Une priorité pour l'union européenne: l'accès de tou(te)s à des soins de santé de qualité

Bruxelles, 09-10 octobre 2002

1) Constat : les systèmes de soins de santé dans l'Union et les Pays candidats confrontés aux politiques menées au niveau européen

1.1. Bien que de compétences nationales, en particulier pour ce qui est de leur organisation et de leur financement, les systèmes de soins de santé se trouvent de plus en plus confrontés aux «politiques européennes».

1.2. Sans vouloir passer en revue toutes les politiques européennes ayant un impact sur les systèmes de soins de santé, nous tenons à mettre en exergue les points suivants :

1.2.1. Les accents mis sur la nécessaire maîtrise des dépenses publiques dans les Grandes Orientations de Politiques Economiques ne sont pas sans conséquences sur les politiques de santé menées au niveau des différents Etats (mesures visant à maîtriser les coûts de la santé et à "rationaliser" les moyens, par exemple).

1.2.2. Les systèmes de santé n'échappent pas aux règles du Marché Intérieur. A ce sujet, l'offre de soins, comme le rappelle avec constance la Cour de Justice de l'Union Européenne, s'inscrit dans la "Libre Prestation de Service", c'est-à-dire dans l'une des quatre libertés fondamentales de l'Union Européenne. Ceci a également des conséquences sur la mobilité des patients, et sur le financement futur et l'organisation de l'offre des services.

1.2.3. Suite aux réformes nationales introduisant des mécanismes de marché, les services de soins de santé, risquent de rentrer dans le champ du droit économique communautaire. Par conséquent, au niveau européen, la ligne traçant la frontière entre les activités de ces services,,dénommées ‘économiques' et celles de ‘solidarité', , est aujourd'hui continuellement redessinée par les arrêts de la CEJ.
En outre, les privatisations facilitent la création d'un marché européen des services de soins de santé que des multinationales du secteur tentent de dominer.

1.2.4. De même la politique pharmaceutique, qui ressort au niveau européen,de la politique industrielle, veut améliorer la compétitivité du secteur, suite au diagnostic que l'Europe est à la traîne par rapport aux Etats-Unis dans sa capacité à générer, organiser et soutenir des processus d'innovation de plus en plus onéreux et complexes. Si, en effet, il faut stimuler l'innovation et rehausser le niveau scientifique, il faut aussi des produits sûrs, efficaces et utilisés de manière rationnelle à des prix abordables. L'actuelle politique a tendance à cautionner la simple innovation laquelle ne représente pas toujours une avancée thérapeutique. Cependant l'entreprise qui lance ce nouveau produit fait valoir ses droits de propriété intellectuelle, ce qui peut représenter un coût plus élevé que des médicaments génériques,lors du remboursement des médicaments. L'on ne peut perdre de vue que dans tous les Etats-membres, les dépenses en produits pharmaceutiques ont suivi la courbe ascendante plus rapidement que les dépenses moyennes en matière de soins de santé. Dans certains pays, en particulier dans les Etats candidats à l'adhésion, les produits pharmaceutiques représentent une part considérable du budget total des soins de santé, ce qui freine les investissements de l'Etat pour satisfaire d'autres besoins urgents en soins de santé.

1.2.5. Dans le même temps, la priorité donnée au niveau de l'Union Européenne à la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale fait de l'accès à des soins de qualité pour tous, l'un des éléments stratégiques essentiels de cette politique.

1.2.6. Ces exemples de politiques illustrant également une fragmentation,ne sont pas sans conséquences sur les patients et sur l'offre même de soins et de ses conditions d'accès. En particulier, les règles du marché intérieur créent des tensions entre d'une part des logiques de concurrence et par conséquent une sélection des risques en matière de couverture des soins de santé, et d'autre part l'accès de tou(te)s aux services de soins de qualité. Cependant, il faut noter que les systèmes de soins de santé reposent, en Europe, sur des valeurs communes de solidarité et de couverture universelle.

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2) Une priorité syndicale: l'accès de tou(te)s à des soins de santé de qualité}}

2.1. La CES comme les syndicats de la Fédération des Services Publics n'ignorent pas ces défis et les tensions auxquels sont soumis les systèmes de santé à travers l'Union Européenne et dans les Pays candidats.
Pour la CES et la FESP, la priorité et l'objectif de toute démarche européenne doivent être l'accès de tou(te)s à des services de soins de qualité, ce qui implique que des initiatives soient prises et des mesures adoptées, tant au niveau national qu'au niveau européen.

