Un nouveau cadre européen en matière d’information, de consultation et de représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance

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Un nouveau cadre européen en matière d’information, de consultation et de représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance pour les formes de sociétés européennes et pour les entreprises utilisant les instruments du droit des sociétés de l’UE permettant la mobilité des entreprises

Adopté par le Comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 9-10 décembre 2020

Messages clés

  • La démocratie au travail est essentielle pour surmonter la crise sociale, économique et sanitaire actuelle et pour construire une reprise responsable et durable pour tous.
  • La CES insiste sur le fait que la législation européenne doit garantir que l’information et la consultation sur les questions transnationales aient lieu avant que la direction centrale ne prenne des décisions ayant des implications transfrontalières. Ce processus d’information et de consultation doit être lié aux processus d’information, de consultation et de négociation au niveau national. 
  • Ce droit d’implication des salariés est tout aussi pertinent lorsque les entreprises réorganisent leur architecture juridique au-delà des frontières, car une telle restructuration juridique a également des implications importantes pour les droits des travailleurs en vertu du droit national.
  • En ce qui concerne la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance, le principe de « l’escalier »[1] proposée comme solution de repli ou solution subsidiaire, inciterait les entreprises à ouvrir des négociations avec les travailleurs afin de parvenir à un accord sur la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises cherchant à tirer parti des dispositions de l’UE en matière de mobilité.
  • Les efforts de la CES pour renforcer la représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance pour les formes de sociétés européennes et les entreprises qui utilisent les instruments de mobilité des entreprises de l’UE devraient s’accompagner d’un renforcement des droits d’information et de consultation.
  • La CES s’est fortement engagée à garantir la parité homme-femmes et la diversité au sein du conseil de surveillance des entreprises et exige des mesures législatives contraignantes au niveau européen pour la parité homme-femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises.
  • Le nouveau cadre de l’UE devrait être un nouvel instrument juridique « supplémentaire » ayant un effet horizontal dans l’établissement de normes pour l’implication des travailleurs. Alternativement, ou en combinaison, il pourrait être un instrument juridique proposant des modifications à la directive sur les transformations, scissions et fusions transfrontalières, ainsi qu’aux cadres juridiques des SE et des coopératives européennes, ou une combinaison des deux.
  • Un nouveau cadre devrait s’accompagner d’efforts renouvelés pour apporter les améliorations nécessaires au cadre juridique sur les comités d’entreprise europé

La position de la CES sur un nouveau cadre européen en matière d’information, de consultation et de représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance se fonde sur les objectifs et les priorités définis dans le programme d’action de la CES 2019-2023, approuvé lors du Congrès de Vienne, ainsi que sur la position[2] précédente de la CES.

La position de la CES confirme et intensifie ses efforts pour appeler à plus de démocratie au travail, comme une priorité essentielle pour le mouvement syndical européen. La démocratie au travail est devenue d’autant plus pertinente à la lumière de cette pandémie sans précédent, alors que les entreprises s’efforcent de s’adapter aux demandes changeantes des décideurs politiques et des marchés pour faire face à la crise sanitaire, sociale et économique. La pandémie a soumis certains travailleurs à faire face à des fermetures d’entreprise et des licenciements répétés, tandis que pour d’autres les cadences et la charge de travail ont augmenté d’une façon exponentielle. La crise a exacerbé les inégalités existantes, et les travailleurs ont connu de vastes transformations de leur mode de travail et des processus de restructuration massive[3].

