Qui a-t-il de plus important pour les travailleurs que de savoir que leurs enfants et leurs proches âgés bénéficient de soins adéquats ?
Le secteur des soins, et en particulier les soins aux jeunes enfants et aux personnes âgées, est l’un des secteurs qui connaît la croissance la plus rapide en Europe. On estime qu’il emploie quelque huit millions de travailleurs, soit environ 5% de la population active, dont la grande majorité – 88,2% – sont des femmes.
Les personnes qui y travaillent en première ligne jouent un rôle vital et essentiel pour le bien-être des enfants et des ainés et pour permettre aux parents et aux adultes qui ont la charge de proches âgés de travailler et de gagner leur vie.
Pourtant, le travail dans le secteur des soins, assuré dans la plupart des cas par des femmes, est sous-payé et sous-évalué et souffre dès lors d’un manque d’effectifs. Souvent, il s’agit d’emplois :
- mal rémunérés,
- physiquement et émotionnellement exigeants et s’accompagnant d’une charge de travail élevée,
- effectués dans des conditions précaires voire, dans certains cas extrêmes, proches de l’esclavage, sans formation adéquate et assortis de perspectives de carrière médiocres.
Bien que le personnel de soins soit souvent mal rémunéré, les soins sont chers pour ceux qui doivent les payer. Une enquête de 2015 menée à l’échelle européenne a ainsi montré que le coût des services à la petite enfance représentait un problème pour près de 60% des gens et que 5% d’entre eux éprouvaient des difficultés concernant la disponibilité même de ces services. La pénurie de services aux personnes âgées est encore plus grave ; en Espagne et en Italie notamment, environ 30% des besoins en soins à domicile ne sont pas rencontrés.
Les travailleurs du secteur des soins sont employés tant dans le public que dans le privé. Certains d’entre eux sont des travailleurs domestiques employés directement par la famille ou la personne ayant besoin de soins et de soutien.
Il n’y a pas assez d’investissements publics dans le domaine. Le droit aux soins, dont nous aurons tous besoin à un moment de notre vie, devrait être garanti.
« Les personnes qui ont besoin de soins pour leurs enfants ou leurs parents âgés les trouvent souvent trop coûteux alors que celles qui assurent ces soins sont sous-payées », explique Esther lynch, Secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats (CES). « Un meilleur accès aux soins est nécessaire pour permettre à de nombreuses travailleuses de rester au travail mais cela ne doit toutefois pas se faire au détriment des travailleurs du secteur des soins. Il faut améliorer l’accès aux soins dans l’ensemble de l’Europe tout en améliorant la qualité des emplois dans le secteur. »
Selon la FSESP, la Fédération syndicale européenne des services publics, ce dont les travailleurs du secteur ont besoin ce sont davantage d’investissements publics afin de leur assurer de meilleures rémunérations et de meilleures conditions de travail, davantage de personnel, davantage d’attention à leur santé et à leur sécurité, plus de formation et de perspectives d’évolution des carrières.
UNI Europa, le syndicat européen des services dans le secteur privé, estime quant à lui que plus de la moitié de tout le personnel de soins fait face à des situations émotionnellement perturbantes pouvant occuper jusqu’à 75% de leur temps de travail et qu’un travailleur sur quatre demande plus de formation pour bien remplir sa mission. Le poids que cela représente pour les travailleurs, en plus de la pression physique, est considérable et est l’une des raisons du taux élevé de rotation du personnel qui atteint 50% dans certains pays européens.
Les entreprises multinationales sont de plus en plus dominantes dans le secteur des soins. Les travailleurs de ces entreprises, telles que Korian, Fresenius et Orpea, méritent de meilleures conditions de rémunération et de travail.
C’est pourquoi UNI Europa et la FSESP réclament des négociations collectives sectorielles pour tout le personnel de soins. La négociation collective sectorielle est essentielle pour assurer que les travailleurs bénéficient de meilleures conditions de travail, ce qui aura un énorme impact sur le bien-être des utilisateurs et des citoyens.
« Les gouvernements ont un rôle à jouer », prolonge Esther Lynch. « Les politiques visant à assurer davantage de services publics de soins abordables et de qualité doivent également s’attaquer au problème des bas salaires et des conditions de travail médiocres du personnel de soins. Soutenir la négociation collective est une manière d’y parvenir. »
D’après l’EFFAT, la Fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme, la majorité des centaines de milliers de travailleurs domestiques en Europe sont employés dans l'économie informelle, ce qui les rend vulnérables et les expose à l’isolement, à la pauvreté, au harcèlement, à la violence, voire même, dans certains cas, à l’esclavage. Plusieurs États membres de l’UE – malheureusement encore trop peu nombreux – ont reconnu la valeur du travail pénible mais vital accompli par les travailleurs domestiques en leur facilitant l’accès à l’économie formelle à travers des systèmes subsidiés par l’État comme les chèques-service. L’organisation et le renforcement du poids syndical des travailleurs domestiques sont des facteurs clés pour garantir le travail décent dans ce secteur.
Et Esther Lynch de conclure : « Les aides-soignant(e)s à domicile sont particulièrement vulnérables mais sont pour la plupart privé(e)s de la protection liée aux droits du travail. La prochaine Commission devra s’en préoccuper afin de constituer un instrument législatif pour mettre toutes les directives européennes pertinentes en conformité avec la Convention N° 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) garantissant les droits des travailleuses et travailleurs domestiques. »