique
- Mieux appliquer les droits existants et instaurer de nouveaux droits
- La mobilité équitable
- Une transition réussie du marché du travail
- La protection sociale et des services publics forts
- Des changements institutionnels afin d’accorder une importance égale à la promotion de l’Europe sociale.
Faire des travailleurs et de leurs syndicats des partenaires pour construire l’Europe sociale
La CES souligne l’importance pour la Commission européenne de profiter du processus de consultation sur le socle européen des droits sociaux pour impliquer les travailleurs et leurs syndicats. Les consultations tripartites au niveau des États membres auraient pu être l’occasion idéale de réunir et de faire participer les travailleurs et leurs représentants syndicaux. Toutefois, ces réunions ont jusqu’à présent été décevantes car l’accent n’a pas été suffisamment mis sur l’implication des syndicats et des autres partenaires sociaux dans les consultations nationales. Trop peu de préparation et de temps consacré aux réunions ont donné l’impression qu’il s’agissait d’un simple exercice de « cases à cocher ». Rater cette occasion pouvait en outre saper la crédibilité du projet tout entier.
Il est essentiel que l’expérience réelle des travailleurs et les obstacles aux droits du travail et aux droits sociaux européens soient correctement analysés et compris. Il existe d’importantes différences au niveau national quant à la manière dont les problèmes relatifs aux droits sociaux de l’UE se manifestent et sont vécus. Celles-ci peuvent par exemple être dues à une mise en œuvre ou à une application nationale inadéquate des règles européennes ou être le résultat des retombées de diverses décisions de justice de l’UE. Dans certains cas, elles peuvent aussi être la conséquence de la gouvernance économique et des recommandations de l’UE entrant dans le cadre du Semestre européen ou encore de problèmes résultant d’un conflit entre règles européennes.
Il est impératif de bien tenir compte de la situation nationale et de l’avis des travailleurs et de leurs syndicats faute de quoi le socle des droits sociaux ne sera pas à même de formuler ou de présenter des solutions effectives. Le socle des droits sociaux sera sérieusement affaibli s’il n’est pas pleinement axé sur des propositions concrètes, réalistes et réalisables, bien comprises des citoyens et des travailleurs et perçues comme ayant un effet positif sur leur vie quotidienne et leurs conditions de travail.
Principes nécessaires pour soutenir cette approche
- Priorité aux droits sociaux. Le principe premier, et le plus fondamental, a déjà été défini dans le plan d’action du Congrès de Paris de la CES, à savoir que les droits sociaux fondamentaux doivent passer avant les libertés économiques. Cela exige que l’on admette que le statu quo n’est pas acceptable. Les droits sociaux doivent être encouragés et défendus avec la même urgence et le même engagement institutionnels que les règles économiques et budgétaires.
- La convergence doit se traduire par des améliorations pour tous les travailleurs. Le socle des droits sociaux doit être conçu avec pour but premier d’améliorer la protection sociale partout en Europe. Cela implique que l’objectif déclaré de « convergence » doit être précisé comme étant une « convergence à la hausse » résultant de mesures progressistes et d’améliorations mesurables en matière de droits sociaux. En outre, l’objectif de « convergence » ne doit être utilisé ni pour réduire les normes ni pour empêcher les États membres plus performants d’aller de l’avant.
- Protéger la qualité de l’emploi et non pas seulement des normes minimales. Le socle européen des droits sociaux ne sera pas efficace et durable s’il se base uniquement sur le plus petit dénominateur commun. Si les normes minimales sont nécessaires pour lutter contre la pauvreté des travailleurs, la précarité, les mauvaises conditions de travail et la segmentation du marché du travail, le socle européen des droits sociaux doit présenter un programme pour le travail décent et des emplois de qualité.
- Garantir la non-régression. Le principe de « non-régression » du niveau de protection offert aux travailleurs doit être juridiquement garanti. Il serait inacceptable que l’initiative relative au socle des droits sociaux menace le cadre existant des droits. Il faut en particulier que le contrat permanent à durée indéterminée soit la forme de contrat type recommandée par le socle des droits sociaux.
- Prévenir les conséquences involontaires. Un principe juridique de la « condition la plus favorable » doit être adopté. Cela signifie que chaque fois qu’un choix s’impose entre différentes interprétations ou qu’un conflit surgit entre textes de lois, l’organe juridictionnel ou le tribunal concerné sera tenu d’adopter l’interprétation la plus favorable au travailleur.
- Aller au-delà de la zone euro. L’application universelle des droits du travail et des droits sociaux est vitale. Ces droits ne peuvent se limiter à la zone euro. Là où il s’avère nécessaire, un certain renforcement de la coordination au sein de la zone euro peut être envisagé afin de favoriser une convergence à la hausse des systèmes de protection sociale et de s’attaquer aux conséquences de la gouvernance économique européenne ayant un impact négatif sur les politiques sociales et de l’emploi dans les pays de la zone euro.