Il est essentiel de veiller à ce que tous ces changements et défis soient abordés d’une manière socialement responsable et dans le respect total des droits des travailleurs. Il faut garantir que les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation soient pleinement respectés avant que ne soient prises des décisions de gestion ayant des conséquences sur l’emploi ou les conditions de travail. Lorsque des restructurations sont prévues, les syndicats et les représentants des travailleurs doivent avoir accès à l’expertise nécessaire pour s’engager dans des alternatives possibles aux propositions de la direction. Il est tout aussi important de garantir la pleine participation des représentants des travailleurs au niveau du conseil d’administration et de surveillance aux discussions et aux décisions relatives à toute restructuration planifiée. Toutes ces formes d’implication des travailleurs devraient sous-tendre et conduire à une consultation significative de la direction et des autorités publiques sur les différentes options et alternatives afin de garantir que toute restructuration est menée de manière socialement responsable, en cherchant notamment à éviter les conséquences négatives, y compris les licenciements.

La démocratie au travail est essentielle pour construire une reprise responsable et durable pour tous. Les actions visant à renforcer les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation doivent s’inscrire dans une stratégie syndicale globale pour la reprise suite à la crise pandémique. L’UE devrait donc s’engager dans une réforme de la législation européenne sur l’implication des travailleurs par l’information et la consultation, et la représentation au niveau du conseil d’administration et de surveillance, pour les formes de sociétés européennes (telles que les SE, les SCE) et pour les entreprises qui utilisent les instruments du droit des sociétés de l’UE permettant la mobilité des entreprises (par exemple, les transformations, fusions et scissions transfrontalières, etc.) et pour améliorer l’implication des travailleurs sur le lieu de travail et dans les processus de restructuration ; les travailleurs devraient avoir davantage leur mot à dire sur l’organisation et les choix de leurs entreprises qui ont un impact sur leur travail. Ces droits devraient être liés aux objectifs des syndicats et aux priorités des initiatives telles que « Next Generation UE », du « Green Deal » européen et à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux ou entre autres de la stratégie industrielle.

Les entreprises multinationales ont de nombreuses raisons d’adapter leurs structures juridiques de propriété et de contrôle au-delà des frontières. Elles peuvent chercher à aligner leurs structures sur leur stratégie, ou elles peuvent avoir besoin de se conformer à des exigences réglementaires. Mais ces changements juridiques peuvent aussi signifier que certaines dispositions du droit national des sociétés ne s’appliquent plus, ce qui pourrait entraîner des modifications des droits des travailleurs dans cette entreprise. Il est donc très important que la CES continue à surveiller de près le droit des sociétés, afin de s’assurer que les droits des travailleurs ne sont pas sapés par une restructuration juridique transfrontalière de l’entreprise.

En dépit de la forte mobilisation de la CES et du Parlement européen, le paquet « droit des sociétés » de 2019 n’a pas réussi à définir de manière adéquate une norme européenne élevée en matière d’information, de consultation et de représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance dans les cas de restructuration transfrontalière des entreprises. Plusieurs lacunes et incohérences subsistent ou ont même été nouvellement créées dans le nouveau paquet juridique. Ces résultats législatifs sous-optimaux ont encore souligné la nécessité de mieux définir la proposition de la CES pour un cadre horizontal pour les droits d’information, de consultation et de représentation au sein du conseil d’administration et de surveillance, puisque ce cadre horizontal vise à garantir en permanence un niveau élevé de droits dans les situations transfrontalières où les lois nationales ne peuvent pas être appliquées de manière coordonnée et équitable.

En outre, la CES est fermement convaincue de la nécessité d’assurer le plein respect des droits à l’information et à la consultation des travailleurs du secteur public afin de les impliquer efficacement dans le processus décisionnel sur la manière dont les services publics sont organisés et fournis. S’appuyant sur la motion d’urgence en faveur de l’accord des partenaires sociaux sur les droits d’information et de consultation des travailleurs de l’administration centrale, approuvée lors du dernier congrès de la CES, la CES continue d’exiger que la Commission propose et adopte une directive reflétant l’accord des partenaires sociaux garantissant que les représentants syndicaux de l’administration publique disposent de droits d’information et de consultation.

