Vers une garantie véritable et efficace pour la jeunesse en Europe

Bruxelles, 20 juin 2016

  • Aux membres du comité exécutif

Vers une garantie véritable et efficace pour la jeunesse en Europe

Adoptée au Comité Exécutif de juin

CONTEXTE

Le chômage et la précarité des jeunes en Europe se maintiennent à des niveaux inacceptables. Les taux de chômage des jeunes en Europe étaient déjà sensiblement plus élevés (voire le double) par rapport à l'ensemble de la population active avant la crise, mais la situation s'est emballée lorsque l'économie mondiale s'est effondrée et que les gouvernements et les institutions européennes ont choisi de faire face en adoptant des politiques d'austérité.

Même si les statistiques récentes montrent un recul modeste du chômage des jeunes, il reste cependant au-dessus des 20% au niveau européen, avec d'importants écarts entre les pays. L'analyse intracatégorielle montre que les jeunes femmes et les travailleurs migrants ont été encore davantage touchés par le chômage et la détérioration du marché du travail. La population inactive et les jeunes qui sont sans emploi ou ne suivent pas d’études ou de formation (NEET) ont diminué de même que le nombre de jeunes migrants de l'UE résidant dans d'autres pays de l'UE ou dans des pays tiers.

Si l'on analyse la qualité des emplois disponibles aux jeunes et que l'on considère les temps partiels forcés, les CDT et les emplois en sous-qualification, le sous-emploi progresse. Chez les plus jeunes, nombreux sont ceux qui occupent des emplois précaires : les contrats « zéro heure », le faux travail indépendant et le travail au noir sont en passe de devenir les signes distinctifs négatifs du marché du travail des jeunes en Europe. En termes de salaires, les jeunes sont surreprésentés dans la catégorie des travailleurs rémunérés au salaire minimal ou même en-dessous, en raison de dérogations touchant essentiellement les plus jeunes. Ils ont été plus particulièrement touchés dans les pays qui ont décidé de réduire drastiquement ou de geler les salaires. Au-delà des données quantitatives qui attestent d'un recul relatif du chômage, la précarité gagne du terrain, avec les jeunes en première ligne.

Depuis de nombreuses années, l'amélioration des possibilités d'emploi pour les jeunes est une priorité majeure de l'agenda de la CES. Le soutien à l'emploi de qualité pour les jeunes est une exigence qui figure dans les résolutions du Congrès de Paris et dans le plan de la CES pour l'investissement, une croissance durable et des emplois de qualité « Un nouveau chemin pour l'Europe ». En juillet 2013, les partenaires sociaux européens ont adopté un cadre d'action pour l'emploi des jeunes (Framework of Actions on Youth Employment) qui voit aujourd'hui la CES et les fédérations nationales affiliées, engagées pour la troisième année dans le travail de suivi de la mise en œuvre de l'accord. La CES mène actuellement des négociations en vue d'un accord-cadre sur la solidarité intergénérationnelle et le vieillissement actif. Pour le mouvement syndical européen, les mesures d'activation en faveur des jeunes constituent un préalable incontournable dans le cadre de ces discussions.

Le Comité Jeunes de la CES défend les mesures qualitatives en faveur des jeunes travailleurs en Europe et, à ce titre, il dénonce les conditions de travail précaires des jeunes et s'emploie à recenser et à partager les meilleures pratiques en matière d'organisation et de représentation des jeunes travailleurs.

La CES reconnaît que des initiatives ont été prises par la Commission européenne pour tenter de trouver des solutions à la situation des jeunes travailleurs sur le marché du travail.

Ainsi, « Jeunesse en mouvement », l'initiative phare consacrée aux jeunes incluse dans la stratégie Europe 2020, comportait déjà quelques mesures intéressantes, comme l'initiative « Ton premier emploi EURES », et ouvrait la voie à une série de mesures telles que l'Initiative sur les perspectives d'emploi des jeunes (Youth Opportunities Initiative) (2011) et le « Paquet pour l'emploi des jeunes » (Youth Employment Package) (2012). La première proposait un ensemble de mesures pour favoriser l'emploi des jeunes en agissant sur la prévention du décrochage scolaire, le développement des compétences et d'autres mesures axées sur l'offre.

Le Paquet emploi des jeunes comportait une série de mesures de différente nature dont certaines sont clairement inspirées de demandes formulées par la CES, comme la Garantie pour la jeunesse ou le Cadre de qualité pour les stages, ou encore des projets initiés par les partenaires sociaux européens comme l'Alliance européenne pour l'apprentissage (EAFA). En avril 2013, le Conseil de l'Union européenne a adopté une recommandation sur l'établissement d'une garantie pour la jeunesse, qu'il a entérinée en juin 2013, et un cadre financier de 6 milliards d'euros a été mis à la disposition des régions correspondantes au niveau II de la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS II) dont le taux de chômage des jeunes dépassait 25%. Le Fonds social européen a continué à apporter son soutien aux États membres pour promouvoir les initiatives en faveur de l'emploi des jeunes et notamment la Garantie pour la jeunesse.

La CES a mené campagne auprès des institutions européennes pour le lancement de la Garantie pour la jeunesse et a salué sa mise en œuvre. L'établissement de cette garantie en Europe est une mesure que la CES et le Comité Jeunes de la CES appelaient déjà de leur vœux en 2009 dans leur document « Towards a new social deal in Europe: Fight the crisis, put people first » (Vers un nouveau contrat social en Europe : combattre la crise, priorité aux citoyens).

