Résolution: La négociation collective - un outil puissant pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes

Adoptée par le Comité exécutif à la réunion du 17-18 juin 2015



 



Introduction


Depuis 1957, l’Union européenne s’est engagée à réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes effectuant le même travail ou un travail de valeur égale. Une réalisation politique importante à cet égard a été l’adoption de la directive de refonte 2006/54 (révisant légèrement celle de 1975) relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, qui devait être transposée en 2011. La Commission européenne a fait rapport sur sa mise en œuvre en décembre 2013[1]. L’application pratique des dispositions relatives à l’égalité des rémunérations dans les Etats membres a été considérée comme un des points les plus problématiques de la directive.


La demande faite par le Parlement européen dans sa résolution de 2012, invitant la Commission à revoir la directive 2006/54 d’ici 2013, n’a pas été prise en considération. Le PE a également encouragé les partenaires sociaux à assumer leurs responsabilités en créant une structure salariale fondée sur une plus grande égalité entre les sexes, et à offrir des cours de formation sur les techniques de négociation, y compris la négociation salariale.


La Commission a préféré adopter une recommandation visant à renforcer le principe de l’égalité de rémunération pour les hommes et les femmes par le biais de la transparence en 2014[2]. La recommandation a pour but d’aider les Etats membres et les parties prenantes (y compris les partenaires sociaux) à identifier des approches sur mesure pour aborder la discrimination salariale et l’écart persistant de rémunération entre les sexes. Les Etats membres devraient avertir la Commission européenne des mesures prises avant le 31 décembre 2015.


Selon une enquête Eurobaromètre récente, trois quarts des Européens (76%) sont d’avis que l’inégalité entre les hommes et les femmes devrait être traitée en priorité au niveau européen. Les Européens ont plutôt tendance à dire que la « violence à l’égard des femmes »  est la question la plus urgente en matière d’inégalité entre les sexes, suivie du « problème des femmes moins bien rémunérées que les hommes pour un même travail ».


Les principales priorités de la CES en matière de réduction de l’écart de rémunération entre les sexes sont mentionnées dans la résolution “Réduire l’écart de rémunération entre les sexes » de juin 2008. 7 ans plus tard, la CES souhaite réitérer son engagement à éliminer les discriminations salariales entre les hommes et les femmes et met en exergue le rôle positif que peut jouer la négociation collective à cet égard.


Cette nouvelle résolution a un triple objectif: mettre en exergue le rôle de la négociation collective dans la réduction de l’écart de rémunération entre les sexes ; signaler les techniques de négociation collective couronnées de succès dans ce contexte ; faire le point sur l’écart de rémunération entre les sexes au niveau européen en tenant compte des effets de la récession économique.


Un cadre réglementaire solide et favorable en matière d’égalité des sexes, imposant des négociations visant à aborder le problème des inégalités salariales, est essentiel pour stimuler un climat de sensibilisation à l’égalité dans le dialogue social et pour persuader les employeurs réticents de prendre au sérieux les questions d’égalité entre les sexes. La législation ne suffira toutefois pas à elle seule. Une approche multidimensionnelle, également ancrée dans les négociations syndicales et collectives, est indispensable.


 


L’impact de la crise


Depuis le début de la crise, les négociations collectives visant à réduire les inégalités salariales ont enregistré plusieurs évolutions négatives. Les mesures introduites pour faire face à la récession économique n’ont pas seulement miné l’autonomie de la négociation collective, mais elles ont aussi aggravé les inégalités qui existaient antérieurement entre les femmes et les hommes, et elles ont donné lieu à des interventions politiques de crise qui souvent omettent d’analyser ou d’aborder l’impact disproportionné des mesures d’austérité et des coupes salariales sur les femmes. Pendant les années de crise, il devint même plus difficile de convaincre les négociateurs syndicaux et les employeurs d’aborder les inégalités dans les négociations et de mettre en œuvre des conventions collectives qui intègrent la dimension de genre.


