Union économique et monétaire Résolution sur l'union bancaire

Bruxelles, 05-06/12/2012

La CES salue les conclusions du Conseil européen d’octobre 2012 sur une Union bancaire européenne comme étant un élément important dans la construction de meilleures structures de gouvernance économique européenne et d’une plus grande intégration de la zone euro. L’union bancaire doit permettre à la politique économique européenne de rompre la boucle de rétroaction négative entre la dette des états souverains et le bilan de leurs banques dans laquelle dette privée et austérité publique se sont mutuellement renforcées depuis près de trois ans. Son objectif premier doit être de restaurer la primauté de la politique sur les marchés financiers en créant des solutions qui contribuent à réduire les écarts de taux d’intérêt insupportablement élevés qui ont ébranlé les pays à la périphérie de l’Europe. L’UE doit d’urgence rétablir des conditions équitables pour tous ses membres, protéger le marché unique des services financiers et assurer une plus grande stabilité dans l’Union économique et monétaire (UEM).

La CES pense que, pour qu’une union bancaire atteigne ses objectifs, plusieurs questions importantes doivent être abordées dans le futur processus législatif européen. Celles-ci concernent en particulier la définition du rôle de la BCE dans le mécanisme de surveillance unique (MSU) envisagé, sa relation avec l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’accès aux fonds de secours du MES (Mécanisme européen de stabilité) pour les banques en difficulté, des systèmes de garantie des dépôts ainsi qu’un cadre et un fonds pour le redressement et la résolution.

La CES est en outre convaincue qu’une union bancaire européenne ne pourra être pleinement fonctionnelle que si et quand la structure du système bancaire et le risque moral qu’il comporte sont abordés simultanément. Un superviseur unique et une autorité de résolution doivent aller de pair avec une réforme structurelle des banques, qui devrait limiter la capacité des banques commerciales à s’engager dans certains types d’activités des banques d’investissement. La CES demande que la capacité d’endettement des banques d’investissement soit limitée à leurs fonds propres, ce qui limiterait ainsi le risque systémique pour les citoyens. En outre, les banques doivent être interdites d’engagement dans toutes sortes d’activités bancaires parallèles. La CES rappelle que le secteur bancaire en Europe est hétérogène et que de nombreuses banques régionales, coopératives et d’épargne servent l’économie réelle au mieux en acceptant des dépôts, fournissant des emprunts et assurant le transfert de paiements.

La CES se félicite dès lors de l’analyse approfondie du Groupe d’experts de haut niveau sur la réforme de la structure du secteur bancaire de l’UE présidé par Erkki Liikanen (le rapport GHN ou Liikanen), indiquant qu’une réforme structurelle sérieuse du secteur bancaire renforcerait la stabilité et stimulerait la croissance dans l’UE. Le diagnostic posé par le rapport doit maintenant être traduit dans une politique européenne complète de réforme bancaire qui élimine les distorsions flagrantes et donne naissance à un système bancaire efficace et stable dans l’intérêt de l’économie réelle, pour les entreprises comme pour les ménages.

Rôle du MSU et de la BCE

La CES salue le rôle nouveau de la BCE qu’impliquent sa responsabilité finale dans le MSU et ses missions de surveillance spécifiques liées à la stabilité financière de toutes les banques dans la zone euro, même si les superviseurs nationaux continueront à jouer un rôle important dans la surveillance quotidienne et dans la préparation et la mise en œuvre des décisions BCE-MSU. Selon la CES, les propositions visent à juste titre la disparition effective de la distinction entre origine et destination des opérations au sein de la zone euro puisque la BCE y assurera la surveillance directe de l’ensemble des 6000 banques afin de faire respecter les règles prudentielles et de procéder au contrôle effectif des opérations bancaires transfrontalières dans la zone euro. La CES estime toutefois impossible pour une seule institution de surveiller ces 6000 banques, y compris de très petites banques d’épargne locales. Dans la pratique, le MSU dépendra fortement de la coopération des autorités de surveillance nationales.

La CES soutient les dispositions du projet de règlement du Conseil qui donne à la BCE le droit d’accorder ou de retirer un agrément bancaire, de révoquer la direction d’une banque, de réclamer toute information sur les opérations bancaires, de mener des inspections sur le terrain et d’imposer des sanctions. La surveillance sera basée sur des règles communes en matière d’exigences de fonds propres comme prévu dans les deux textes législatifs d’application des accords Bâle III au niveau européen, la Directive sur les exigences de fonds propres (CRD IV) et le Règlement qui l’accompagne (CRR), qui sont tous deux actuellement négociés entre le Conseil, le PE et la Commission.