Cette position a été développée au cours de plusieurs réunions des comités permanents de la CES concernés, en particulier au sein du Comité de la participation des travailleurs et de la politique d’entreprise et du Comité du Droit  et Législation du marché intérieur, ainsi que dans le cadre du nouveau projet de la CES « Plus de démocratie au travail ». Elle est le résultat de ces échanges fructueux et tournés vers l’avenir avec les affiliés de la CES[4].

Champ d’application

Comme indiqué dans le programme d’action 2019-2023 de la CES et dans la position précédente de la CES, le champ d’application d’un nouveau cadre horizontal pour l’information, la consultation et la représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance devrait porter sur les formes de sociétés européennes et les entreprises (privées ou publiques) qui utilisent les instruments de mobilité des entreprises de l’UE (y compris les transformations, fusions et scissions transfrontalières). Le cadre ne viserait pas à modifier la directive 2002/14 établissant un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

Information et consultation

Une information transnationale complète et en temps opportun et une consultation en bonne et due forme avant qu’une décision ne soit prise sur le processus de restructuration juridique transfrontalière[5]. Il est nécessaire de veiller à ce qu’un processus d’information et de consultation adéquat, complet et approfondi ait lieu à tous les niveaux concernés de l’entreprise avant que la décision de restructuration ne soit finalisée. Les représentants des travailleurs doivent recevoir en temps utile les informations nécessaires sur les changements envisagés dans la structure et l’organisation de l’entreprise, sur les raisons et les objectifs de la restructuration juridique transfrontalière et sur tout impact potentiel sur l’emploi et les conditions de travail dans l’ensemble de l’entreprise.

Les représentants des travailleurs doivent disposer des ressources et du temps nécessaires pour étudier les informations et se forger une opinion, et pour être consultés et recevoir une réponse motivée à leur avis. Ils doivent avoir accès à l’expertise nécessaire pour évaluer les implications des processus de restructuration juridique transfrontalière. Les représentants des travailleurs et les syndicats doivent pouvoir faire appel aux autorités compétentes lorsqu’ils suspectent que le processus de restructuration juridique transfrontalière pourrait déboucher sur  un montage artificiel ou pourrait être conçu pour abuser ou limiter les droits des travailleurs et détériorer leurs conditions de travail. L’instrument devra inclure les définitions les plus récentes et les plus efficaces en matière d’information et de consultation des travailleurs (conformément aux propositions des syndicats dans le paquet sur le droit des sociétés), ainsi que,  le cas échéant, une définition efficace d’un processus de restructuration juridique transfrontalière ayant une dimension/implications transfrontalières. Il convient de prendre des mesures efficaces pour prévenir les abus de confidentialité.

Liens efficaces entre les différents niveaux (et les différents instruments) d’information et de consultation : le cadre doit prévoir les ressources et le temps nécessaires à la pleine participation et à l’interconnexion procédurale entre les différents niveaux (national et transnational) et, le cas échéant, les instruments (par exemple, transfert d’entreprises, licenciements collectifs, insolvabilité, etc.) d’information et de consultation des travailleurs. L’instrument devrait également garantir que les représentants des travailleurs reçoivent des informations complètes sur les chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance des entreprises. Il convient également d’envisager des liens et des mécanismes appropriés pour l’implication des travailleurs des entreprises dans les chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance qui pourraient être affectés par le processus de restructuration juridique transfrontalière.

Un organisme transnational pour les droits d’information et de consultation dans toute nouvelle entreprise transnationale résultant du processus de restructuration juridique transfrontalière : il est essentiel de garantir l’ouverture de négociations avec les travailleurs en vue de la création d’un organe transnational d’information et de consultation dans toute nouvelle entreprise transnationale résultant d’une réorganisation juridique transfrontalière.