En dépit de ce climat plus hostile, les syndicats demeurent déterminés à obtenir l’égalité entre les hommes et les femmes. Diverses actions, allant des campagnes de sensibilisation aux conventions collectives, ont été menées par les syndicats en vue de s’attaquer aux inégalités entre les sexes antérieures à la crise, y compris l’écart de rémunération entre les sexes.


La crise a affecté les femmes et les hommes de façon différente. L’insécurité de l’emploi des femmes, un nombre d’heures de travail inférieur, le travail à temps partiel et la ségrégation professionnelle sont des phénomènes qui ont souvent pris de l’ampleur. Les mesures d’austérité et de réforme ont inclus des réductions salariales dans le secteur public (où la main d’œuvre est principalement féminine) et des pressions visant à geler le salaire minimum légal et collectivement négocié, la réduction des droits au congé parental et de maternité ainsi qu’aux allocations afférentes, des limitations des accords collectivement négociés qui portent sur la conciliation vie privée-vie professionnelle et les horaires de travail flexibles. Les pays les plus durement affectés par la crise économique ont eu les plus grandes difficultés à protéger les rémunérations des femmes. 


Dans la plupart des pays, il n’a été procédé à aucune évaluation selon le genre de l’impact des mesures d’austérité et des réductions salariales, ces dernières ayant été introduites en dépit de la ferme opposition des syndicats.


 


Le rôle clé de la négociation collective dans la réduction des inégalités de salaire entre les femmes et les hommes


L’écart de rémunération entre les sexes est plus faible dans les pays où l’égalité globale est plus élevée et dans les pays où la couverture des négociations collectives est étendue et/ou dans les entreprises qui sont liées par une convention collective. Selon les estimations, une augmentation de 1% de la « couverture » du dialogue social réduit l’écart de rémunération entre les sexes de 0,16%, et plus le degré de coordination au niveau de la formation des salaires est élevé, plus la répartition des rémunérations sera égale.


 En Europe, des différences significatives existent quant au champ d’application et au niveau de négociation collective, à la reconnaissance juridique et à l’application des droits de négociation ainsi qu’à la couverture des négociations collectives. En dépit des différences qui existent entre les pays, il apparaît que ceux dans lesquels l’accent est mis sur une négociation centralisée (sectorielle et intersectorielle) et qui disposent d’une couverture de négociation collective étendue ont tendance à avoir plus de succès en matière d’intégration des questions relatives à l’égalité des genres dans la négociation collective. En outre, les meilleurs résultats en matière d’égalité entre les sexes sont enregistrés là où la négociation sectorielle et la négociation au plan de l’entreprise coexistent.


Les syndicats jouent un rôle déterminant dans l’éradication des inégalités profondes et structurelles entre les sexes, même si, dans le contexte de la crise, il convient de lancer une nouvelle réflexion sur la façon d’intégrer de manière plus efficace la question des genres dans les stratégies, politiques et représentation syndicales. Certains syndicats ont revu leurs stratégies et défini des positions de négociation visant à augmenter les salaires dans les secteurs à prédominance féminine afin de tenter de niveler les différences salariales entre les secteurs et/ou de trouver un moyen d’intégrer les inégalités structurelles et les rôles de garde et de soins - non rémunérés - assumés par les femmes dans les nouvelles stratégies de négociation.


La négociation collective est l’instrument-clé des syndicats pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi, la rémunération, les conditions de travail, l’évolution de carrière et la formation professionnelle. Elle peut influencer les systèmes de classification du travail et les rémunérations liées aux performances, les systèmes de rémunération et d’évaluation, ainsi que les primes ou les allocations. 


Les procédures de gouvernance économique de l’UE portent atteinte à la négociation collective, à la fixation des salaires et à l’égalité des sexes. Les recommandations du semestre européen et le processus de gouvernance concernant la négociation collective, tout comme la modération des augmentations des salaires minimums et l’établissement d’un lien plus étroit entre le salaire et la productivité, ont eu un impact négatif sur l’autonomie de la négociation collective et à certains égards sur la capacité des syndicats à négocier une réduction des inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes.