- Droits et critères de référence. Le titre de l’initiative fait explicitement référence aux « droits sociaux » et le socle de droits sociaux doit dès lors rendre exécutoires les droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE). Promouvoir le travail décent en Europe signifie garantir que l’UE et ses États membres respectent et soutiennent pleinement les normes internationales du travail de l’Organisation internationale du travail (OIT) et encouragent leur ratification par les États membres.
- Les droits accordés doivent être réels et basés non seulement sur les droits individuels mais aussi sur des droits collectifs. Les critères de référence sont utiles pour évaluer les progrès par rapport aux objectifs définis mais, pris isolément, ils ne suffisent pas à cerner les réalités des lieux de travail.
- Intégrer le dialogue social et la négociation collective. La promotion du dialogue social et de la négociation collective doit faire partie intégrante de l’approche pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des droits du socle social. il faut reconnaître la nécessité de reconstruire le dialogue social et la négociation collective là où ils ont été négativement affectés par les politiques adoptées pour répondre à la crise ou là où ils ont posé problème en raison du manque de libertés et de droits fondamentaux ou du manque d’engagement ou d’approche de la part des employeurs.
- L’égalité hommes-femmes sur le marché du travail doit être garantie. La participation des femmes au marché du travail doit être améliorée, et le scandale des salaires plus bas et des droits à pension moins importants des femmes doit prendre fin.
- Le socle européen des droits sociaux doit engager toutes les parties, y compris les institutions européennes, à respecter pleinement l’autonomie des partenaires sociaux nationaux, les systèmes nationaux de négociation collective et les traditions et modèles nationaux du marché du travail, y compris le droit de négocier, de conclure et d’appliquer des conventions collectives et de mener une action collective conformément à la législation et aux pratiques nationales.
En résumé, le socle européen des droits sociaux doit
- Placer les droits sociaux au premier plan ;
- Garantir une convergence ASCENDANTE et des améliorations pour tous les travailleurs ;
- Promouvoir l’emploi de qualité et non pas seulement les normes minimales ;
- Assurer la non-régression et garantir que les interprétations juridiques bénéficient au travailleur ;
- S’étendre au-delà de la zone euro ;
- Se fonder sur les droits et les critères de référence ;
- Intégrer le dialogue social, promouvoir la négociation collective et protéger les conventions collectives.
Sept priorités pour rendre l’UE plus sociale
L’objectif du socle des droits sociaux doit être l’amélioration de la qualité de la vie professionnelle et du niveau de vie de tous les travailleurs et ainsi donner naissance à une Europe plus équitable et plus inclusive. Pour s’assurer que les citoyens comprennent le but et l’impact du socle des droits sociaux sur leur vie quotidienne, il est à cet égard essentiel qu’il soit axé sur quelques priorités concrètes et réalisables.
La CES invite la Commission à présenter des propositions pour favoriser les sept priorités suivantes :
Priorité 1 – Une économie plus juste et créatrice d’emplois de qualité
Construire une dimension sociale forte en Europe implique de mettre fin aux niveaux inacceptables de chômage auxquels l’UE est confrontée, singulièrement chez les jeunes et les femmes. Le chômage de longue durée de plus de 12 mois pose particulièrement problème. Inverser les mesures d’austérité qui ont créé récession et déflation est donc essentiel, surtout dans la zone euro.
Stimuler la demande globale (généralement basée sur une croissance tirée par la demande et les salaires) est fondamental et il faut en finir avec la rhétorique néolibérale si nous voulons éviter le scénario du pire à court terme.
Ces dernières années, les investissements privés et publics se sont effondrés en Europe et doivent reprendre. En temps de crise ou de « timide » reprise et de faible demande globale, il revient au secteur public d’amorcer une relance durable, surtout lorsque les taux d’intérêt sont bas.
Des investissements publics en faveur de la création d’emplois de qualité et d’une augmentation générale des salaires pour une croissance durable et plus égale sont les piliers indispensables d’une nouvelle stratégie économique. Cela inclut des augmentations salariales (voir priorité suivante).
Les investissements publics doivent faire partie des premières priorités du socle des droits sociaux et d’une approche globale soutenant toutes les autres mesures sociales. Plusieurs études macroéconomiques (voir les perspectives économiques 2016 de l’OCDE) montrent que les investissements publics contribuent à l’augmentation du PIB tout en diminuant le montant de la dette publique.
Les investissements publics doivent viser les infrastructures lourdes et légères, les réseaux, l’innovation et la recherche, les services publics de qualité, l’éducation et la formation, l’investissement social, etc. Des systèmes d’imposition réformés et plus justes peuvent contribuer à financer les investissements publics. Les grandes entreprises multinationales en particulier doivent payer leur part.
