Position CES sur la première phase de consultation des partenaires sociaux européens sur un 'nouveau départ' pour l'équilibre travail-vie

Questions clés :


Un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée a un effet positif sur le bien-être des travailleurs. Cet équilibre peut également contribuer à atteindre des objectifs politiques de l'Union européenne : stimuler l'emploi -surtout chez les femmes et les travailleurs plus âgés- et la croissance ; promouvoir le développement chez les enfants et les jeunes adultes et éventuellement atteindre l'égalité hommes-femmes.


Il est grand temps que l'UE agisse pour promouvoir la convergence ascendante entre Etats Membres en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il faut moderniser la législation européenne existante -comme la Directive sur le congé maternité-, aborder les lacunes/l'absence de législation dans d'autres domaines -comme le congé de paternité et ceux des aidants-proche- et renforcer la coordination entre Etats membres pour assurer des règles du jeu équitables en termes de coûts et d’avantages des politiques de conciliation.


Il faut encourager les investissements dans les services publics et les politiques cohérentes pour l'égalité hommes-femmes et pour les environnements tenant compte de la famille. Cela implique de rendre les services (pour les enfants, personnes à charge et personnes âgées) plus disponibles, plus qualitatifs, plus abordables et plus accessibles. Il faudrait intégrer dans le semestre européen le contrôle du respect des objectifs de Barcelone par les Etats membres. Les objectifs fixés pour les soins aux personnes âgées et les proches dépendants devraient également y être introduits par le Conseil.


Les politiques de conciliation ne doivent pas être considérées comme un avantage pour les femmes ou les parents, mais plutôt comme un changement plus profond dans les politiques de l’emploi et dans le fonctionnement des entreprises, qui pourraient bénéficier à tous les employé(e)s, hommes ou femmes, célibataires ou en couple, ainsi qu'aux employeurs.


La CES est prête à entamer des discussions et des négociations avec les organisations patronales au niveau européen pour déterminer quelles pourraient être les modalités de réglementation, au niveau européen, des droits et conditions minimum des types de congés mentionnés. Ces actions devraient être basées sur l'engagement commun déjà prévu dans le contexte du programme de travail actuel 2015-2017 du dialogue social européen.


Toutefois, si ces discussions et négociations n'aboutissaient à aucun résultat concret dans ces domaines, la CES encouragerait vivement la Commission à prendre les initiatives nécessaires et à rédiger des propositions législatives.


 


Introduction


Le 11 Novembre 2015, la Commission européenne a formellement consulté (en vertu de l'art. 154 (2) du TFUE) les partenaires sociaux européens sur l'orientation possible de l'action de l'UE concernant les mesures législatives pour relever les défis de l'équilibre travail-vie rencontrés par les hommes et les femmes.


La consultation fait suite à la publication, en Août 2015 d'une feuille de route[1] pour cette nouvelle initiative, en sus du retrait par la Commission de la proposition de révision de la directive de congé de maternité (92/85 / CEE).


Peu de temps après le lancement de la consultation des partenaires sociaux, la Commission européenne a également publié une consultation publique "sur les actions possibles en vue de de relever les défis de l'équilibre travail-vie rencontrés par les parents et les soignants”[2] qui travaillent.


La CES regrette vivement que ces deux consultations soient exécutées simultanément, sapant le rôle privilégié des partenaires sociaux dans ce domaine comme inscrit dans le traité, et crée également un manque de clarté parmi un large éventail de parties prenantes sur la façon dont les différentes réponses seront traitées. Pour cette raison, il a été établi un "plan directeur" que les membres de la CES peuvent utiliser pour répondre à la consultation publique, sur la base des principaux messages de cette position.


La question de la conciliation de la vie professionnelle avec la vie privée et familiale figure à  l'agenda politique européen depuis les années 1970. En particulier, la Commission européenne a tenu deux phases de consultation des partenaires sociaux en 2006 (le «paquet Conciliation») auxquelles la CES a contribué[3].


L'évaluation par la CES du suivi donné au processus de consultation de 2006 est très négative. Malheureusement, non seulement la Commission européenne n'est pas parvenue à réviser la directive sur le congé de maternité, mais elle n'a pas annoncé de nouvelle proposition législative sur le congé de paternité, se contentant de proposer des initiatives éparses pour répondre aux objectifs de Barcelone sur les garderies d'enfants et crèches. La seule amélioration notable a été la révision de l'accord de congé parental par les partenaires sociaux européens qui a été transposée par la directive 2010/18 / CE.