L’intégration à part entière des inégalités de rémunération entre les sexes dans les négociations collectives ainsi que la prise en considération des écarts structurels entre les sexes restent un défi. Certaines de ces inégalités ont encore été exacerbées par la crise économique.


 


La voie de l’avenir


La liste ci-dessous de possibles actions et décisions stratégiques doit être considérée comme une série de recommandations aux affiliés de la CES afin de renforcer leurs efforts et capacités à réduire l’écart salarial principalement à travers la négociation collective mais aussi par des actions et engagements politiques:


Le rôle de la négociation collective dans la réduction des inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes devrait être encouragé à tous les niveaux (national, sectoriel et entreprise).


La négociation au niveau sectoriel devrait être privilégiée et il convient d’éviter la fragmentation des systèmes de négociation. Il a été démontré que les accords sectoriels constituaient un cadre important pour l’égalité des sexes dans un secteur qui est fondé sur une conception commune.


Il faudrait élaborer des outils pour l’intégration de la dimension hommes-femmes et s’engager à mener des évaluations d’impact selon le genre pour voir si la négociation est non sexiste et si les résultats des accords ont des effets imprévus sur les hommes et les femmes.


Dans le cadre de l’intégration d’une perspective de genre dans toutes les négociations et conventions collectives, il faut tenir compte:


·         de la ségrégation professionnelle et la sous-évaluation du travail des femmes ;


·         du temps passé en dehors du lieu de travail par les parents qui prennent un congé pour des raisons familiales (maternité, paternité, congé parental, adoption, etc.) au moment d’attribuer des augmentations de salaire ou des droits à retraite ;


·         des droits des travailleurs à temps partiel et des femmes qui ont des emplois précaires ;


·         de la formation et des opportunités d’évolution des carrières des femmes, en particulier pour les travailleuses à temps partiel et les travailleuses ayant un aménagement du temps de travail flexible ;


·         de la manière d’aborder le problème des bas salaires des femmes dans les secteurs à prédominance féminine et par le biais de salaires minimums spécifiques aux secteurs ;


·         de la manière de mieux aborder la situation des jeunes femmes;


·         de la violence fondée sur le genre et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.


 


L’équilibre entre hommes et femmes dans les équipes de négociation collective est crucial.  Lorsque les équipes de négociateurs sont composées aussi bien d’hommes que de femmes, non seulement les questions concernant spécifiquement l’écart salarial sont négociées, mais aussi des mesures qui ont un effet bénéfique sur les désavantages salariaux des femmes (tels que le temps de travail flexible, les mesures ou bons pour la garde d’enfants, les congés familiaux payés, etc.). Les affiliés de la CES doivent être résolus à assurer une représentation égale ou proportionnelle des femmes et des hommes, en particulier dans les secteurs à prédominance masculine (voir Résolution de la CES de 2008).


Il est essentiel d’améliorer la transparence des données afin de permettre aux syndicats d’engager des discussions avec leurs gouvernements et des négociations avec les employeurs. Il est en particulier nécessaire de renforcer l’accès aux données ventilées par sexe (au niveau national, sectoriel et des entreprises) qui ont un impact sur les inégalités de rémunération entre les sexes. Il est essentiel que les négociateurs disposent de données de bonne qualité et ventilées par sexe (à savoir des données concernant les éléments non essentiels de la rémunération tels que les primes, le paiement d’heures supplémentaires et autres avantages, etc.) de manière à bâtir une argumentation permettant de s’opposer aux employeurs. Il est aussi indispensable d’améliorer la capacité des syndicats à rassembler et analyser les données salariales ventilées par sexe et transparentes, afin de pouvoir s’attaquer à l’écart de rémunération entre les sexes par le biais des négociations. Cela devrait constituer le fondement des accords sur les systèmes de classification des emplois non sexistes.


Des critères non sexistes pour l’évaluation des emplois devraient être élaborés conjointement par les partenaires sociaux au niveau national ou sectoriel (idéalement en coopération avec les gouvernements), avec des informations spécifiques quant à la manière d’adopter et de mettre en œuvre des critères non sexistes et d’introduire des évaluations de valeur équivalente dans les conventions collectives, afin de remédier à la sous-évaluation du travail féminin.