L’application de la loi et l’accès à la justice sont essentiels. C’est un domaine dans lequel des améliorations sont nécessaires de toute urgence au niveau européen. Les sanctions en cas de non-respect devraient être efficaces et dissuasives, ce qui devrait garantir que les décisions et les processus de restructuration pris sans le plein respect des droits d’information et de consultation des travailleurs sont nuls et non avenus. Le cadre devrait également comprendre des instruments et des mécanismes visant à garantir l’accès à la justice de l’organe transnational d’information et de consultation en cas d’une violation des droits des travailleurs.

Représentation au niveau du conseil d’administration et de surveillance

Actes juridiques

Plusieurs actes juridiques européens traitent des droits de représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance. Ces actes comportent d’importantes lacunes et failles. Plus important encore, ils n’établissent pas de prescriptions minimales pour la représentation au sein du conseil d’administration et de surveillance des sociétés européennes et des sociétés qui utilisent les instruments du droit européen des sociétés permettant la mobilité des entreprises, mais se fondent sur le principe « avant-après » et — sous certaines conditions — sur la sauvegarde des droits de représentation au sein du conseil d’administration et de surveillance pendant une période limitée. Afin d’améliorer la situation des travailleurs des entreprises qui prennent des formes de droit européen des sociétés et qui utilisent les instruments de droit européen des sociétés pour restructurer leur architecture juridique au-delà des frontières, de améliorations sont nécessaires dans les cadres régissant les SE et les sociétés coopératives européennes, ainsi que dans le paquet  droit des sociétés .

Cette position s’inscrit dans le cadre d’une évaluation des pistes possibles pour renforcer l’européanisation[6]  de la représentation au niveau des conseils d’administration et de surveillance, en tant que moyens d’établir des normes minimales européennes pour les droits de représentation des travailleurs au niveau des conseils d’administration et de surveillance, qui n’existent pas encore. La CES reconnaît la nécessité d’établir des normes minimales européennes pour les droits de représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration et de surveillance des sociétés européennes et pour les entreprises qui utilisent les instruments du droit européen des sociétés permettant la mobilité des entreprises. Une telle norme minimale européenne n’existe pas encore ; au lieu de cela, dans ce domaine, les dispositions du statut de la société européenne et les autres actes législatifs pertinents tels que ceux qui réglementent les transformations, fusions et scissions transfrontalières, ne font qu’étendre des règles nationales parfois très différentes dans l’espace réglementaire européen en suivant la logique du principe « avant-après » : ce principe « avant-après » qui repose sur la perpétuation de normes nationales individuelles aboutit à un patchwork de normes différentes existant les unes à côté des autres dans l’espace européen. L’application d’un principe « avant-après » sans aucun alignement n’est donc pas un principe de normalisation européen approprié. Cette situation entraîne une inégalité de traitement des travailleurs et crée des conditions de concurrence inégales pour les entreprises. Elle est donc contraire à l’esprit des traités européens et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Principe de « l’escalier »

Pour remédier à cette situation et favoriser l’élaboration d’une norme véritablement européenne, le principe de « l’escalier »adopté par le Comité exécutif de la CES[7] est une solution de repli ou une solution subsidiaire. Il s’appliquerait à toutes les entreprises incluses dans le champ d’application du cadre horizontal, c’est-à-dire les formes de sociétés européennes et pour les entreprises qui utilisent les instruments du droit européen des sociétés permettant la mobilité des entreprises (indépendamment des droits de représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration et de surveillance de l’entreprise avant l’application de la directive-cadre horizontale). Il inciterait les entreprises à ouvrir des négociations avec les travailleurs afin de parvenir à un accord sur la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance de toutes les entreprises transnationales résultant d’une restructuration juridique transfrontalière. Le nouveau cadre introduirait donc un droit pour les travailleurs de mettre en place un système de représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration et de surveillance. Cela peut être soit le conseil d’administration ou le conseil de direction (pour les systèmes à un seul niveau), soit le conseil de surveillance (pour les systèmes à deux niveaux). Si un accord n’est pas conclu dans le délai défini dans le cadre horizontal pour les négociations avec la direction de l’entreprise, des dispositions subsidiaires s’appliqueraient, y compris le principe de « l’escalier ». De nouvelles négociations devraient commencer automatiquement si un seuil est atteint après la restructuration juridique transfrontalière.