Une politique industrielle européenne est nécessaire tout comme l’est une politique pour une transition juste dans des secteurs tels que l’économie verte, la numérisation et l’automatisation.
Le plan d’investissement proposé par le Président Juncker doit être poursuivi mais le financement public disponible doit être augmenté et l’impact du plan sur la création d’emplois de qualité doit être renforcé et contrôlé.
De plus, les priorités des efforts à consentir doivent être définies en veillant à ce que les investissements profitent aux économies qui ont le plus besoin de soutien et où l’écart entre activité économique et potentiel économique est le plus grand.
Le pacte de stabilité et de croissance doit être réformé et assoupli afin d’autoriser des investissements à tous les niveaux.
La gouvernance économique européenne et le Semestre européen doivent également être réformés en tenant compte de l’inclusion d’une dimension sociale forte et en accordant aux droits sociaux ainsi qu’aux libertés et recommandations sociales le même niveau d’importance que celui donné aux considérations économiques.
Priorité 2 – Une augmentation salariale pour la justice au travail et la justice économique
L’économie européenne est tirée par la demande et les salaires. Mesures d’austérité, réductions des budgets publics et dépression salariale ont aggravé la récession et la déflation au lieu de générer une relance économique. En outre, les entreprises ne partagent pas les gains de productivité avec la main-d’œuvre. Elles ont enregistré une augmentation notable de leurs revenus mais offrent proportionnellement aux travailleurs les salaires les plus bas depuis des décennies.
Baser principalement la gouvernance économique de l’UE sur l’assainissement budgétaire et les exportations a provoqué d’énormes déséquilibres macroéconomiques entre pays et entre secteurs au sein des pays, y compris dans les pays excédentaires tels que l’Allemagne. Cela a aggravé les inégalités et l’exclusion sociale sans améliorer la productivité et la compétitivité dans la plupart des pays et des secteurs. Depuis des années, les évolutions salariales sont en retard par rapport aux gains de productivité dans une grande majorité des pays de l’UE (et d’autres pays de l’OCDE).
Il est remarquable que ce soient les pays qui, durant la crise, ont le mieux performé en termes de productivité et de compétitivité sont ceux qui connaissent le dialogue social et la négociation collective les plus vigoureux et les salaires les plus élevés.
Pourtant, un trop grand nombre d’entreprises préfèrent les types de contrats d’emploi individuels et précaires plutôt que ceux définis par convention collective mettant ainsi une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de tous les travailleurs et contribuant à creuser encore l’écart entre riches et pauvres. Emplois précaires et salaires réduits ne nous apporteront toutefois pas la stabilité en Europe. Une augmentation des salaires est le seul moyen équitable de sortir de la crise.
L’Europe a donc besoin d’une augmentation salariale générale et d’une convergence progressive à la hausse des salaires afin de relancer l’économie, de stimuler la demande et la productivité et de s’attaquer aux inégalités et aux divergences. Cette augmentation salariale doit avoir pour but d’aligner l’évolution réelle des salaires sur l’évolution passée et présente de la productivité afin de faire en sorte que les travailleurs reçoivent une juste part des bénéfices qu’ils contribuent à générer. Elle doit aussi tenir compte du fait que, pour de nombreux travailleurs européens, des salaires proches du seuil de pauvreté sont toujours une dure réalité et que des augmentations supplémentaires sont donc nécessaires. Il faut à cet égard se rappeler que des salaires proches du seuil de pauvreté ne constituent pas seulement un problème social mais causent aussi un tort énorme à l’économie car ils dépriment la demande et augmentent les inégalités.