La transparence des salaires devrait être renforcée par la législation nationale et européenne. Les rapports annuels de surveillance et d’évaluation de l’évolution de l’écart salarial entre les sexes constituent un outil précieux permettant de contrôler les inégalités dans les systèmes de rémunération, et ils servent de base aux négociations. Les systèmes « d’indicateurs salariaux » sont un autre outil utile pour comparer les salaires et détecter d’éventuelles discriminations.


La recommandation de la Commission européenne relative à la transparence des salaires devrait être mise en œuvre en mettant l’accent sur l’inclusion dans les négociations collectives des questions d’égalité de rémunération et d’audits de rémunération.


Il faudrait accorder beaucoup plus d’attention à la lutte contre les stéréotypes sexistes et les préjugés culturels concernant le travail des femmes et des hommes, et à leurs répercussions sur l’évaluation du travail des femmes et la faible rémunération, ce qui est essentiel pour mettre fin à la ségrégation entre les sexes. Il convient également d’accorder plus d’importance à l’impact des responsabilités des femmes en matière de garde et de soins, afin que les femmes ne soient pas désavantagées en termes de salaire ou de carrière. Il est dès lors essentiel de créer un climat dans lequel les hommes partagent équitablement les responsabilités familiales avec les femmes, y compris le congé parental, tout en s’engageant à renforcer les services publics de soins aux enfants et aux personnes âgées.


Il faudrait se consacrer davantage à la lutte contre la ségrégation professionnelle, en négociant notamment de plus fortes augmentations salariales pour les travailleurs faiblement rémunérés, en particulier dans les secteurs à prédominance féminine (le nettoyage, la restauration, les soins de santé, le travail à la caisse et le travail de bureau). Cela devrait reposer sur une stratégie visant à réduire les différences salariales entre les secteurs à prédominance féminine  et ceux à prédominance masculine. 


Il faudrait mettre l’accent sur la négociation d’augmentations des salaires minimums, là où ils existent, car l’expérience montre que, dans les secteurs à faibles revenus, cela peut être un des outils les plus intéressants pour combler l’écart de rémunération entre les sexes. Les employeurs devraient être tenus de faire une analyse de la rémunération minimale sur une échelle qui peut être utilisée par les syndicats dans la négociation.


Il faudrait prêter attention à la manière dont les bas salaires et l’écart de rémunération entre les sexes influencent les droits à retraite. Cela est particulièrement pertinent pour les femmes travaillant à temps partiel ou ayant un emploi atypique (tel que les « mini jobs » ou les contrats « zéro heure »). Les cotisations et les droits à retraite devraient être couverts pendant la période d’absence du travailleur qui est en congé parental ou de maternité.


Au niveau des entreprises, les syndicats devraient coopérer et élaborer des positions communes visant à persuader les employeurs de s’engager sur le plan de l’égalité des sexes, en accordant éventuellement une attention accrue au « dossier de l’égalité ». En outre, les confédérations syndicales devraient examiner les moyens permettant de coordonner leurs efforts dans le cadre de la négociation sur les inégalités de rémunération entre les sexes, au niveau de l’entreprise et au niveau sectoriel.


Les plans d’égalité et/ou rapports sur les revenus des entreprises ventilés par sexe, les enquêtes sur l’égalité des rémunérations, les « allocations d’égalité »  se sont avérés être des outils performants dans la lutte contre la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes et ont contribué à réduire l’écart de rémunération entre les sexes. Ils peuvent servir d'outil supplémentaire, mais en aucun cas peuvent-ils remplacer la négociation collective.


Les audits de rémunération devraient être rendus obligatoires pour les entreprises. Leurs critères, leur contenu et leur mise en œuvre devraient être établis dans le cadre du dialogue social et, le cas échéant, par le biais de conventions collectives au niveau sectoriel.