Les propositions de la CES en faveur d'une garantie pour la jeunesse prônent une démarche de partenariat étroit, au sein de laquelle les partenaires sociaux, les organisations de jeunes, les établissements d'enseignement et de formation, les agences de placement privées et les organisations de l'économie sociale participent activement à la conception, à la mise en œuvre, au déploiement et au suivi de cette garantie. Une étude récente publiée par la CES[1] a révélé que cette démarche de partenariat ne s'est pas déployée de manière uniforme dans l'ensemble des pays de l'Union et que, souvent, l'implication des partenaires sociaux n'a pas été à la hauteur des attentes.

Pour ce qui est de la mobilisation réelle des fonds consacrés par l'UE à la Garantie pour la jeunesse, la Commission européenne a communiqué en décembre 2015 que seuls 2/3 du budget alloué avaient été utilisés par les États membres. Eu égard à la situation précaire des jeunes sur le marché de l'emploi européen et leurs taux d'inactivité et de chômage, surtout dans les pays du sud et de l'est de l'Europe, la CES trouve inacceptable que certains gouvernements nationaux n'utilisent pas les ressources mises à disposition.

La Commission décidera si elle prolongera ou non le financement de cette initiative en 2016 en fonction des rapports des États membres sur la mise en œuvre et sur l'incidence de l'initiative Garantie pour la jeunesse, qui doivent tous deux être livrés pour la fin de l'année. En raison du manque de mobilisation des États membres, le budget alloué à l'Initiative pour l'emploi des jeunes (qui couvre également la Garantie pour la jeunesse) est menacé et risque d'être remis en cause lors du débat sur l'évaluation à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE.

LES DEMANDES DE LA CES

La CES est décidée à ne pas permettre que cette mesure soit abandonnée ou degradé(e). Une garantie véritable et efficace pour la jeunesse demeure une nécessité, en tant que droit garantissant à tous les jeunes Européens de pouvoir bénéficier, lorsqu'ils se présentent sur le marché de l'emploi, de services d'orientation professionnelle dynamiques. L'instauration d'un tel droit pourrait demander plus de deux ans et doit par conséquent faire l'objet d'une stratégie à long terme. Ce n'est pas acceptable que la GJ (comme c’est déjà le cas dans quelques pays) débouche sur des stages ou de l'emploi précaire et de courte durée. L’accent doit être mis sur les emplois de qualité.

C'est pourquoi, la CES demande à la Commission européenne et aux gouvernements nationaux de :

a)   Mettre en œuvre dans leur intégralité les principes fondamentaux de la Garantie européenne pour la jeunesse, c'est-à-dire l'assurance d'une offre et d'une intervention dans les quatre mois qui suivent la sortie des jeunes de l'enseignement officiel et /ou la perte de leur emploi. Veiller à ce que ces principes soient mis en œuvre dans le long terme comme une garantie universelle.

b)   Assurer la pleine participation des partenaires sociaux, de la société civile et des jeunes à l'élaboration et à l'évaluation de la mesure.

c)   Inclure, dans tout programme de garantie pour la jeunesse, l'exigence claire d'une protection sociale appropriée afin de lutter contre le risque de pauvreté et de précarité.

d)   Garantir des offres d'emploi, des formations, des stages et des apprentissages de qualité, notamment dans les secteurs où la création de postes de travail est particulièrement importante pour l'avenir.

e)   Encourager les synergies entre les programmes et les institutions (services publics de l'emploi, collectivités territoriales, etc.) afin de mieux répondre aux objectifs de la Garantie pour la jeunesse.

f)    Renforcer la confiance dans les institutions et accroître la capacité des institutions à fournir des services. Un financement et des ressources humaines appropriés sont, à cet effet, essentiels pour assurer un service d'orientation de qualité pour les jeunes.

g)   Évaluer soigneusement les groupes cibles et proposer des approches ciblées prenant en compte l'hétérogénéité de la population jeune. C'est particulièrement important si nous prenons en compte les actions futures envisagées pour les jeunes réfugiés et leur accès au marché du travail.

h)   Investir dans un financement plus ambitieux et à long terme de manière à s'assurer que la mise en œuvre de la mesure produit des résultats concrets. La CES demande le maintien des lignes budgétaires au-delà de 2016. L'estimation de 21 milliards d'euros établie par l'OIT constitue notre point de référence en ce qui concerne le niveau de financement approprié de la Garantie pour la jeunesse.

La CES et son Comité Jeunes mèneront campagne dans les mois à venir pour que cette garantie véritable et efficace en faveur des jeunes devienne une réalité en Europe. Les principales actions au programme sont :

a)   Le 23 juin 2016, lors d'un événement organisé conjointement par le Groupe II du Comité économique et social européen et le Forum européen de la jeunesse, la présentation par le Comité Jeunes de la CES des résultats préliminaires de son étude sur la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse au niveau national, avec une attention particulière pour le partenariat.

b)   En octobre 2016, une action photo lors de la réunion du Comité exécutif. Renforcer l'appel à la mobilisation en soutien des garanties pour la jeunesse.

En novembre 2016, la présentation des résultats de l'étude du Comité Jeunes de la CES parallèlement à ceux de la Commission europée

[1] Busi, M. «La Garantie pour la jeunesse en Europe » ETUI, Bruxelles. 2014