Les objectifs d’une augmentation des salaires peuvent être atteints en :
- Mettant fin au démantèlement des systèmes et de la couverture de la négociation collective tout comme aux réductions ou au gel des salaires ;
- Accroissant le nombre de travailleurs couverts par les conventions collectives, c’est-à-dire en inversant l’impact négatif des règles budgétaires par l’adoption d’objectifs (et de critères d’évaluation des progrès enregistrés) afin d’augmenter le nombre de travailleurs couverts par convention collective au niveau européen, national et sectoriel et en encourageant une convergence à la hausse pour parvenir à un degré élevé de couverture. Ces objectifs doivent être arrêtés en accord avec les partenaires sociaux dans chaque État membre en même temps que les mécanismes nécessaires pour les atteindre, par exemple en favorisant le renforcement des capacités, en développant des mesures pour étendre les conventions collectives et en améliorant la protection des travailleurs qui s’organisent en syndicat ;
- Fixant, avec les partenaires sociaux, des objectifs d’augmentation des salaires minimum – là où ils existent – par exemple à un niveau qui ne soit pas inférieur à 60% du salaire médian/moyen dans chaque pays tel que le recommande l’OIT, tout en prenant des mesures pour évoluer progressivement vers un salaire vital plus élevé ;
- Favorisant une convergence salariale à la hausse (en particulier entre Europe orientale et Europe occidentale). Ceci est essentiel afin de lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre et la concurrence déloyale entre travailleurs et entre entreprises ;
- Développant des mécanismes de négociation multipartite et d’extension plus efficaces qui pourraient se révéler très précieux pour atteindre cet objectif et qui doivent donc être soutenus au niveau européen à travers le socle de droits sociaux. Les mesures à prendre pourraient inclure le renforcement des compétences et l’identification des exigences contradictoires des règles européennes en matière budgétaire, de libre circulation, de libre prestation de services et d’achèvement ;
- Veillant à la protection juridique et à l’extension de la couverture des conventions collectives, y compris en matière de salaires, pour les travailleurs vulnérables, y compris les travailleurs indépendants et les travailleurs en situation précaire ;
- Renforçant toutes les règles de passation des marchés publics pour s’assurer qu’elles respectent les conventions collectives, y compris le respect rigoureux et continu des contrats. Cela implique qu’aucun marché public ne devrait être passé lorsque les travailleurs ne sont pas couverts par une convention collective avec le ou les syndicats représentatifs ;
- Interdisant les taux de salaire minimum inéquitables et discriminatoires, par exemple chez les jeunes sur base de l’âge ;
- Agissant pour combler plus rapidement l’écart salarial entre hommes et femmes (UE = 16%). Il est en outre temps d’introduire l’obligation pour les entreprises de mener un audit en matière d’égalité des salaires.
Priorité 3 – Une meilleure application des droits existants des travailleurs et l’instauration de nouveaux droits
Un des objectifs clés du socle européen des droits sociaux doit être de trouver une solution à une série de problèmes rencontrés par les travailleurs lorsqu’ils tentent de faire appliquer leurs droits du travail tels qu’ils sont déjà définis par l’UE. En outre, de nouveaux droits sont nécessaires pour répondre à de nouveaux problèmes.
Le socle des droits sociaux doit inverser les tendances juridiques au niveau européen et des États membres qui ont vu le développement de pratiques permettant aux employeurs de se distancier de leurs responsabilités au titre de l’acquis social et singulièrement des directives européennes en matière d’emploi.
Un problème crucial est l’érosion des relations de travail qui, fondamentalement, prive les travailleurs de la possibilité d’exercer leurs droits européens du travail. Quant aux travailleurs soumis à des relations de travail telles que les faux emplois indépendants, les placements au pair, les internes, les travailleurs des plateformes numériques et les travailleurs non déclarés, ils sont confrontés à une charge de la preuve telle qu’ils n’ont virtuellement aucun moyen de faire valoir leurs droits. De même, les relations triangulaires et de sous-traitance concourent toutes à priver les travailleurs de l’exercice effectif de leurs droits européens. Et bien trop souvent, dans les situations de conflit de lois, les droits du travailleur sont un cran ou deux en dessous des droits de l’employeur.
Une protection inadéquate des travailleurs qui signalent des abus, des procédures coûteuses et l’absence d’un droit clair des travailleurs à être représentés par leurs syndicats s’ajoutant à des cadres législatifs insuffisants et à des mécanismes d’exécution inopérants au niveau des États membres créent une situation qui fait que les travailleurs doutent que leurs droits soient pris au sérieux.