Cette absence de progrès survient au cours d'une période extrêmement difficile pour les parents et les personnes qui travaillent, dont les conditions de travail - y compris les modalités de congés et l'organisation du temps de travail - ont été négativement affectées par les mesures d'austérité imposées par les États membres dans un effort pour réduire les déficits publics.


En effet, dès le début de la crise économique en 2008, la plupart des États membres ont mis en œuvre des changements structurels dans leur combinaison de politiques familiales, et, dans la plupart des cas, les mesures de soutien à la famille ont été sévèrement réduites.


Parmi les mesures prises et documentées par les membres de la CES, nous pouvons rappeler : la fermeture d'écoles maternelles publiques; la limitation des  activités extrascolaires; la limitation des services de soins pour les personnes âgées et handicapées; la réduction de l'indemnité pour frais de garde d'enfants; l'augmentation des frais de garde d'enfants; la réduction des services pour les personnes âgées et les handicapés; la fermeture d'hôpitaux; les économies gouvernementales sur les mesures d'encouragement au partage égal des soins entre les femmes et les hommes, comme le congé de paternité rémunéré, et les prestations de congé parental; la réduction des allocations de congé de maternité; les économies sur les allocations familiales et autres avantages liés à la famille et au soin.


Les compressions dans les services et les allocations familiales ont ainsi compromis l'indépendance économique des femmes, en ceci que les allocations constituent souvent une source importante de leurs revenus et parce qu'elles ont plus recours aux services publics que les hommes. Les mères isolées et les retraitées célibataires font face aux plus grandes pertes cumulées.


Le manque d'action européenne dans le domaine de la réconciliation, combiné à l'absence de politiques d'investissement cohérentes pour la promotion d'environnements égalitaires entre les sexes et la famille doivent être rapportés / exprimés. Il est grand temps que l'UE intensifie ses actions visant à promouvoir la convergence au lieu d'une différenciation croissante et de lacunes plus larges entre les États membres en matière de politiques nationales pour soutenir la réconciliation. Un domaine d'action prioritaire est d'aborder les différences qui existent en termes de durée et de paiement de congés pour obligations familiales, ainsi que les grandes différences qui existent au niveau national dans les prestations de soins et de garde de qualité, abordables et accessibles (pour les enfants, les personnes à charge et les personnes âgées).


Dans ce contexte, la CES se félicite de la décision de la Commission de lancer une consultation des partenaires sociaux sur ce sujet.


Cette réponse a été élaborée sur base des positions antérieures de la CES sur la réconciliation et sur le temps de travail [4] ainsi que sur les discussions menées au sein des comités pertinents de la CES.


 


Assurer l'équilibre travail-vie: un impératif et non une option pour atteindre l'égalité des sexes


Un bon équilibre travail-vie favorise le bien-être des travailleurs. Il peut également contribuer à la réalisation des grands objectifs de l'UE: stimuler l'emploi (en particulier chez les femmes et les travailleurs âgés) et la croissance; la promotion des enfants et le développement des jeunes; et finalement atteindre l'égalité des sexes.


La question de cet équilibre a été abordée conjointement par les partenaires sociaux européens. D'abord dans le contexte de leur cadre d'actions sur l'égalité hommes-femmes (2005), et plus récemment dans le programme de travail de 2015 à 2017[5] où nous avons convenu de préparer des conclusions communes visant à favoriser une meilleure conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale et l'égalité des sexes afin de réduire l'écart de rémunération entre les sexes.


Selon Eurofound, en Europe plus d'un travailleur sur cinq n'est pas satisfait de son équilibre travail-vie. Au moins plusieurs fois par mois, un travailleur sur deux a quitté le travail trop fatigué pour faire des travaux ménagers; et un sur trois a eu des difficultés à remplir ses responsabilités familiales en raison du temps de travail.


Les conflits entre le travail et d'autres aspects de la vie peuvent être provoqués par de longues heures de travail, des horaires imprévisibles ou des périodes intenses au travail, ainsi que par l'exigence de travail non rémunéré à la maison, notamment les tâches domestiques et la garde des enfants et des personnes âgées.


La stratégie Europe 2020 a fixé l'objectif de 75% de femmes et hommes employés en 2020. Cependant, le taux d'emploi global de l'UE en 2014 se situait à 64,9% avec un taux particulièrement faible pour les femmes (59,6% contre 70,1% pour les hommes âgés de 20 à 64 ans) et les travailleurs "seniors, âgés de 55 à 64 ans (51,8%). Par conséquent, il est clair que, pour atteindre cet objectif, la participation des femmes devient essentielle et qu'un ajustement radical doit être fait au marché du travail, en veillant à ce qu'il soit accessible et permette de maintenir et promouvoir leur inclusion.