Le principe de « l’escalier »prévoit une proportion plus faible de travailleurs dans les conseils d’administration et de surveillance des petites entreprises. Cette proportion augmenterait en fonction de la taille de l’entreprise (tant dans un système moniste que dans un système dualiste) comme suit :

– les petites entreprises de 50 à 250 salariés (au sein de l’entreprise et de ses filiales directes ou indirectes) doivent avoir 2 ou 3 représentants des travailleurs.

– les entreprises de 250 à 1 000 salariés (au sein de l’entreprise et de ses filiales directes ou indirectes) : les représentants des travailleurs devraient compter pour un tiers des membres du conseil composé d’au moins neuf membres.

– Les grandes entreprises de plus de 1000 salariés (au sein de l’entreprise et de ses filiales directes ou indirectes) doivent avoir une représentation paritaire (la moitié des sièges) au sein des conseils.

De nombreuses lacunes du cadre communautaire seraient comblées par l’introduction du principe de « l’escalier ». Dans ce cadre, il ne serait pas nécessaire d’introduire un élément dynamique dans le cadre juridique, pour remédier aux lacunes du principe « avant-après ». Un tel élément dynamique serait toutefois nécessaire en l’absence du principe de « l’escalier » (comme deuxième meilleure option). Toutefois, d’autres lacunes et insuffisances des cadres juridiques existants devraient être comblées, notamment :

– les droits de représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance doivent être garantis sans limite de temps et
– certaines limitations actuellement prévues dans le cadre juridique devraient être éliminées.

La CES étudiera les moyens de parvenir à une européanisation des différents systèmes de désignation ou d’élection des représentants des travailleurs au sein du conseil d’administration et de surveillance sur base des dispositions de la directive SE (2001/86/CE du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne concernant l’implication des travailleurs). Comme le prévoit la directive SE, tout représentant des travailleurs au sein du conseil d’administration et de surveillance « est un membre à part entière ayant les mêmes droits et obligations que les membres représentant les actionnaires, y compris le droit de vote ». Ces droits doivent être liés à une forte représentation syndicale.

Les dispositions relatives aux exigences de confidentialité et aux mesures visant à prévenir l’abus des règles de confidentialité devraient être clarifiées en ce qui concerne la représentation au niveau du conseil d’administration et de surveillance.

Une protection adéquate des représentants des travailleurs contre les représailles doit également être introduite, en référence aux normes internationales pertinentes et aux dispositions de la Charte sociale européenne et à l’interprétation du CEDS.

Il convient de définir le droit à une formation appropriée et spécifique des représentants des travailleurs au niveau des conseils d’administration et de surveillance et à une dispense rémunérée pour cette formation.

Le renforcement des capacités et des droits de représentation au niveau du conseil d’administration et de surveillance dans les formes de sociétés européennes et les entreprises qui utilisent les instruments de mobilité des entreprises de l’UE. Les avancées doivent toujours s’accompagner d’un renforcement des droits d’information et de consultation dans toute l’entreprise. En particulier, lorsqu’une représentation au niveau du conseil d’administration et de surveillance est établie, un organe transnational pour les droits d’information et de consultation dans la société résultant du processus de restructuration juridique transfrontalière devrait également être créé avec un mécanisme de négociation similaire au comité d’entreprise de la SE prévu dans la directive SE.