Le préjudice causé par l’absence de protection effective touche les travailleurs, leur famille et leur communauté mais aussi les entreprises responsables, l’UE et les États membres. Pendant ce temps, les bénéfices, profits et avantages concurrentiels reviennent uniquement aux employeurs qui peuvent continuer à abuser du système. Le bien-être de l’UE dépend de notre capacité de mettre face à toutes leurs responsabilités ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des fruits de leur travail. Cela implique de présenter des propositions législatives confirmant :
- Le droit à une application effective, y compris une directive européenne portant sur la stricte application de dispositions légales conformes à la convention N° 81 de l’OIT, incluant des dispositions relatives au droit d’être représenté par un syndicat et garantissant le droit à la réintégration, la prévention du licenciement et la protection contre d’autres représailles, les actions collectives, la responsabilité solidaire, l’absence de frais pour les travailleurs qui intentent une action en justice, des délais maximaux pour l’examen des dossiers, le renversement de la charge de la preuve et le droit à un recours effectif en cas d’insolvabilité et des mesures garantissant que les plateformes en ligne assument leurs responsabilités ;
- Le droit à la présomption de relation de travail, y compris des sanctions à l’égard des employeurs qui déguisent une relation de travail (par ex. les faux emplois indépendants, les placements au pair, les internes, les travailleurs non déclarés, les travailleurs des plateformes numériques, etc.) ;
- L’amélioration de la définition de « travailleur », en élargissant la portée de la définition d’un travailleur afin qu’elle ne soit pas restreinte ou interprétée comme s’appliquant à la catégorie la plus limitée d’ « employé », et la suppression des exemptions injustes qui excluent certains travailleurs du champ d’application de la protection ;
- La définition de ce qu’est un « travailleur indépendant », le (ou la) distinguant, d’une part, du faux indépendant – c.-à-d. un employé improprement catégorisé comme indépendant, et, d’autre part, de l’entrepreneur indépendant, afin de garantir les droits du travail, le droit à une rémunération adéquate, des conditions de travail équitables, l’éducation et la formation, la protection contre le chômage, la protection sociale et les droits à pension des travailleurs concernés. Ces définitions ne doivent cependant jamais réduire les droits des partenaires sociaux de conclure leurs propres accords sur le travail indépendant ;
- Le droit aux conditions les plus favorables pour les travailleurs confrontés à une situation de conflit de lois, respectant pleinement l’autonomie des partenaires sociaux nationaux, les systèmes nationaux de négociation collective ainsi que les traditions et modèles nationaux du marché du travail, y compris le droit de négocier, de conclure et d’appliquer des conventions collectives et de mener une action collective conformément à la législation et aux pratiques nationales ;
- Le droit à la protection contre l’insécurité de l’emploi en fixant des limites aux pratiques qui créent cette insécurité au travail et en interdisant l’exploitation des travailleurs à travers les contrats zéro heure, les contrats « si et quand » et les contrats sur appel, et en offrant une protection proactive telle que le droit à un travail à plein temps, à une notification adéquate des régimes de travail et un soutien en cas de restructuration, ainsi qu’une protection en cas de licenciement ;
- Le droit à un temps de travail raisonnable favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et incluant des restrictions au niveau du travail de garde et des appels et courriels en dehors des heures normales de travail ;
- Le droit à la dignité au travail, y compris le droit au respect de la vie privée, la protection contre la surveillance et le contrôle injustifiés ou les fouilles physiques des biens et des travailleurs, et à une meilleure protection des données personnelles dans la relation de travail ;
- Le droit à la représentation au travail et dans les conseils d’administration, y compris un cadre européen général en matière d’information, de consultation et de représentation au conseil d’administration s’accompagnant d’une directive introduisant une architecture nouvelle et intégrée pour la participation des travailleurs dans les formes de sociétés européennes et veillant à la démocratie industrielle. L’introduction d’une représentation des travailleurs dans les conseils d’administration, représentation plus modeste pour les PME mais augmentant selon la taille de l’entreprise (aussi bien dans le système moniste que dualiste) : les petites entreprises comptant 50 à 250 employés devraient avoir un nombre moindre de représentants du personnel au conseil d’administration (2 à 3) tandis que les entreprises de 251 à 1.000 employés et les grandes entreprises de plus de 1.000 employés devraient réserver respectivement un tiers et la moitié des sièges aux représentants du personnel ;
- Le droit à la négociation collective, garantissant le droit des travailleurs (et des travailleurs indépendants) à s’organiser en syndicat, à négocier collectivement et à mener des actions collectives, y compris des actions de grève, ainsi qu’une protection adéquate et effective contre les actes discriminatoires à l’encontre des syndicats ;
- Le droit à la liberté d’expression, y compris la protection contre la victimisation et le licenciement des « lanceurs d’alerte », l’interdiction d’établir une « liste noire » et une offre de réparation et de compensation pour les victimes ;
- Le droit à la protection durant la période d’essai, y compris le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale et l’interdiction de « stages » non rémunérés, une protection contre une vérification des antécédents inutile et par trop invasive et contre toute discrimination sur base de l’origine sociale ou de motifs socio-économiques ;
- Le droit à la protection contre les traitements arbitraires et les licenciements abusifs. Les employeurs ne devraient pas être en mesure de modifier les conditions ou l’emploi du travailleur sans restriction, sur la seule décision de l’employeur.
- Le droit à un travail sûr et sain, incluant les prochaines mesures de la stratégie européenne pour la santé, la sécurité et le bien-être au travail. L’accent doit être mis sur la prévention, une plus grande reconnaissance et un soutien aux représentants du personnel pour la sécurité, la promotion des contrôles sanitaires et le développement de systèmes garantissant la mise en place de mécanismes réalistes et équitables afin de traiter de manière effective et efficace les demandes d’indemnités et de prestations résultant de lésions corporelles, d’accidents et de maladies professionnels.
- Le droit à des dispositions modernes et pertinentes. Par exemple, afin d’améliorer le fonctionnement des comités d’entreprise européens, il est urgent de renforcer et de moderniser la législation applicable.