Les stratégies de marché du travail ainsi que les politiques et pratiques d'emploi et ont historiquement été conçues autour de la famille traditionnelle et  du modèle de structure sociale basée sur un soutien de famille masculin. Au fil du temps cette dynamique a évolué, mais ces changements dans la société et la diversité des structures familiales n'ont pas été suivis de modifications dans la législation et la politique de marché du travail.


Les politiques de conciliation sont essentielles pour mettre en œuvre ce changement. L'emploi des femmes est étroitement lié à la répartition des responsabilités professionnelles et familiales au sein du couple. Les enquêtes d'Eurofound révèlent que pour la même quantité d'heures de travail, les femmes sont plus susceptibles de signaler des problèmes avec l'équilibre travail-vie que les hommes, car elles passent presque 12 heures hebdomadaires de plus que les hommes à effectuer des tâches non rémunérées.


Le double fardeau du travail rémunéré et du travail non rémunéré au sein de la famille, ajouté à l'inadéquation des services d'aide et de soins et des garderies, sont quelques-unes des raisons de la baisse de la fécondité en Europe et peut être identifié comme l'un des principaux obstacles à la pleine participation des femmes au marché du travail et à la prise de décision à tous les niveaux.


Les femmes sont plus susceptibles de prendre un congé, de travailler à temps partiel ou de se retirer du marché du travail. En effet, en raison d'un absence ou d'un nombre insuffisant de structures d'accueil et de politiques de conciliation travail-vie à travers l'Europe, 23% des femmes dont le plus jeune enfant a moins de 3 ans et 18% des femmes dont le plus jeune enfant a entre 3 ans et l'âge de la scolarité obligatoire travaillent à temps partiel ou ne travaillent pas du tout.


Du point de vue de la CES, les politiques de réconciliation de la CES ne sont pas, et ne doivent pas être, considérées comme des avantages pour les femmes seulement, mais plutôt comme un changement profond dans les politiques de l'emploi et le fonctionnement des entreprises, duquel tous les employés - et même les employeurs - quel que soit leur statut familial ou leur sexe, doivent pouvoir bénéficier. Certains groupes, tels les parents célibataires, sont plus vulnérables vis-à-vis du défi de la reconciliation travail-vie.  Il est donc essentiel de considérer pas seulement les femmes, les hommes, les parents ou les personnes sans enfants comme des groupes homogènes, mais aussi de faire attention à l'hétérogénéité à l'intérieur de ces groupes.


 


Réponse aux questions spécifiques présentées aux partenaires sociaux


La description des questions dans le présent document vous semble-t-elle correcte et suffisante?


La CES est d'avis que le document de consultation souligne globalement les questions les plus importantes affectant la conciliation d'une manière appropriée. En particulier, la nécessité de renforcer la participation des femmes au marché du travail en s'attaquant à la fois à la quantité et à la qualité de l'emploi des femmes; le lien entre les conditions de travail précaires généralisées des travailleuses, l'absence de mesures de conciliation appropriées et les effets sur la rémunération entre les sexes et l'écart de pension; la nécessité de renforcer la prise de congés familiaux des hommes en abordant leur paiement et les stéréotypes au travail et dans la société concernant de tels congés; l'importance d'investir dans des services de garde d'enfants ou de personnes âgées qui soient à la fois abordables, de qualité et accessibles; le fait que les femmes continuent de porter le fardeau des tâches familiales et domestiques.


Bien que le document de consultation souligne comment ces différents facteurs ont une incidence sur la qualité de l'équilibre travail-vie personnelle et familiale il ne parvient pas à répondre aux politiques incohérentes qui ont conduit à la situation inégale entre les États membres en termes de politiques de conciliation et la participation des femmes au marché du travail. Le premier élément est l'impact des mesures d'austérité qui ont été mises en œuvre par les États membres, souvent sans une participation appropriée des partenaires sociaux, ayant des répercussions négatives sur l'organisation du travail, la quantité et la qualité des soins et des services publics en général, dont les femmes sont les principaux utilisateurs, et le paiement des congés pour obligations familiales. 


Le ralentissement économique a particulièrement touché la protection des femmes pendant la grossesse et lors du retour au travail. Les femmes sont sujettes à des pratiques discriminatoires sur le marché du travail comme un résultat direct de la grossesse et / ou l'accouchement, en dépit de la législation qui interdit la discrimination directe et indirecte à l'égard des travailleuses enceintes. La pratique de faire signer à l'employée une lettre de démission non datée au moment de l'embauche pour une utilisation future par l'employeur à sa convenance et qui affecte plus particulièrement les femmes enceintes a été encore plus répandue depuis le début de la crise et documenté à divers niveaux, y compris par l'OIT. Dans le même temps, divers pays ont, temporairement, réduits les quotas de congé de maternité, afin de faire face à un déficit budgétaire.