Genre et diversité dans les conseils d’administration et de surveillance

La CES est fermement engagée à garantir la parité homme-femmes et la diversité dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises et demande des mesures législatives contraignantes au niveau européen la parité homme-femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises[8] et une approche globale cohérente. En ce qui concerne la composition des conseils d’administration et de surveillance des entreprises, il convient de garantir l’équilibre entre homme et femmes et, si possible, de soutenir la diversité. Des initiatives dans ce domaine devraient être envisagées, notamment des modifications de la directive sur l’information non financière (en particulier en ce qui concerne la « politique de diversité »).[9]

Équivalence fonctionnelle et participation financière

L’approche de l’« équivalence fonctionnelle » devrait également être évaluée et discutée plus en détail. Développée en 2019 dans le cadre du projet multinational et multidisciplinaire « La voix des travailleurs »[10], cette approche vise à évaluer, sur la base d’objectifs communs en matière d’implication des travailleurs, dans quelle mesure différentes voies institutionnelles et organisationnelles peuvent conduire à des résultats similaires.[11] La question est de savoir si des instruments et/ou des voies possibles différents et complémentaires pourraient atteindre les objectifs syndicaux et garantir le respect des droits des travailleurs et permettre ainsi de concilier les différents cadres et traditions juridiques nationaux. Cette approche doit être interprétée comme étant complémentaire à l’objectif d’établir des normes minimales pour la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance et pour l’interconnexion entre les différentes institutions pour la participation des travailleurs à tous les niveaux des entreprises relevant du champ d’application du nouveau cadre horizontal proposé.

Dans le cadre du droit européen des sociétés et de la gouvernance d’entreprise, la CES soutient la participation financière des travailleurs conformément à sa position de 2013 : la participation financière des travailleurs doit être intégrée dans un système de participation des travailleurs à tous les niveaux ; elle doit fournir un revenu supplémentaire et ne pas compromettre les augmentations de salaire et elle doit profiter à tous les travailleurs de l’entreprise ; elle doit faire l’objet d’une consultation et d’un accord préalables avec les représentants des travailleurs et les syndicats ; elle doit accorder une attention particulière à son impactsur la parité homme-femmes.[12]

La lutte contre les arrangements artificiels et leur impact sur la démocratie au travail

Les arrangements artificiels et les sociétés boîtes aux lettres peuvent également être utilisés pour saper la démocratie au travail et les droits des travailleurs par le biais du « tourisme financier », notamment en ce qui concerne la mobilité transfrontalière des entreprises, les mesures d’externalisation ou les chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance. La mise en place d’un cadre horizontal pour l’information, la consultation et la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance pourrait également représenter une opportunité intéressante pour progresser dans la lutte contre les sociétés boîtes aux lettres et les arrangements artificiels. Toute entreprise utilisant une forme de société européenne ou ayant l’intention d’opérer une restructuration juridique transfrontalière devrait respecter les obligations suivantes :

– être établi dans le même État membre que celui où elle a son siège social (principe du « siège réel »)[13]

– avoir un établissement effectif et stable et exercer une activité économique réelle et substantielle dans l’État membre dans lequel elle est établie (activités économiques réelles).

Clauses de non-régression et de révision

Tout instrument juridique dans le domaine de l’information, de la consultation et de la représentation des travailleurs au niveau du conseil d’administration et de surveillance doit comporter une forte clause de non-régression. Enfin, une clause de révision ambitieuse devrait être incluse, qui devrait être liée à la clause de révision incluse dans la directive de 2019 sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières. 

Possibilités de l’instrument juridique

Type d’instrument juridique

Le nouveau cadre (horizontal) de l’UE devrait être un nouvel instrument juridique « supplémentaire » ou un instrument juridique proposant des modifications à la directive sur les transformations, scissions et fusions transfrontalières et aux cadres de la SE et des coopératives européennes, ou une combinaison des deux. Une combinaison des deux serait la solution la plus ambitieuse. L’outil efficace serait une directive plutôt qu’un règlement, compte tenu du cadre juridique existant, de la base juridique possible et de la nécessité pour les États membres de maintenir des cadres plus ambitieux/protecteurs.