Priorité 4 – La mobilité équitable
Dresser des barrières, faire des migrants des boucs émissaires et jouer sur les peurs des travailleurs ne peuvent constituer la voie à suivre. Le socle des droits sociaux doit plutôt tenir compte des inquiétudes des travailleurs en proposant de meilleures règles pour s’attaquer aux lacunes du cadre légal européen de telle sorte que les travailleurs ne soient plus vulnérables à l’exploitation parce qu’ils viennent d’un pays où les salaires sont plus bas. Cela demande une amélioration du cadre et des outils juridiques de l’UE. Les obstacles injustes à la liberté de circulation doivent être supprimés tandis que la concurrence au niveau des coûts de la main-d’œuvre ne doit être ni tolérée ni encouragée et que l’égalité de traitement doit être réelle et indépendante du statut d’immigration ou du type de contrat de travail du travailleur.
Pour l’UE, une meilleure gestion de la migration signifie réprimer l’exploitation mais aussi investir au niveau des communautés soumises à des pressions grandissantes dues à l’évolution démographique en ouvrant des écoles et des hôpitaux et en étendant l’offre de logement pour répondre aux besoins d’une population croissante. Cela signifie aussi donner à chacun une chance d’apprendre la langue locale comme un premier pas nécessaire à son intégration. Cela signifie enfin s’attaquer au manque d’emplois et d’opportunités qui pousse les travailleurs à émigrer.
La position des travailleurs détachés dans un autre État membre dans le cadre de la fourniture de services est depuis longtemps une source d’inquiétude particulière pour ces travailleurs et leurs syndicats. Il est en outre devenu de plus en plus difficile pour les syndicats dans les États membres de protéger les systèmes de négociation collective et les conventions collectives face à des entreprises proposant des travailleurs détachés issus de pays pratiquant des salaires plus bas. Malgré la révision de la directive sur les marchés publics, de nombreux États membres persistent à dire qu’ils ne sont pas en mesure d’obliger les entreprises à respecter les conventions collectives, à pratiquer les taux en vigueur et à offrir les conditions de travail habituelles. Des règles plus fermes et une meilleure application de ces règles sont nécessaires.
Dans ce contexte, la révision de la directive sur le détachement des travailleurs (pleinement soutenue par la CES) est une bonne occasion d’améliorer la situation bien que certains amendements devront être présentés au cours du processus législatif.
Des mesures garantissant une mobilité équitable et durable au sein de l’UE sont nécessaires (par ex. en présentant une nouvelle proposition pour un paquet mobilité et à travers la révision de la directive sur le détachement des travailleurs) afin d’assurer :
- Le droit à l’égalité de traitement indépendamment du type de relation de travail ;
- La prévention des abus en matière de détachement et en particulier le recours aux sociétés boîtes aux lettres visant à contourner le droit du travail du pays d’accueil ;
- La réduction de la durée du détachement et l’obligation pour les employeurs dans toute la chaîne de valeur de respecter les droits et normes nationaux du travail et les conventions collectives applicables ;
- Une meilleure application des règles existantes afin de garantir que les travailleurs mobiles soient équitablement traités ;
- La chasse aux abus possibles concernant les prestations sociales dans le contexte de la mobilité ;
- Que la lutte contre les abus ne mène pas à des infractions ou à des modifications du principe de libre circulation des travailleurs et des règles du pays du lieu de travail. Aucune indexation sur base du pays d’origine ne peut être introduite lorsque les travailleurs mobiles ont payé pour les prestations sociales dont ils bénéficient (à travers l’impôt ou les cotisations sociales) ;
- Le principe de libre circulation des travailleurs à travers des mesures concrètes et la levée d’obstacles existants tels que la double imposition et la non-conformité avec les règles en vigueur en matière de droits et de prestations sociaux dans le cas de travail transfrontalier ;
- L’application correcte au niveau européen de la portabilité des droits et prestations sociaux.
Priorité 5 – Des transitions réussies du marché du travail
Un sérieux renforcement des droits sociaux de l’UE est nécessaire afin d’élaborer une méthode de gestion équitable des restructurations d’entreprise et d’accroître la capacité d’anticiper le changement – en particulier alors que la numérisation transforme le monde du travail. Un dialogue social fort consacré par le socle des droits sociaux est le meilleur moyen d’y parvenir.