Un autre effet de la crise a été la croissance de l'emploi à temps partiel dans presque tous les États membres. Cette tendance à la hausse est plus fréquente pour l'emploi à temps partiel involontaire.  Selon Eurostat, en 2013, 29% des travailleurs à temps partiel avaient des types de travail non-standard parce qu'ils ne pouvaient pas trouver un emploi à temps plein. Autant les femmes que les hommes ont accepté de travailler à temps partiel «involontairement». En raison de la grande disparité entre les sexes dans le travail à temps partiel, l'augmentation du nombre de travailleurs à temps partiel involontaires était en réalité beaucoup plus grande chez les femmes - près du double - même si, en termes de pourcentage, la hausse était plus forte chez les hommes.


Lorsque l'on regarde l'organisation du temps et sa pertinence pour l'équilibre travail-vie personnelle, les extrêmes dans les heures de travail doivent être également prises en compte. Les enquêtes d'Eurofound montrent que les hommes travaillent plus souvent de plus longues heures (48 heures ou plus) et les femmes travaillent plus souvent moins d'heures (moins de 20 heures). Toutefois, si on comptabilise les heures de travail rémunérées et non rémunérées, les femmes prestent plus que les hommes. La réduction des horaires lourds et l'amélioration du travail à temps partiel marginal peuvent être traitées de diverses manières, y compris en donnant aux travailleurs de véritables options pour adapter leurs heures de travail à leurs besoins, dans le cadre de conventions collectives protectrices ou de législations.


De l'avis de la CES, le document de consultation de la Commission omet également de capturer le lien essentiel entre les politiques de conciliation et l'évolution démographique. La recherche montre qu'il existe un lien étroit entre l'utilisation optimale des options d'équilibre vie-travail et l'augmentation du taux de natalité.


 


Considérez-vous que des améliorations doivent être apportées à la législation de l'UE pour améliorer l'équilibre travail-vie pour les parents et pour les gens avec des responsabilités familiales, compte tenu des questions soulevées au point 4 de ce document, et si oui, quels types d'améliorations?


La CES croit fermement que la législation européenne sur l'équilibre travail-vie doit être améliorée afin de permettre la convergence vers le haut. Il y a une nécessité de moderniser la législation existante, de combler les lacunes ou l'absence de législation dans certains domaines ainsi que de renforcer la coordination des États membres afin d'assurer des conditions équitables sur les coûts et avantages des politiques de conciliation.


L'action de l'UE dans ce domaine devrait se pencher sur la réconciliation dans une perspective cohérente et promouvoir l'investissement à long terme. Un partage plus égal des responsabilités entre les femmes et les hommes doit être promu et en particulier, il devrait viser à améliorer la prise en charge par les hommes de leurs responsabilités familiales, et non affaiblir davantage la position des femmes sur le marché du travail. La législation s'accompagnerait d'un changement culturel dans les mentalités, non seulement de la part des femmes et des hommes eux-mêmes, mais aussi dans les lieux de travail et au niveau des directions.


De l'avis de la CES il y a grand besoin d'une politique cohérente à l'égard de la conciliation qui devrait offrir : des établissements de garde d'enfants et de soins aux personnes âgées de qualité, disponibles et abordables; une variété d'options de congés payés qui pourraient être pris par les deux parents et qui, surtouts inciteraient les hommes à les utiliser; la reconnaissance du rôle des pères à l'égard de l'éducation des enfants; des accords de flexibilité du temps de travail et la possibilité de réduire ou de prolonger son temps de travail (travail à temps partiel réversible) et l'investissement dans les services publics.


 


La position de la CES pour chacun des thèmes est la suivante :


Les options de congé devraient offrir une véritable perspective de conciliation du travail, de la famille et / ou de la vie privée. Ils doivent être payés et assurer / permettre une combinaison adéquate de la durée et de la flexibilité sans impact sur la capacité des travailleurs à revenir au travail après la période de congé ou affecter négativement leurs carrières, salaires et droits à pension. 


En ce qui concerne la protection de la maternité, la CES partage l'avis de la Commission que la directive 92/85 / CEE devrait être révisée. La Commission note deux domaines dans lesquels des améliorations doivent être apportées: faciliter la transition vers le travail des mères telles que la création de pauses appropriées et / ou des lieux privatifs pour les personnes qui allaitent et empecher le licenciement. Bien que nous considérions ces éléments importants, notamment la protection contre les licenciements, la CES est d'avis que la question du paiement intégral du congé de maternité devrait être également abordée.