Les comités d’entreprise européens et les accords d’entreprises transnationaux (AET) ont aussi un rôle à jouer dans la résolution du problème de l’écart de rémunération entre les sexes. En dépit de quelques exemples notables (GDF Suez, Suez Environment, Areva, etc.), trop peu de CEE et d’AET s’attaquent aux causes de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et au principe de l’égalité entre les sexes. La composition des CEE continue à être déséquilibrée et il faudrait davantage se consacrer au renforcement de la participation des femmes dans ces organes.


Il est indispensable de procéder à une évaluation périodique des conventions collectives ainsi que des échelles salariales et systèmes de classification du travail appliqués afin de vérifier s’ils ont permis de combler l’écart de rémunération entre les sexes. Ce type d’analyse devrait couvrir les conditions de travail primaires et secondaires ainsi que les régimes professionnels de sécurité sociale.


Malgré l’importance des négociations sectorielles pour l’égalité des sexes, il est primordial d’avoir une législation contraignant les entreprises à négocier pour l’égalité (par exemple, en mettant en œuvre la transparence salariale et/ou en effectuant des audits et enquêtes de rémunération, etc.) afin de combler l’écart de rémunération entre les sexes. Néanmoins, la législation dans ce domaine n’a pas la même efficacité partout. Une évaluation régulière de la législation est nécessaire et il faut prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives dans le cas d’une mise en œuvre inappropriée du principe de salaire égal pour travail de valeur égale. 


La formation en connaissances et compétences de négociation reste cruciale pour éliminer l’écart salarial. Des formations organisées aux niveaux interindustriels et intersectoriels ont donné des bons résultats. Il faudrait organiser des cours de formation réguliers, pour les délégués hommes et femmes.  Ces cours devraient porter sur l’intégration de la dimension du genre, les critères de négociation non sexistes, ce qu’il faut inclure dans les négociations et la manière de négocier pour réduire les inégalités de rémunération et viser les négociateurs, les membres des équipes de négociation collective, les responsables syndicaux et les représentants sur le lieu de travail. Les syndicats doivent libérer des ressources et moyens adéquats à tous les niveaux afin de mettre en place des formations sur mesure.


Au niveau européen, il faudrait approfondir cette approche par le biais de recherches et de cours de formation et matériels de formation de l’ETUI. L’Institut devrait envisager d’élaborer un programme de formation des formateurs et du matériel de formation sur les négociations collectives et les inégalités salariales entre les sexes, et mener des recherches plus spécifiques sur les techniques de négociation collective dans le domaine des écarts salariaux entre les sexes et de l’égalité des sexes en général.


La coopération entre tous les syndicats des secteurs privé et public ainsi qu’un vrai engagement de la part des employeurs est la clé pour réduire les inégalités salariales. Le dialogue social européen aux niveaux sectoriels et intersectoriels doit continuer à fournir les moyens pour réaliser des progrès au travers d’accords, de boites à outils, de recommandations à suivre dans les plans relatifs à l’égalité du genre, et d’échanges de bonnes pratiques.


Il faudrait veiller à assurer une action cohérente et une coopération stratégique entre la négociation collective et les comités pour l’égalité entre les sexes/des femmes. Ce constat vaut également pour le Comité de coordination de la négociation collective de la CES et le Comité Femmes. 


La Boîte à outils de la CES pour la coordination de la négociation collective et des salaires (collective.etuc.org) inclura une section sur la manière de combler et d’évaluer l’écart de rémunération entre les sexes dans le travail de coordination au niveau de l’UE et la manière d’élaborer des stratégies visant à réduire l’écart de rémunération entre les sexes par le biais de la négociation collective. Il y a lieu de surveiller les inégalités salariales entre les sexes dans le cadre des enquêtes annuelles et de renforcer la coopération en vue d’élaborer des politiques et des mesures visant à réduire les inégalités entre femmes et hommes.