Le socle des droits sociaux doit assurer des transitions sûres entre éducation et travail, entre travail et périodes de chômage et de promotion professionnelle en apportant un soutien approprié de protection sociale afin que la sécurité des travailleurs reste garantie en temps de chômage tout en prenant des mesures pour augmenter leur employabilité. Cela passe par la promotion de la formation par le travail sous toutes ses formes, avec une attention particulière pour les stages, en y associant les partenaires sociaux, les entreprises et les prestataires d’enseignement et de formation professionnels ainsi qu’en stimulant l’innovation et l’entrepreneuriat. Des investissements sont donc nécessaires dans l’éducation et la formation, en particulier dans l’enseignement et la formation professionnels, pour développer tous les niveaux de compétences et aider les adultes peu qualifiés à s’adapter aux besoins changeants du marché du travail. Les employeurs ont une grande responsabilité en termes d’investissement pour leur main-d’œuvre afin de lui ouvrir des perspectives de progression et de développement de carrière.
Le socle des droits sociaux doit inclure un « droit européen à un congé de formation payé » pour soutenir la formation et l’éducation tout au long de la vie et assurer que les travailleurs puissent s’adapter, démarrer une nouvelle étape dans leur carrière et acquérir des compétences qui ne sont pas en rapport avec leur travail actuel. Les propositions suivantes peuvent y contribuer :
- Le droit à des services publics et gratuits d’orientation et de placement pour tous les travailleurs et les chômeurs. Des mesures spécifiques doivent être destinées aux travailleurs peu qualifiés ou qui travaillent dans des secteurs vulnérables, tout en reconnaissant que les travailleurs plus qualifiés doivent pouvoir accéder à un large éventail de systèmes de recyclage et de développement des compétences ;
- Le droit à des mesures de lutte contre la précarité, y compris des congés rémunérés d’éducation, de formation et d’acquisition de compétences ;
- Une offre d’apprentissages de qualité dans un cadre de qualité européen pour l’apprentissage ;
- Augmenter la proportion de travailleurs participant à des formations par le travail et d’adultes suivant un programme d’enseignement et de formation professionnels continus (EFPC) (le but est d’atteindre au moins 15% d’adultes par État membre d’ici à 2020) ;
- Garantie de compétences : faire passer de 20% à 10% le nombre de personnes peu qualifiées au sein de la population en âge de travailler ;
- Augmenter le nombre et les catégories de travailleurs couverts par une convention collective en matière d’EFPC ;
- Augmenter le financement et les investissements pérennes en faveur de l’éducation et de la formation ;
- En accord avec les partenaires sociaux, fixer un objectif pour un pourcentage minimum du budget des entreprises consacré à la formation.
Le chômage des jeunes mérite une attention particulière et le socle des droits sociaux doit veiller au suivi et à la complète mise en œuvre de la garantie européenne pour la jeunesse, y compris :
- La garantie d’une offre et d’une intervention dans un délai de quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi. Cette garantie doit être universelle et à long terme ;
- Des offres d’emplois, de formation, de stages et d’apprentissages répondant à des normes de qualité exigeantes, particulièrement dans les secteurs où la création d’emplois sera importante à l’avenir ;
- Des mesures pour améliorer la confiance dans les institutions et augmenter la capacité institutionnelle à fournir des services. Des aspects essentiels sont un financement adéquat et les ressources humaines pour garantir des services d’orientation de qualité pour les jeunes ;
- Définir avec soin les interventions nécessaires pour répondre aux besoins du public cible afin de tenir compte de l’hétérogénéité de la population jeune ;
- Investir dans un financement plus ambitieux et à plus long terme afin de garantir des résultats probants dès sa mise en œuvre. La CES plaide pour une prolongation des lignes budgétaires au-delà de 2016 avec pour critère d’un financement adéquat de la garantie pour la jeunesse l’estimation de 21 milliards d’euros par an avancée par l’OIT.
Priorité 6 – Protection sociale et services publics
Le socle des droits sociaux doit apporter des améliorations tangibles des conditions de vie, non seulement en termes de revenu mais aussi en termes de facteurs affectant la qualité de vie des citoyens et leur capacité de travailler, par exemple la disponibilité de services publics, y compris l’accès à l’accueil des enfants et des personnes âgées, aux transports, aux soins de santé et au logement. Il faut aussi qu’il relève les revenus de ceux qui dépendent des prestations sociales. Le bien-être social doit être augmenté en termes réels et d’importants progrès doivent être faits pour répondre aux normes en matière de conditions de vie décentes des personnes qui comptent sur la sécurité sociale pour faire face à l’exclusion et aux problèmes de revenus insuffisants, que ceux-ci soient liés au sous-emploi, au chômage, à l’âge ou au handicap. Il faut également élargir le droit à des prestations professionnelles. La protection sociale doit couvrir les personnes au travail et en dehors du travail, indépendamment de leur contrat de travail, et doit en particulier être étendue aux travailleurs indépendants.