Veiller à ce que les femmes reçoivent leur plein salaire pour la durée du congé de maternité est la seule façon de fournir à celles qui ont récemment donné naissanceune réelle et de veiller à ce qu'elles ne soient pas économiquement pénalisées du fait d'avoir des enfants. La question de la rémunération pendant le congé de maternité ne peut être dissociée de la question plus large de l'écart de rémunération entre les sexes : les réductions de salaire pendant le congé maternité contribuent de manière significative à l'inégalité salariale de fond tout au long de la vie des femmes, comme en témoigne l'écart de pension entre les sexes. Le paiement du congé de maternité signifie également que les femmes continuent de payer des cotisations fiscales et de sécurité sociale qui contribueraient également au Trésor public. Si l'Europe veut vraiment réduire la pauvreté et les inégalités qui affectent particulièrement les femmes et les enfants européens, le paiement intégral du congé de maternité doit faire partie de cette stratégie.


Deuxièmement, la CES est d'accord avec le document de la CE lorsqu'il affirme que la protection contre le licenciement n'est pas assez forte dans la directive actuelle. Les femmes enceintes et les nouvelles mères sont parmi les travailleurs les plus vulnérables sur le marché du travail, une situation exacerbée en période de difficultés économiques. Les dispositions de congé de maternité doivent être accompagnées de mesures protégeant les droits des femmes enceintes et des jeunes mamans avant et lors du retour au travail, y compris la protection contre le licenciement et également contre le travail de nuit imposé et les heures supplémentaires ou l'inflexibilité envers les mères qui allaitent, pendant au moins six mois.


D'autres éléments de la Directive Maternité requièrent une attention particulière, en particulier la dimension de santé et de sécurité, notamment en termes d'évaluation et de prévention des risques, ainsi que la nécessité de renforcer le droit à des installations permettant l'allaitement maternel. Une autre question importante est d'étendre la protection à tous les travailleurs dans les formes atypiques d'emploi, y compris les travailleurs domestiques.


La CES estime que la protection de la maternité et le congé pour les femmes par rapport à leur rôle en tant que porteurs de l'enfant doivent être clairement distingués des congés et autres dispositions destinés aux parents s'occupant des enfants. Pour cette raison, la CES soutient fermement l'introduction de nouveaux types de congés afin de mieux répondre aux besoins des travailleurs de concilier vie professionnelle, vie privée et familiale.


Tout d'abord, une nouvelle directive sur le congé de paternité devrait être introduite afin de donner le droit aux travailleurs de sexe masculin (ou partenaires de couples de même sexe) de prendre un certain temps lors de la naissance de l'enfant afin aider la mère et de leur permettre d'établir une relation avec le nouveau-né. Le congé de paternité doit être payé et sa longueur doit être suffisante (de deux semaines à un mois). Le congé de paternité doit être individuel et non transférable, et de préférence obligatoire, c'est à dire un droit automatique et non en fonction de la demande. Pour veiller à ce que le congé de paternité puisse être pris par les pères à tous les niveaux de salaires, il devrait toujours être payé, assurer la protection de l'emploi et des droits voisins, et il ne devrait pas entrainer une perte en termes de sécurité sociale ou de droits à pension.


La CES accueillerait aussi avec intérêt l'introduction d'une directive sur le congé pour les aidants naturels, par exemple un supplément à la prestation de soins professionnels à prix abordable. Un droit au congé de soignants, semblable à un congé parental, pourrait être considéré, pour permettre aux travailleurs de prendre soin d'un parent âgé ou d'un membre de la famille ayant un handicap ou une maladie en phase terminale. La CES pourrait envisager, dans ces cas, à la fois un congé prolongé sous formes diverses (temps plein ou temps partiel) et un congé pour «force majeure» tels que régi (?) par la directive existante de congé parental  afin  d'offrir des solutions adéquates aux travailleurs dans des situations différentes.