La surveillance financière est liée à l’exercice des droits souverains. C’est la raison pour laquelle la CES estime que les pouvoirs de surveillance doivent également être correctement définis, notamment au plan des responsabilités, afin qu’ils puissent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Des actions inadéquates ou incorrectes de la part du superviseur entraînent la responsabilité de l’État. La création d’un poste de superviseur paneuropéen unique dépend du transfert de droits souverains à l’UE avec une responsabilité potentielle des États membres concernés. Dans le cas du MSU, la prise de décision est transférée à l’UE mais la responsabilité reste locale puisque les gouvernements nationaux restent responsables pour la résolution et l’assurance des dépôts, ce que la CES ne considère pas comme étant une solution optimale.

La CES met en garde contre les conflits d’intérêt qui peuvent surgir entre les mandats et les objectifs de la politique monétaire et ceux de la surveillance financière, par ex. lorsqu’un camp a intérêt à maintenir un établissement bancaire à flot pour éviter des pertes au bilan de la BCE alors que l’autre est en passe de prononcer sa défaillance après une alerte rouge. En devenant l’unique superviseur, l’institution serait investie d’énormes pouvoirs puisqu’elle serait responsable de trois domaines importants et apparentés : la politique monétaire, la surveillance bancaire et, de par son rôle clé dans le Comité européen du risque systémique (CERS), la surveillance macroprudentielle. Cela pourrait conduire à une situation où la BCE contrôlerait l’impact de ses propres actions, ce qui est inacceptable aux yeux de la CES. La CES met également en garde contre la perte de réputation de la BCE et l’influence sur la crédibilité de sa politique monétaire si elle échouait en tant que superviseur.

La CES demande donc que des pare-feux soient intégrés pour assurer la séparation entre les missions de supervision de la BCE et ses missions en matière de politique monétaire. Le Comité de surveillance du MSU doit inclure d’autres membres que ceux du Conseil des gouverneurs nommés par le Comité exécutif de la BCE. La CES estime que la surveillance bancaire est un élément essentiel du contrôle démocratique et que le PE doit jouer un rôle dans le processus de sélection pour y inclure des experts de la société civile.

La CES considère comme parfaitement légitime que la BCE, en tant que créancier des banques, étudie de près les comptes de ses emprunteurs ; il faut toutefois que la surveillance proprement dite devienne plus transparente. Dans son rôle de superviseur unique, la BCE doit être pleinement responsable devant le Parlement européen. Une Commission spéciale du PE devrait être constituée pour remplir une fonction de contrôle du BCE-MSU.

BCE-MSU et ABE, UE 27/17

Il y a deux ans, l’UE adoptait une série de règlements sur le Fonds européen de stabilité financière (FESF) établissant des autorités européennes de surveillance, notamment l’Autorité bancaire européenne (ABE) devenue opérationnelle le 1er janvier 2011. La CES a participé au processus législatif en soumettant des amendements aux projets de règlements au Parlement européen. A l’époque, la CES avait critiqué les prérogatives nationales dans le nouveau système de surveillance du marché financier, critiques qui se sont avérées fondées. Le futur MSU semble mieux à même d’assurer une surveillance transfrontalière efficace du système bancaire que l’ABE qui souffre aussi bien de restrictions financières dépendant de l’affectation de personnel et de budget décidée par la Commission que de la volonté de coopération des superviseurs bancaires nationaux.

La modification du Règlement 1093/2010 existant instituant l’Autorité bancaire européenne stipule que celle-ci sera maintenue en tant qu’organe commun de réglementation bancaire pour développer un règlement uniforme et un manuel uniforme pour la surveillance afin de sauvegarder l’intégrité du marché unique et de garantir la cohérence de la surveillance bancaire pour l’ensemble des 27 pays de l’UE. La CES demande que l’ABE assure l’homogénéité de son interprétation et de sa mise en œuvre à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne.

La BCE est reconnue comme « autorité compétente » (en plus des autorités de surveillance nationales) pour la fonction de surveillance. La CES met toutefois en garde contre une possible situation dans laquelle l’ABE serait dans l’incapacité d’imposer des décisions contraignantes à la BCE alors qu’elle pourrait forcer des états souverains à s’y conformer lorsqu’elle arbitre un litige. La Commission réplique que, dans les rares occasions où la BCE ne le ferait pas volontairement, les banques seraient tenues de se conformer aux décisions de l’ABE. De plus, les décisions de l’ABE sur les questions réglementaires (normes techniques obligatoires, orientations générales et recommandations, décisions de réexaminer des restrictions d’activités financières) et les questions budgétaires continueront à être prises par le Conseil d’administration de l’ABE à la majorité qualifiée de ses membres. Le vote portant sur des actions en situation d’urgence restera également inchangé (à la majorité simple). Malgré ces mécanismes de sauvegarde, la paire BCE-MSU en arrivera à jouer un rôle très important, voire dominant, dans la prise de décision de l’ABE.