2.2. A la lumière de cette priorité, la CES et la FESP émettent une note critique à propos de la Communication de la Commission, intitulée ‘l'avenir des soins de santé'. Dans cette Communication, la Commission aborde la question des dépenses en matière de soins de santé e.a.sous l'angle de l'accroissement du poids des personnes âgées par rapport à la population totale pour les décennies à venir, comme elle le fait pour l'évolution des systèmes de pension ...
Cependant le phénomène est plus complexe en comparaison aux dépenses de pensions. C'est ainsi que des études montrent qu'en moyenne, c'est dans la dernière année de la vie que les dépenses explosent (tout comme, à l'inverse, dans les premières années de la vie) et non du fait que l'on prend de l'âge,exception faite des dépenses pharmaceutiques qui sont plus élevées parmi la population des retraité(e)s que parmi la population active. En outre, dans l'approche européenne, il y a confusion entre les dépenses de "santé" proprement dites pour les personnes âgées et les dépenses "d'accompagnement", liées à des situations de "dépendance" (nourriture, toilette, etc...) qui sont d'un autre ordre et qui n'obéissent pas aux mêmes règles de financement.

Nous distinguons le débat sur l'avenir des soins de santé de celui des soins liés aux situations de ‘'dépendance''. Si une réflexion européenne à ce dernier propos s'impose, il s'avère nécessaire d'établir la différence.

3) Comment réaliser cet objectif syndical au niveau européen ?

3.1. Les mesures prises au niveau européen ne doivent pas sacrifier l'approche sociale aux impératifs économiques et financiers.

Ceci est particulièrement important au regard des Grandes Orientations de Politiques Economiques. Il faut rappeler constamment que la protection sociale est un facteur productif contribuant à la croissance et à la cohésion sociale.

3.2. Réaliser l'objectif d'accès de tou(te)s à des services de soins de qualité implique les démarches suivantes :

3.2.1. La CES et la FESP revendiquent et des modifications dans la législation communautaire et une méthode ouverte de coordination .en matière de soins de santé.

La législation :

Le Traité
3.2.2. Le prochain Traité, tout en affirmant que l'organisation et le financement des systèmes de soins de santé ressortent de la compétence des Etats_membres, veillera à combiner l'acquis communautaire en la matière, notamment le haut niveau de protection sociale et un niveau élevé de santé humaine, avec le droit à la santé inclus dans la Charte des droits fondamentaux ; afin de promouvoir des soins de santé de qualité, accesibles à tou(te)s, viables financièrement et organisés sur base de solidarité. Ceci signifie également, que les politiques européennes devront mesurer leur impact sur les systèmes nationaux de soins de santé afin de faire prévaloir la solidarité sur la concurrence. La CES et la FESP se mobiliseront lors des travaux de la Convention pour inclure cette obligation dans le Traité.

Des directives et règlements, e.a.
3.2.3.
Cette obligation implique de nouvelles et/ou des législations révisées, comme :

- une se référant aux services d'intérêt général pour assurer la priorité de la solidarité ;

- une modification de la directive sur les assurances non-vie; aujourd'hui l'art.54 permet une exemption pour certains types d'assurance, c'est-à-dire que l'on peut échapper aux règles de concurrence sur base de la notion d'intérêt général mais cet article ne protège pas suffisamment les assurances complémentaires en matière de soins de santé fondées sur le principe de solidarité.

- une modificaton du chapitre maladie et maternité du règlement 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Aujourd'hui ce chapitre, à la lumière des arrêts de la CEJ , est obsolète et crée des incertitudes juridiques. Il faut donc une modification du chapitre de ce Règlement recherchant un rééquilibrage entre libre circulation des malades, capacité de financement des soins de santé et création de centres d'excellence médicale.

- une nouvelle directive sur le commerce électronique des médicaments, en particulier régulant la publicité directe au consommateur. Certaine publicité peut inciter à un usage inefficace et contre-productif de médicaments.

- une modification des directives en matière de reconnaissance des qualifications des professions opérant dans le secteur des soins de santé afin d'y inclure les qualifications acquises par le biais de la formation continue.

La méthode ouverte de coordination
3.2.4. La mise en œuvre d'une Méthode Ouverte de Coordination, comprenant la définition d'objectifs communs, déclinés au niveau national, l'instauration d'indicateurs d'évaluation qualitative et quantitative et une procédure de suivi et d'évaluation, ainsi qu'une participation des PS au niveau national et européen..