Un congé de soignant serait extrêmement bénéfique pour relever les défis spécifiques rencontrés par les travailleurs (et en particulier les femmes) des l'âge de 50 ans. Les travailleurs de cette catégorie d'âge ont souvent de très faibles possibilités de trouver un emploi reflétant leurs qualifications et expérience. En 2015, l'écart entre l'emploi masculin et féminin des 55-64 ans était de 14,2%. Au lieu de laisser les travailleurs âgés plus longtemps dans les régimes de revenu minimum ou de chômage, il devrait y avoir une véritable stratégie pour la formation et l'insertion dans le marché du travail. Plus souvent que les hommes, les femmes âgées ne sont pas encouragées à commencer à travailler après des interruptions de carrière plus longues pour raisons familiales, parce qu'elles n'auront pas assez de temps pour accumuler des droits à une retraite minimum. Les femmes dans cette situation sont découragées de chercher du travail parce que le système de pension de leur pays ne récompense pas les congés de soignants avec des indemnités adéquates en matière de pensions. Une directive sur le congé de soignants pourrait introduire ces droits à pension pour les soignants et avoir des effets positifs sur l'emploi des femmes plus âgées prenant soin d'un membre de la famille handicapé ou vieillissant. Cela inclurait des mesures pour la protection des droits d'emploi, et la formation et la certification des personnes sortant d'une longue interruption de carrière aux fins de soin de membres de la famille.


La CES soutient également le point de vue de la Commission que la directive sur le congé parental (2010/18 / CEE), basée sur l'accord des partenaires sociaux de l'UE, pourrait être mise à jour pour mieux atteindre ses objectifs. Le CES partage l'avis de la Commission que le texte actuel de la directive doit fournir avant tout une protection du revenu adéquate pendant le congé parental, dans l'intérêt des femmes (réduction de l'écart de rémunération) et des hommes (de manière à les encourager à prendre ledit congé).


La CES serait donc prête à évaluer l'accord des partenaires sociaux de l'UE avec les employeurs au niveau de l'UE et à améliorer ses dispositions à l'égard de la question du paiement. D'autres questions, proposées par le document de la CE, comme une plus grande souplesse dans les modalités de congé parental ainsi que l'âge maximum de l'enfant pourraient également faire partie de cette évaluation.


Le document de consultation de la Commission aborde également la question de la flexibilité dans l'aménagement du temps. La CES reconnaît que toute mise à jour du cadre réglementaire ne devrait pas se limiter à des options de congés, mais aussi aborder la question du temps de travail afin d'assurer la cohérence des politiques et une combinaison équilibrée en leur sein.


La CES souhaite souligner que les arrangements de travail flexibles doivent être clairement compris en tant que modèles adaptées aux besoins des travailleurs (hommes et femmes) à travers une approche de cycle de vie professionnel. Les travailleurs ont besoin de plus de contrôle sur leur horaire pour atteindre un bon équilibre travail-vie. En outre, les travailleurs doivent être en mesure de planifier et d'organiser leur vie, et ont donc besoin d'obtenir leurs horaires de travail bien à l'avance.


Aujourd'hui, les travailleurs (et surtout les femmes) sont souvent confrontés à des emplois précaires et des sous-emploi, tels que les contrats à zéro heures, les horaires coupés, les mini-jobs, etc. L'irrégularité et l'imprévisibilité des heures de travail (souvent désignées sous le terme de «flexibilité») deviennent une question encore plus problématique du point de vue de la conciliation. La culture de 'présentisme', ainsi que des heures de travail antisociales deviennent une question encore plus problématique de point du vue de la reconciliation. Pour ces travailleurs, la planification de leurs vies professionnelles et privées est de ce fait impossible, car ils doivent gérer l'incertitude de leurs horaires de travail. Les travailleurs sont également confrontés à l'intensification du travail et à la flexibilité croissante des horaires, alliée a de nouvelles formes de travail en raison des possibilités résultant de la nouvelle technologie et des appareils électroniques portables. Ils deviennent, et sont sensés être, joignables partout et à tout moment.


Il est crucial que les employés acquièrent un plus grand contrôle sur leur temps de travail. Une façon d'y parvenir est de fournir un droit pour les salariés ayant un contrat sans horaires (et les autres à temps partiel), de demander un travail à temps plein et de soumettre en parallèle une obligation à l'employeur de considérer sérieusement sa demande prevoyant que seules de sérieuses raisons permettent à l'employeur de justifier le refus. Un examen attentif de la directive sur le travail à temps partiel (directive 97/81 / CE (basée sur l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES) suggère qu'une telle mesure est déjà nécessaire afin de compléter les exigences de la directive.


De l'avis de la CES, des modes de travail flexibles pourraient être décidés au niveau de l'UE tandis que le développement de solutions détaillées est la tâche des conventions collectives aux niveaux appropriés,tenant compte des différentes pratiques nationales. Ces modes de travail devraient fournir un cadre favorable et protecteur permettant aux travailleurs d'adapter leurs horaires et modèles de temps de travail sans perte d'emploi ni de protection sociale. Des arrangements individuels sur les temps de travail flexibles devraient être évités car ils ont tendance à polariser et renforcer davantage la ségrégation des sexes sur le marché du travail. En outre, il est d'une importance majeure que les modes de travail flexibles soient ouverts aux hommes et femmes, ne mettent pas seulement l'accent sur les mères ou les parents avec de jeunes enfants, et soient réversibles.