La CES estime qu’une coopération étroite entre le MSU et l’ABE ne suffit pas à assurer un traitement égal entre les pays de la zone euro et les autres. La CES pense que la surveillance des banques doit suivre les mêmes règles et être de qualité égale partout dans le Marché unique. La CES est convaincue que les objectifs visant à maintenir la stabilité financière dans un marché financier interconnecté et à protéger le marché unique des services financiers demandent que le champ d’application géographique d’un mécanisme de surveillance européen couvre l’ensemble de l’UE 27. La CES regrette toutefois la réticence de plusieurs États membres à céder leurs droits souverains en matière de surveillance bancaire, ce qui signifie que le nouveau régime n’englobera pas l’UE 27 mais plus probablement un sous-groupe de 17 pays menant ainsi à une Europe à deux vitesses dans un domaine essentiel du Marché unique.

Afin de sauvegarder les intérêts de tous les pays de l’UE 27, la CES estime que les droits de vote au sein de l’ABE doivent être adaptés pour empêcher les pays de l’UEM d’ignorer ceux qui n’en font pas partie. Lorsqu’elle traite de questions concernant tous les États membres de l’UE, les pouvoirs de l’ABE seront renforcés et le système de vote modifié pour qu’il soit plus difficile pour un État membre de voter contre les décisions. L’impact du MSU sur le fonctionnement opérationnel du FESF sera analysé lors du prochain examen du fonctionnement des Autorités européennes de surveillance qui doit être présenté par la Commission début 2016.

Recapitalisation et accès direct des banques en difficulté aux liquidités du MES

Le sommet de la zone euro de juin a accepté que les fonds de secours FESF/MES soient payés directement aux banques espagnoles plutôt qu’au travers du gouvernement, protégeant ainsi l’état déjà affaibli de l’obligation de prendre en charge encore plus de créances douteuses et de dettes privées détenues par les banques, et a ouvert la voie à une mise sous surveillance par la BCE. Contrairement à l’interprétation de certains, les propositions du 12 septembre de la Commission et les conclusions du Conseil européen des 18-19 octobre ont fait de l’adoption du MSU une condition préalable à une recapitalisation directe des banques par le MES. La CES insiste vivement auprès des institutions européennes pour qu’elles ne retardent pas les décisions nécessaires pour établir le MSU et pour le rendre opérationnel dès que possible en 2013.

La CES rejette fermement la position de certains gouvernements insistant pour que le MES ne puisse intervenir auprès de banques en difficulté qu’à l’avenir et non pour la « dette historique » des banques qui existait avant l’entrée en vigueur du MES. Créer des règles du jeu équitables suppose que toutes les banques qui sont toujours fondamentalement solvables puissent avoir accès au MES. Les banques « zombies » insolvables ne devraient toutefois pas être artificiellement maintenues en vie. Leur résolution doit être rapidement prononcée et financée par les fonds de résolution propres des banques et les cautions des actionnaires. Leur recapitalisation par des fonds européens doit être exclue.

Bien que le MES puisse acheter sur les marchés primaires des obligations d’état émises par les gouvernements qui ont déjà fait appel à son aide et suivent donc la sévère conditionnalité sociale qui y est associée, une intervention directe du MES dans la recapitalisation des banques pourrait en principe éviter ces difficultés. La CES exige toutefois en contrepartie que la recapitalisation de banques privées par de l’argent public donne lieu à un transfert proportionnel des droits de propriété.

La CES pense que l’introduction du MSU permettrait de s’attaquer directement et de deux manières aux racines de la crise actuelle. Tout d’abord, en autorisant le MES à porter secours aux banques en difficulté, les gouvernements des pays concernés ne seraient plus contraints d’accepter davantage de dettes des banques privées et pourraient donc éviter de recourir aux formes les plus brutales d’austérité budgétaire. La baisse des taux d’intérêt pourrait indirectement faciliter l’emprunt des gouvernements sur les marchés financiers et serait plus efficace que les interventions actuelles de la BCE sur les marchés secondaires. Deuxièmement, le MSU pourrait retirer des agréments bancaires et commencer à organiser la résolution d’établissements financiers qui sont en réalité des banques zombies car techniquement insolvables mais toujours en activité.