La CES a un rôle clé à jouer afin d’aider les syndicats grâce à des conseils sur la manière d’intégrer les questions de genre dans la négociation collective, y compris des conseils sur les questions à inclure dans les négociations en matière d’inégalités de rémunération, de transparence des données ventilées par sexe, d’évaluation et de classification des emplois non sexistes. À cet égard, des lignes directrices concernant les bonnes pratiques pour les équipes de négociation collective pourraient être élaborées (des conseils pratiques et des stratégies concernant les données ventilées, une classification des emplois non sexiste et les outils pour l’évaluation du travail, les bas salaires et la sous-évaluation du travail des femmes).


La CES continuera à lutter contre l’intervention négative de la Commission dans la fixation et la négociation salariale. En plus de s’opposer à cette intervention visant à réduire l’autonomie de la négociation collective et de la fixation salariale, il sera important, à l’avenir, d’aborder ces questions par le biais de politiques intégrant la dimension de genre, qui tiennent compte des inégalités structurelles entre les sexes, et d’accorder plus d’attention à l’évaluation selon le genre de l’impact des politiques macroéconomiques.  Le respect de la négociation au niveau national est primordial.


Les Recommandations spécifiques par pays devraient régulièrement comporter des objectifs de réduction de l’écart de rémunération entre les sexes, et une dimension hommes-femmes forte doit être intégrée dans la mise en œuvre des objectifs UE2020. La CES continuera de surveiller les RSP qui traitent directement ou indirectement de l’égalité des sexes.


Les gouvernements devraient effectuer une évaluation d’impact, selon le genre, de la crise et des mesures d’austérité introduites, afin de prendre en compte les inégalités structurelles entre les sexes, la position plus vulnérable des femmes sur le marché du travail et l’écart salarial continu entre les sexes.


Une évaluation de la mise en œuvre de cette résolution sera menée par le Comité Exécutif et dans le cadre de la prochaine Conférence de Mi-mandat de la CES qui aura lieu 2017 et le Congrès de la CES en 2019


 


Contexte: L’écart de rémunération entre les sexes: aperçu des données et tendances


L’écart de rémunération entre les sexes reflète la discrimination permanente et les inégalités sur le marché du travail qui, en pratique, affectent principalement les femmes. Ses causes sont complexes, multiples et interdépendantes :


·         La discrimination directe et le manque de transparence salariale;


·         La sous-évaluation du travail des femmes, de leurs compétences et qualifications ;


·         La surreprésentation des femmes dans les emplois faiblement rémunérés, précaires ou à temps partiel ;


·         La ségrégation horizontale du marché du travail : les femmes sont concentrées dans des secteurs et professions généralement moins valorisés et moins rémunérés ;


·         La ségrégation verticale: les femmes occupent des postes moins rémunérés, ont moins de sécurité d’emploi et rencontrent davantage d’obstacles dans l’évolution de leur carrière ;


·         Le manque de souplesse des conditions de travail et des régimes de congé familial biaisés (y compris le congé parental non rémunéré) ;


·         La répartition  inégale du travail rémunéré et non rémunéré entre les femmes et les hommes ;


·         Les rôles et traditions sexistes qui peuvent influencer le parcours éducatif.


 


Le rapport mondial de l’OIT sur les salaires de 2014/15 montre qu’on peut diviser les écarts salariaux entre les hommes et les femmes en une partie « expliquée » qui représente le capital humain observé et les caractéristiques du marché du travail, ainsi qu’en une partie « inexpliquée » qui comprend la discrimination en matière de salaires et certaines caractéristiques (par ex. avoir des enfants) qui devraient en principe ne pas avoir un effet sur les salaires. Le rapport montre que cette partie inexpliquée accroît considérablement les désavantages salariaux pour les femmes et son élimination supprimerait l’écart salarial dans environ la moitié des pays développés.


En 2014, les femmes gagnaient en moyenne 16% de moins que les hommes à l’heure au sein de l’UE. L’écart global de rémunération entre les sexes s’est légèrement atténué depuis 2007. La composante inexpliquée et discriminatoire de l’écart est néanmoins demeurée en grande partie identique (9 % en moyenne). A ce rythme, il faudra, selon la Commission européenne, plus de 70 ans pour éliminer l’écart de rémunération en Europe.