L'accord sur le télétravail par les partenaires sociaux européens visait à assurer une plus grande sécurité pour les télétravailleurs salariés dans l'UE en établissant un cadre général au niveau de l'UE concernant leur statut et leurs conditions de travail. Comme mentionné dans le préambule, avec cet accord, nous voulions contribuer à la modernisation de l'organisation du travail, améliorer les possibilités pour les travailleurs de concilier travail et vie de famille, et préparer l'UE à la transition vers une économie et une société de la connaissance en concordance avec les objectifs du processus de Lisbonne. Les modèles de télétravail doivent être organisés d'une manière qui ne comporte pas de risques en termes de protection sociale et de perspectives de carrière et ne doivent pas être limités aux travailleurs de retour de congés familiaux. Les accords des partenaires sociaux sur le télétravail devraient être promus et la capacité des travailleurs à exercer une véritable influence sur l'organisation de leur travail devrait être assurée.


Les précédents commentaires et positions de la CES sur les congés familiaux et les arrangements de travail flexibles devraient être combinés avec la disponibilité, l'accessibilité et la qualité des services de l'education des petits enfants et les établissements de soins aux personnes âgées et dépendantes dans tous les États membres. Ce sont des facteurs cruciaux pour l'emploi des femmes et l'égalité des sexes, et donc de conciliation du travail et de la vie de famille pour les parents qui travaillent.


Comme indiqué dans une lettre conjointe signée avec les employeurs au niveau de l'UE en Juillet 2008[6], les partenaires sociaux de l'UE reconnaissent que, bien que d'assurer la disponibilité des services de garde est d'abord et avant tout de la responsabilité des pouvoirs publics, nous pouvons jouer un rôle complémentaire en prenant part à des discussions tripartites, par la promotion des projets du FSE ou en informant les pouvoirs publics sur les besoins du marché du travail, de telle sorte que les services de garde d'enfants permettent un accroissement de la participation au marché du travail. 


Le Nouveau Chemin pour l'Europe de la CES indique clairement que l'investissement dans l'éducation de la petite enfance et les soins aux personnes âgées devraient faire partie de tout plan d'investissement européen, s'agissant de questions essentielles à l'amélioration de l'égalité des sexes et à la création d'emplois. Cecipermettrait d'augmenter les revenus de la fiscalité du travail et de la consommation, contribuant ainsi à l'expansion de l'économie. Inversement, en raison des mesures d'austérité dans de nombreux États membres, les services de soins financés par l'État ont été sévèrement réduits ou rendus inexistants, entrainant les offres de prestation privée, souvent à prix inabordables, et souvent avec une demande supérieure à l'offre.


Les objectifs de Barcelone sur la garde des enfants,introduits en 2002 ne sont pas encore réalisés et, de l'avis de la CES, la Commission devrait systématiquement adresser des recommandations spécifiques et individualisées aux États membres en retard sur ces objectifs jusqu'à ce qu'ils les remplissent pleinement. Dans divers États membres, les congés parentaux ou de maternité apparemment généreusement longs (bien souvent avec peu ou pas de rémunération) tentent de masquer l'absence de structures d'accueil, et de maintenir un cercle vicieux dans lequel les femmes ont peu d'autres choix que de quitter le marché du travail pour de longues périodes quand elles ont des enfants, et ont beaucoup de difficultés à le réintégrer après plusieurs années d'absence.


En ce qui concerne la promotion de la prestation de soins aux personnes âgées et les soins des personnes à charge, la CES a déjà proposé dans le passé l'introduction d'un nouvel objectif fixé par le Conseil de l'UE (similaire à l'objectif de Barcelone), mais avec des outils de surveillance, potentiellement dans le semestre européen. Les données sur les soins des personnes à charge sont rares et il y a un manque critique de la prestation de soins pour les personnes âgées. Une grande majorité de ce travail est effectuée par des femmes, et est soit fourni sur une base bénévole soit le fruit de relations de travail informelles, y compris de travail non déclaré. La demande pour ce type de soins est en augmentation, et on projette une lacune d'un million de soignants à long terme en Europe avant 2020.  Il est donc essentiel qu'une stratégie européenne recherchée, compréhensive et proactive soit développée, qui donne la priorité à des emplois professionnels et de qualité comme étant essentiels pour améliorer la qualité, l'abordabilité et l'accessibilité des soins à long terme, , tout en tenant compte du fait que les soins formels ne se substituent pas mais plutôt complètent les dispositions de soins informels fournis par des parents et les communautés.