Avec les lignes directrices suivantes découlant de l'objectif prioritaire ‘l'accès de tous et toutes aux services de soins de qualité'

3.2.4.1. Garantir le financement des systèmes de santé fondé sur la solidarité entre malades et bien portants. Ceci signifie d'une part, que le patient bénéficie des soins de santé nécessités par son état et non en fonction de sa seule capacité contributive ou en fonction de ses revenus, et que, d'autre part, il contribue en fonction de ses moyens.

3.2.4.2. Mettre en œuvre, dans tous les Etats membres et au niveau européen, une démarche d'évaluation à la fois des performances technologiques et de l'efficacité des pratiques médicales, ce qui implique l'abandon de toutes les pratiques et médications qui n'ont pas fait la preuve de leur pertinence et de leur efficacité thérapeutique .

Cependant il faut distinguer les aspects suivants :

- aujourd'hui, il existe une agence européenne qui évalue l'efficacité des nouveaux médicaments, (agence européenne d'évaluation des médicaments, AEEM); seulement des critiques lui reprochent son manque de transparence et se demandent si la distinction entre les avancées thérapeutiques et la simple innovation a bel et bien été établie.

- il n'existe pas d'outils au niveau européen, pour évaluer l'avancée thérapeutique d'équipements médicaux ni de normes scientifiques pour évaluer l'exercice de la pratique médicale.

A ce sujet la CES et la FESP demandent plus de transparence par rapport aux décisions de l'agence européenne d'évaluation des médicaments ainsi que de nouveaux outils permettant l'évaluation des équipements médicaux et des pratiques médicales.

3.2.4.3. Impliquer le Comité de Protection Sociale dans la définition des politiques à mener au niveau européen en ce domaine. Les partenaires sociaux devront continuer à être consultés dans le cadre de ce comité ainsi qu'être impliqués lors du processus au niveau national.

3.2.4.4. .Associer les usagers ,c'est-à-dire les patients, , à la définition des objectifs de politique de santé et des moyens nécessaires pour leur mise en œuvre. Ceci est à distinguer de la gestion des systèmes de soins de santé qui, dans les systèmes bismarckien de Sécurité Sociale, est de la compétence, notamment, des partenaires sociaux.

3.2.4.5. Veiller à garantir l'accès des soins de santé aux immigrants illégaux. Aujourd'hui certains Etats-membres demandent aux autorités médicales de dénoncer les immigrants illégaux.

3.2.4.6. Favoriser des actions de prévention, en y incluant le domaine de la santé et sécurité au travail et en tenant compte des nouvelles pathologies .

Le dialogue social européen

3.2.5. La CES et la FESP demandent à être consultés au sujet de nouvelles législation communautaires ayant un impact sur les systèmes de soins de santé.

3.2.6. La FESP est partisane d'un dialogue social européen avec les employeurs des différents sous-secteurs liés aux services de soins de santé.

3.2.7. La Commission favorisera .le développement des coopérations entre les Etats membres facilitant l'accès aux établissements ou centres de soins, d'un pays à un autre, à l'instar de ce qui se fait, déjà, dans certaines régions frontalières, en créant par exemple des centres d'excellence relatif aux soins hospitaliers.

3.2.8. La Commission établira un rapport bi-annuel sur l'impact des politiques européennes sur les systèmes de soins de santé.

3.2.9. La Commission, dans le cadre de l'OMC, doit défendre à l'AGCS (accord général sur le commerce des services) la notion de ‘services de soins de santé' comme faisant partie de services d'intérêt général.

4) Des mesures doivent également être prises au niveau national, réunissant les conditions pour permettre l'accès des tou(te)s à des services de soins de qualité .

pour les organisations syndicales, cela passe :
- en ce qui concerne les patients, par l'instauration d'un véritable droit des patients, incluant le respect de leur dignité et de leur intimité, la garantie qu'ils ne soient pas des sujets d'observations ou d'expérimentations médicales sans autorisation , le droit à l'information concernant leur état de santé et les traitements qui leur sont recommendandés ainsi que le droit à la décision d'accepter ou non le traitement et la reconnaissance du rôle des associations et des organisations syndicales, dans leur rôle de représentations des malades et des usagers.

- et pour les personnels concernés, les moyens d'assurer un service de qualité, ce qui nécessite notamment la prise en compte, dans les mesures de recrutement des personnels, des besoins des patients et non des seules contraintes économiques, et la garantie d'un recrutement des personnels, leur assurant des conditions de travail, de rémunération, de formation et de qualification, qui leur permettent d'assurer une prestation de qualité ;la maitrise des coûts ne doit pas se faire à leur détriment.