Non seulement les progrès sont excessivement lents, mais la crise compromet les résultats mineurs obtenus à ce jour. En réalité, l’écart de rémunération entre les sexes s’est accru dans les pays affectés par la récession économique.


Les réductions enregistrées peuvent être attribuées à une combinaison de facteurs positifs et négatifs :


·         Le nivellement par le bas des niveaux de rémunération des hommes (plutôt qu’une tendance à la hausse du salaire des femmes) ;


·         Les réductions des éléments non essentiels du salaire, tels que les bonus et les primes pour les heures supplémentaires, qui prédominent dans les secteurs/professions à prédominance masculine ;


·         La ségrégation sectorielle des femmes dans les professions faiblement rémunérées ;


·         La diminution des salaires des hommes à l’extrémité inférieure de l’échelle des salaires et une augmentation de la participation des femmes aux postes de direction ;


·         Les évolutions politiques positives en matière de réduction de l’écart de rémunération entre les sexes.


 


L’écart de rémunération entre les sexes varie en Europe, et va de 2,5 % à 30 %. La majorité des pays enregistrent un écart de rémunération entre les sexes plus important dans le secteur privé, par rapport au secteur public. Toutefois, les mesures d’austérité, les réductions et gels de salaire, le processus de privatisation en cours, la sous-traitance, les sous-investissements publics et l’individualisation des salaires, qui ne font pas partie d’une convention collective, menacent les progrès en matière d’égalité pour les travailleurs du secteur public.


Les revenus des hommes sont plus élevés dans chaque catégorie professionnelle. Toutefois, les écarts de salaire sont plus grands dans les emplois à col blanc dominés par les hommes. L’écart le plus important est enregistré dans le secteur financier et des assurances, dans le secteur des entreprises et dans l’industrie manufacturière.


L’écart de rémunération a tendance à augmenter avec l’âge et il affecte en particulier les femmes ayant des enfants. Le niveau d’éducation, les responsabilités hiérarchiques, l’ancienneté, le statut de migrant et l’origine ethnique ont également une influence négative sur l’écart de rémunération entre les sexes.


Le niveau de l’écart entre les retraites des hommes et des femmes est de plus en plus préoccupant. Ce dernier est estimé en moyenne à 39 % dans l’UE. La plupart des Etats membres ont des écarts de retraite entre les sexes supérieurs ou équivalents à 30 %, soit presque deux fois l’écart de rémunération entre les sexes. Il semble n’y avoir aucun lien avec l’écart de rémunération entre les sexes.


Il y a eu une augmentation systématique des inégalités de revenus en Europe. Le déclin des négociations salariales collectives a contribué à la hausse des inégalités salariales, mais ce n’est pas la seule explication. Les données montrent qu’entre 2008 et 2012, l’inégalité de la répartition des revenus a augmenté dans les pays affectés par le ralentissement économique, en raison des coupes salariales dans le secteur public et privé, et que la pauvreté au travail a augmenté en raison de la réduction ou du gel des salaires minimums. L’inégalité des revenus entre les salariés les mieux payés et les moins bien payés a de profondes implications en matière d’écart de rémunération entre les sexes. 


Le revenu disponible des femmes est inférieur à celui des hommes dans les Etats membres de l’UE. C’est pourquoi, les femmes sont aussi, en moyenne, plus susceptibles d’être menacées de pauvreté. Les inégalités de revenu sont plus marquées entre les hommes qu’entre les femmes dans la majorité des pays.


Il ressort de l’enquête de la CES « Négocier pour l’égalité »[3] qu’en dépit du nombre significatif d’accords conclus en matière d’inégalités de rémunération entre les sexes, certains pays n’ont pas traité ces inégalités par le biais de la négociation collective, soit à cause d’un manque d’engagement ou de capacité syndicale, soit en raison d’un contexte et d’un climat négatifs sur le plan de la réduction des inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes.


 


 


 



 


[1] http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/gender-pay-gap/files/131209_directive_en.pdf




[2] http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/ia_carried_out/docs/ia_2014/c_2014_1405_en.pdf




[3] http://www.etuc.org/publications/bargaining-equality