Il est regrettable que le document de consultation ne fasse aucune référence explicite au contexte plus large de la prestation de soins et de son effet sur les travailleurs du secteur des soins aux personnes et l'exclusion sociale. Il est essentiel que la restructuration en cours et la privatisation des services publics n'ait pas d'impact négatif sur les travailleurs et les utilisateurs de services de soins, dont une majorité sont des femmes. Une analyse sexo-spécifique et sociale des changements introduits par la privatisation est donc également nécessaire.


Dans de nombreux pays, les familles, les malades et les personnes âgées dépendent de plus en plus des services ménagers essentiels fournis par des travailleurs, principalement des femmes et souvent issus de l'immigration ou d'une minorité ethnique, qui travaillent souvent dans des arrangements très informels et non protégés. En 2011, l'OIT a adopté la Convention 189 sur les travailleurs domestiques. La CES estime que l'UE devrait adopter un cadre réglementaire pour le travail domestique visant à la fois à accorder aux travailleurs domestiques une protection de base et l'égalité des chances et à organiser les services aux ménages d'une manière plus durable.


 


Envisageriez-vous d'initier un dialogue en vertu de l'article 155 TFUE sur l'une des questions identifiées au point 4 de cette consultation?


La CES est prête à entamer des discussions et des négociations avec les organisations d'employeurs au niveau de l'UE sur les modalités dans lesquelles les droits minimaux et les conditions selon lesquelles les formes de protection et de congés mentionnées ci-dessus pourraient être réglementées au niveau européen. Ces négociations étayeraient les développements et les dispositions nécessaires à la fois en termes de négociation collective et de législation au niveau national et sectoriel.


La CES est prête à collaborer avec les organisations européennes d'employeurs pour s'assurer que des progrès réels sont faits en ce qui concerne la directive sur le congé parental ainsi que l'introduction de nouvelles formes de congés payés, tels que le congé de paternité ou le congé de soins. Ces actions devraient se construire sur l'engagement dutravail conjoint déjà prévu dans le cadre du programme de travail actuel du Dialogue social de l'UE 2015-2017.


Toutefois, dans le cas où ces discussions et les négociations ne conduiraient pas à un résultat concret dans ces domaines, la CES invite instamment la Commission à fournir l'initiative nécessaire et à avancer des propositions législatives.



 


[1] "Nouveau départ pour adresser les défis de l'équilibre travail-vie auxquels font face les familles travailleuses"http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/docs/2015_just_xxx_maternity_leave.en.pdf




[2] "Consultation publique sur les actions possibles afin de relever les défis de l'équilibre travail-vie rencontrés par les parents et les soignants"  http://ec.europa.eu/justice/newsroom/gender-equality/opinion/1511_roadmap_reconciliation_en.htm




[3] Nous rappelons la résolution du Conseil 2000 / C 218/02, les résolutions du Parlement européen 2003/2129 et 2006/2276, les conclusions du Conseil de Décembre 2008, et enfin, la Commission "réconciliation Pack» qui comprend la communication COM (2008) 635 "Un meilleur équilibre travail-vie: un soutien renforcé à la conciliation, vie privée et familiale professionnelle ". Plus récemment, la Stratégie européenne pour l'emploi ainsi que la stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 a également souligné le rôle important des politiques de conciliation dans la réalisation de l'égalité des sexes.

 




[4] notamment: "La position de la CES sur la première phase de consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire sur la conciliation entre vie professionnelle, vie privée et familiale" ” https://www.etuc.org/etucs-position-first-stage-consultation-social-partners-community-level-reconciliation-professional

La position de la CES sur la deuxième phase de consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire sur la conciliation entre vie professionnelle, vie privée et familiale https://www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/ETUC_position_second_stage_-_reconc._work_family_life-2_2.pdf

La Stratégie de la CES sur la révision de la directive sur le temps de travail https://vcp.nl/symphony/extension/sm_richtext_redactor/getfile/?name=en-etuc-strategy-review-wtd.pdf


https://www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/ETUC_position_second_stage_Annex.pdf


 




[5] https://resourcecentre.etuc.org/spaw_uploads/files/FINAL_Joint_Social_Dialogue_Work_Programme_2015_2017.pdf




[6] https://www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/Final_draft_joint_letter_childcare_04.07.08_1.pdf