Base juridique

La base juridique d’un tel instrument devrait être l’article 151 (amélioration des conditions de vie et de travail) et l’article 153, paragraphe 1, point e) (information et consultation des travailleurs). La base juridique de la représentation des travailleurs (y compris la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de surveillance/appelée « codétermination ») est l’article 153, paragraphe 1, point f). Cette base juridique requiert toutefois l’unanimité au Conseil (et ne prévoit que la consultation du Parlement européen). En raison des différentes procédures, cette base juridique n’est pas compatible avec l’article 153, paragraphe 1, point e). Cet élément devrait également être pris en considération dans la définition des objectifs de la proposition.

En proposant des modifications à la directive SE, la base juridique qui a été utilisée pour cette directive devrait également être prise en considération (article 308 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l’article 352 du TFUE). L’article 50 du TFUE (liberté d’établissement) et/ou 114 du TFUE (marché intérieur) devraient également être pris en considération, mais — afin d’éviter une interprétation négative par la CJUE — il serait important d’inclure une base juridique liée au titre sur la politique sociale du TFUE.

Lors des délibérations sur la base juridique, les débats en cours sur les « clauses passerelle » et la position de la CES à cet égard, devraient également être prises en considération. [14]

Révision de la directive sur les CEE

L’effort visant à introduire un cadre horizontal pour l’information, la consultation et la représentation saccompagnera d’efforts renouvelés pour introduire les améliorations nécessaires au cadre juridique relatif aux comités d’entreprise européens. L’approche horizontale devrait inclure les références et les liens nécessaires à la directive sur les CEE. Les deux instruments juridiques doivent cependant rester distincts.
Dans ce contexte, la CES continuera à plaider pour une révision de la directive CEE sur la base des 10 demandes/priorités[15]. En outre, les actions visant à renforcer les CEE dans le cadre juridique existant devraient être poursuivies.

En plus de soutenir et de faciliter l’accès des CEE aux tribunaux, la CES soutiendra activement la création d’un médiateur européen pour les CEE, en tant que mécanisme de résolution extrajudiciaire des conflits, afin de traiter les questions qui découlent de l’exercice transnational des droits de participation des travailleurs. Sans préjudice des droits des partenaires sociaux nationaux, un médiateur de CEE européen devrait jouer le rôle de médiateur volontaire dans les conflits sur l’interprétation de la législation européenne, telle que la législation européenne sur les CEE, les SE et les fusions transfrontalières, afin d’aider à résoudre les conflits et donc de soutenir les syndicalistes qui ne sont pas en mesure (par exemple par manque de clarté juridique ou de ressources financières) d’aller devant les tribunaux. Un recours au médiateur ne devrait pas empêcher qu’une affaire soit portée devant les tribunaux. [16]

 


[1] Prise de position de la CES — Orientation pour un nouveau cadre européen sur les droits d’information, de consultation et de représentation au sein des conseils d’administration et de supervision :

Prise de position de la CES — Orientation pour un nouveau cadre européen sur les droits d’information, de consultation et de représentation au sein des conseils d’administration et de supervision | CES

[2] ibid

[3] Eurofound assure un suivi des processus de restructuration à travers l’Observatoire européen du changement (EMCC) : https://www.eurofound.europa.eu/fr/observatories/emcc/about-emcc

[4] Avis du CESE sur la Transition industrielle vers une économie européenne verte et numérique: exigences réglementaires et rôle des partenaires sociaux et de la société civile : https://www.eesc.europa.eu/en/our-work/opinions-information-reports/opinions/industrial-transition-towards-green-and-digital-european-economy-regulatory-requirements-and-role-social-partners et Avis du CESE sur Le dialogue social comme pilier essentiel de la durabilité économique et de la résilience des économies, avec prise en compte des effets d’un dialogue dynamique avec la société civile dans les États membres : https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/le-dialogue-social-comme-pilier-essentiel-de-la-durabilite-economique-et-de-la-resilience-des-economies-avec-prise-en et Etude du CESE sur Un cadre juridique européen pour la garantie et le renforcement de l’information, de la consultation et de la participation des travailleurs : https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/publications-other-work/publications/un-cadre-juridique-europeen-pour-la-garantie-et-le-renforcement-de-linformation-de-la-consultation-et-de-la

[5] La restructuration juridique transfrontalière concerne les restructurations d’entreprises transfrontalières menant à des changements de la forme juridique de ces entreprises.