Les systèmes de protection sociale ne se limitent pas à de l’assistance mais doivent aussi inclure des droits. Le socle des droits sociaux doit par conséquent présenter des recommandations afin de garantir plusieurs droits fondamentaux et notamment :
- Le droit à des prestations sociales de bonne qualité dans tous les domaines de la sécurité sociale, y compris le handicap, les systèmes d’assistance sociale et le revenu minimum ;
- Le droit à des services sociaux de bonne qualité, abordables et accessibles, adéquatement financés et prestés par des professionnels qualifiés, y compris les soins de longue durée et l’accueil de l’enfance, les soins de santé préventifs et curatifs de bonne qualité, et le droit à un logement social de qualité, sûr et abordable pour ceux qui en ont besoin ;
- Le droit à une pension adéquate et indexée afin de protéger le pouvoir d’achat. La convergence à la hausse des normes au niveau européen doit également être envisagée dans le cadre des réformes des régimes nationaux de pension ;
- Une directive européenne sur des régimes de revenu minimum adéquat afin de définir des principes, définitions et méthodes communs en matière de droits pour l’ensemble de l’UE ;
- Une norme européenne commune portant sur le droit à des soins de longue durée professionnels de qualité, y compris la fourniture de soins, le droit à congé et à compensation pour les aidants ;
- La suppression de l’obligation faite aux États membres de lier l’âge légal de départ à la retraite à l’espérance de vie et la prise en compte de la pénibilité du travail.
Priorité 7 – Des changements institutionnels afin d’accorder une importance égale à la promotion de l’Europe sociale
En fixant des priorités concrètes pour rendre le socle des droits sociaux plus effectif et ses objectifs plus réalisables, il est nécessaire d’évaluer les outils juridiques et de gouvernance les plus indiqués pour les mettre en place.
- Législation : Dans toutes les matières liées aux droits sociaux, des processus législatifs sont nécessaires, tant en termes d’amélioration des cadres légaux existants que d’introduction de nouveaux instruments juridiques. Les droits reconnus par la loi doivent être appliqués à l’ensemble de l’UE et pas seulement à l’UEM.
- Autres instruments juridiques : D’autres instruments juridiques, comme par exemple les décisions et avis de la Commission, les recommandations et communications du Conseil ou les lignes directrices annuelles pour l’emploi doivent être utilisés dans les cas où ils peuvent contribuer à atteindre les objectifs convenus tout en tenant compte de la nature contraignante ou non contraignante de la loi.
- Le Semestre européen : Des changements institutionnels sont également nécessaires pour assurer une promotion équilibrée de l’Europe sociale à travers les recommandations par pays du Semestre européen. La CES s’inquiète depuis longtemps du fait que l’implication des syndicats dans la prise de décision dans le cadre de la stratégie Europe 2020 est totalement inadéquate comme les résultats le prouvent. Une approche réellement inclusive et collaborative est nécessaire tout au long du processus de gouvernance, en particulier durant le Semestre européen. La CES soutient également la participation des affiliés nationaux dans le processus du Semestre européen et continue à insister sur leur implication dans les propositions d’action, indépendamment de l’IRPES [Institut européen de recherche sur les politiques économiques et sociales]. En même temps, l’introduction dans le Semestre européen et dans les recommandations par pays d’une nouvelle dimension sociale par le biais d’un tableau de bord social pourrait contribuer à atteindre certains des objectifs définis dans le socle des droits sociaux.
- Vérifications et contre-mesures : La responsabilité démocratique de la Commission et du Conseil doit être améliorée. Le rôle du Parlement européen doit en outre être repensé. D’importants changements sont nécessaires pour s’assurer que tous les départements de la Commission œuvrent pour atteindre les objectifs sociaux. Qu’ils soient ou non liés à des questions sociales, les droits définis dans la CDFUE doivent être reconnus, promus et/ou appliqués par les institutions européennes dans chacune de leurs propositions et par les États membres lorsque ceux-ci appliquent le droit européen.
- Rééquilibrer droits sociaux et droits économiques : Il est urgent d’agir pour finaliser les procédures d’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme et l’adoption du protocole et des clauses de progrès social faute de quoi les droits sociaux de l’UE présentés par l’IRPES seront vulnérables aux attaques portées au nom des libertés économiques.
Conclusion
En conclusion, toutes les composantes de la vision de la CES relative au socle des droits sociaux sont connues. Nous réclamons des salaires qui représentent une part équitable des profits qu’ils génèrent et qui permettent aux travailleurs et à leurs familles de vivre dans la dignité. Des niveaux décents de protection sociale, de stabilité en termes de contrat, d’heures de travail et de revenus, de protection contre une résiliation injustifiée du contrat d’emploi et un accès effectif à la liberté d’association et de négociation collective sont également nécessaires. Et pourtant, ce sont précisément ces droits et ces protections des travailleurs qui disparaissent de plus en plus rapidement en Europe. Dans cette Europe chaque jour plus inégalitaire, les droits sociaux sont indispensables pour rétablir l’équité et le socle des droits sociaux représente le moyen pour y parvenir.