La CES demande un MSU fort qui combatte le sentiment d’insécurité qui prévaut sur les marchés des obligations et qui a poussé les taux d’intérêt à des niveaux insupportables pour certains tout en diminuant les coûts de refinancement pour d’autres, aggravant ainsi les déséquilibres macroéconomiques existants. Il faut également espérer qu’une autorité de surveillance bancaire dotée de larges pouvoirs contribuera à modifier les pratiques les plus dommageables dans ce secteur, telles que les incitants puissants poussant les traders et la direction à prendre des risques excessifs et à faire pression sur les employés des banques pour vendre à leurs clients des produits qui ne présentent que peu d’intérêt pour eux. La CES salue donc les propositions de la Commission comme étant un pas dans la bonne direction et qui pourraient déboucher sur une bonne gouvernance d’entreprise et des services aux clients de grande qualité et améliorer les conditions de travail dans le secteur. Les employés du secteur bancaire doivent être pleinement impliqués dans ce processus et consultés avant la mise en œuvre de toute étape.

Achever l’union bancaire

Bien que ce qui précède définisse les conditions nécessaires à une union bancaire opérationnelle, la CES estime que cela est loin d’être suffisant. Pour répondre à la déclaration du Sommet de la zone euro du 29 juin 2012 jugeant « impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États », des systèmes de garantie des dépôts et des cadres de résolution bancaire doivent être mis en place sans plus tarder. Ceux-ci constitueraient les instruments communs nécessaires au fonctionnement d’une véritable gestion de crise au sein de l’UEM.

Pour la CES, il est impératif que le blocage par le Conseil des négociations sur la Directive sur les systèmes de garantie des dépôts (proposition de refonte) soit levé et la procédure législative complétée afin que la Directive puisse être appliquée par chaque État membre. Des conditions uniformes, communes et strictes pour tous les systèmes nationaux de garantie des dépôts doivent éviter une panique bancaire et rassurer les clients sur le fait que leur argent est en sécurité. Le Conseil doit assurer que le montant des dépôts garantis passe de 50.000 à 100.000 euros par personne et que des montants plus élevés soient garantis dans des cas particuliers tels que remboursement d’assurance, héritage ou vente immobilière. De plus, toutes les banques devraient être obligées de constituer un fonds de garantie de 1,5% du montant total des dépôts qui leur sont confiés. Les systèmes nationaux qui fonctionnent comme des systèmes de garantie institutionnels ne devraient pas être touchés négativement par une normalisation européenne des systèmes de garantie des dépôts.

La Directive sur le redressement et la résolution des banques proposée par la Commission le 6 juin 2012 doit être adoptée dès que possible afin de créer à moyen terme un cadre européen unique de redressement et de résolution essentiel au sein de l’union bancaire. Les mécanismes de totale protection de l’épargne et les outils de résolution et de redressement existant dans certains secteurs bancaires (par ex. les banques d’épargne et les banques coopératives) devraient être reconnus comme étant des garanties efficaces contre les coûteux sauvetages de banques par les contribuables. La CES demande toutefois que l’union bancaire soit renforcée par un mécanisme de soutien budgétaire suffisant pour rétablir la confiance dans le système financier.

Afin de faire de l’union bancaire un élément important d’un secteur bancaire européen solide, de nombreux problèmes doivent être résolus au niveau de la structure du système bancaire. Le plus important semble être de subordonner la construction d’une union bancaire à la résolution du modèle universel des banques « trop grandes pour faire faillite ». Les recommandations du Groupe d’experts de haut niveau présidé par le Président de la Banque centrale de Finlande, Erkki Liikanen, doivent être suivies par la Commission et servir de base à de larges consultations avec les partenaires sociaux et la société civile dans son ensemble sur l’avenir du système bancaire européen.

La CES demande que celles-ci débouchent par la suite sur une législation européenne qui aborde le risque moral au niveau européen et les implications pour l’argent des contribuables ainsi que la distorsion de concurrence dans les activités des banques « trop grandes pour faire faillite ». Combattre la création de bulles d’actifs et le fait que de nombreuses banques en Europe sont au-delà de la taille optimale et semblent « au-delà de la résolution » équivaut à l’acceptabilité politique du Marché unique des services financiers et des sauvetages bancaires transfrontaliers. La CES appelle la Commission à présenter des propositions législatives en temps opportun et à résister aux pressions du secteur bancaire visant à dénaturer les recommandations du groupe Liikanen.