[6] Il existe deux dimensions de l’européanisation qui sont pertinentes ici. La première est que, dans le cadre d’une intégration européenne plus étroite, la CES se félicite que la composition de la représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration et de supervision des entreprises multinationales qui appliquent la législation européenne serve à refléter le caractère multinational de leur main-d’œuvre. La seconde porte sur la nécessité de déterminer des normes européennes minimales en matière de droits de représentation des travailleurs dans les conseils d’administration.

[7] Voir note de bas de page 1

[8] Voir la  résolution de la CES adoptée le 23 septembre 2020. Renforcer l'équilibre hommes-femmes dans les conseils d'administration des entreprises (Résolution CES) | CES (etuc.org) La résolution exige l’application d’un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance non exécutifs et exécutifs (examinés de manière indépendante), tant dans les entreprises privées que publiques, une adaptation progressive de la législation nationale étant nécessaire. Cela  inclut les entreprises de taille moyenne, tout en prévoyant une période de transition pour les PME afin de s’adapter aux changements si nécessaire. Elle  appelle à des procédures de sélection transparentes, incluant des femmes d’origines et d’expériences de vie diverses. La CES considère également qu’il est nécessaire de donner accès aux possibilités de formation et de promouvoir des plans de formation adaptés aux entreprises afin de garantir qu’un large panel de femmes soit disponible et préparé à la nomination. La procédure de sélection devrait garantir que la nomination d’un membre du conseil tient compte de ses qualifications tant formelles que de fond et devrait assurer qu’aucune discrimination indirecte à l’égard des femmes ne se produise sur la base de la qualification/expérience/connaissances requises pour occuper le poste. La représentation équilibrée des femmes doit également refléter un équilibre entre les femmes représentant les travailleurs et les femmes représentant les actionnaires.

[9] Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations sur la diversité. Article 20.

[10] https://www.imu-boeckler.de/en/workers-voice-16034.htm ; https://www.imu-boeckler.de/en/workers-voice-breakfast-16035.htm

[11] Workers' Voice in European corporate governance - an invitation to open up new perspectives for participatory democracy, Workers' Voice, Mitbestimmungsreport No. 52, 08.2019, Institute for Codetermination and Corporate Governance. Voir également A. Hassel et S. von Verschuer, Ein europäischer Rechtsrahmen für Arbeitnehmerbeteiigung in transnationalen Unternehmen, WSIMitteilungen 2/2019.

[12] Position de la CES sur les conditions de participation financière des salariés (EFP)
https://www.etuc.org/fr/document/position-ces-sur-les-conditions-minimales-pour-la-participation-financiere-des-salaries

[13] L’approche du « siège réel » est déjà établie dans les cadres juridiques des SE et des sociétés coopératives européennes    Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE), article 7 ; Règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SCE), article 6.

[14]  Voir entre autres la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions —Une plus grande efficacité dans la prise de décision en matière de politique sociale : Identification des domaines dans lesquels le passage au vote à la majorité qualifiée doit être renforcé, COM (2019) 186 final ; Position de la CES sur l’initiative de la Commission en faveur d’un recours accru au vote à la majorité qualifiée dans le domaine social (la « clause passerelle »)

[15] Prise de position de la CES/Pour une directive CEE moderne à l’ère numérique

https://www.etuc.org/en/document/etuc-position-paperfor-modern-ewc-directive-digital-era

[16] Programme d’action de la CES 2019-2023, adopté lors du XIVe Congrès de la CES à Vienne.