Stratégie de Lisbonne

Bruxelles, 14/02/05

{{La Stratégie de Lisbonne de l'Union européenne }}

{{Depuis mars 2000, l'UE définit ses politiques conformément aux objectifs ambitieux de la stratégie dite «de Lisbonne», qui établit un cadre d'action jusqu'en 2010. La stratégie de Lisbonne vise spécifiquement à une relance économique, mais aussi sociale et environnementale. Elle cherche à renforcer la compétitivité européenne, non pas en misant sur le dumping social, mais en investissant dans une société basée sur le savoir et la productivité.

Force est de constater que les résultats de 2005 sont décevants et que l'UE aura beaucoup de mal, par exemple, à atteindre l'objectif d'un taux d'emploi de 70 % fixé à Lisbonne. Au Conseil européen de Printemps, les dirigeants européens effectueront un examen à mi-parcours dans le but d'augmenter la pression sur les États membres afin qu'ils s'approprient la Stratégie de Lisbonne et qu'ils la mettent en œuvre activement.

Si la CES a toujours soutenu la Stratégie de Lisbonne, elle croit néanmoins que les occasions majeures de renforcer le modèle social européen ont été perdues. La CES déconseille aussi aux responsables politiques de «simplifier» la Stratégie de Lisbonne à la faveur de l'examen à mi-parcours en la réduisant à des objectifs étriqués de réformes structurelles et de compétitivité. Une telle approche serait interprétée comme une attaque contre les droits et la protection des travailleurs et aurait immanquablement pour effet de miner le soutien à la Stratégie de Lisbonne au lieu de le renforcer.}}

Qu'est-ce que la stratégie de Lisbonne ?

Lors du Conseil européen de Lisbonne (Portugal), de mars 2000, les dirigeants de l'UE ont adopté un programme décennal visant à relancer la croissance et le développement durable dans l'ensemble de l'UE.
Ils ont relevé les défis auxquels l'Europe était confrontée du fait de la mondialisation, du vieillissement de la population et de l'émergence d'une société de l'information à l'échelle mondiale. Ils ont décidé que les réformes économiques et sociales devaient avoir lieu dans le contexte d'une «stratégie positive qui combine la compétitivité et la cohésion sociale» et ont réaffirmé que le modèle social européen, avec ses systèmes de protection sociale développée, devait sous-tendre cette stratégie.

L'Union «s'est fixé un nouvel objectif stratégique pour les dix prochaines années : devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale».

Cet objectif devait être atteint par une série de politiques comprenant un dosage judicieux de politiques macroéconomiques favorables à une croissance élevée, à l'achèvement du marché intérieur, à l'investissement dans les personnes et à la lutte contre l'exclusion sociale. Les dirigeants de l'UE se sont engagés à viser le plein-emploi en Europe, dans une société respectant les choix personnels des hommes et des femmes.

La Stratégie de Lisbonne définit des objectifs spécifiques :
· Un taux d'emploi global de 70 % d'ici 2010.
· Un taux d'emploi de plus de 60 % chez les femmes.
· Un taux d'emploi de 50 % chez les travailleurs âgés.
· Une croissance économique annuelle d'environ 3 %.

Pour atteindre ces objectifs, le Conseil a également adopté une méthode ouverte de coordination entre les États membres, aux différents niveaux de pouvoir.

État d'avancement

En mai 2004, alors que la Stratégie de Lisbonne était presque arrivée à mi-parcours, la Commission européenne a créé, conformément aux conclusions du Conseil européen de mars 2004, un groupe de haut niveau d'experts indépendants sous la présidence de l'ancien premier ministre néerlandais Wim Kok, afin de réaliser une évaluation des progrès accomplis. Les treize experts représentaient les différentes parties concernées par la stratégie. Le groupe s'est réuni six fois et a présenté son rapport « Relever le défi » à la Commission et au Conseil, les 3 et 4 novembre 2004. Son but était de préparer l'évaluation à mi-parcours qui sera effectuée par le Conseil européen en mars 2005.

Le rapport conclut que les résultats à ce jour sont décevants et qu'il est fort peu probable que l'UE atteindra ses objectifs en 2010, principalement par manque de volontarisme politique. Il met en exergue un agenda surchargé, une mauvaise coordination et des priorités contradictoires. Il constate aussi que la réforme structurelle est devenue une expression codée pour désigner la dérégulation et l'affaiblissement des droits des travailleurs, et note que les politiques devraient plutôt aider les travailleurs à faire face aux changements structurels (en investissant dans les compétences et la productivité au lieu de déréguler les marchés du travail). Il souligne également l'importance vitale de la gestion de la demande globale afin d'exploiter au mieux le potentiel de croissance de l'Europe, et soutient que le pacte de stabilité constitue un obstacle à cet égard.

Par ailleurs, le rapport Kok met en évidence l'importance du maintien du modèle social européen et déconseille de copier le système américain de protection sociale minimale. Les propositions du groupe de haut niveau se concentrent sur la nécessité de mieux communiquer avec les citoyens européens et d'obtenir leur soutien au processus de réforme - ce que la CES a souligné à plusieurs reprises. Il est important de noter que le rapport met l'accent sur le rôle que le dialogue social et les partenaires sociaux, tant au niveau national qu'européen, peuvent jouer pour atteindre les objectifs de Lisbonne qui portent sur une croissance élevée non inflationniste, une amélioration qualitative et quantitative de l'emploi et une cohésion sociale forte.

La position de la CES - claire et cohérente

La CES a d'emblée accueilli favorablement la Stratégie de Lisbonne et souhaite qu'elle soit mise en œuvre effectivement.

- Dans une déclaration de juin 2000 - trois mois après l'adoption de la stratégie -, le Comité exécutif de la CES a invité le Conseil européen réuni à Feira à respecter les décisions prises à Lisbonne, et d'œuvrer en particulier à un retour au plein-emploi en Europe ainsi qu'à une amélioration qualitative et quantitative de l'emploi.

- Depuis lors, la CES a plaidé de manière constante en faveur de la «nature équilibrée et intégrée» de la Stratégie de Lisbonne, en soulignant que « la recherche d'un nouveau dynamisme dans l'économie européenne ne doit pas compromettre les éléments fondamentaux du modèle social européen » .

- Un mois après les attentats terroristes du 11 septembre, en octobre 2001, le Comité exécutif a déclaré que les responsables syndicaux chargés des négociations salariales continueraient à soutenir la Stratégie si les autorités monétaires et budgétaires la remettaient sur les rails.

- Toutefois, comme l'économie européenne s'essoufflait, en mars 2002, la CES s'est inquiétée de voir que plusieurs gouvernements de l'UE, de concert avec les employeurs européens, «plaidaient tout simplement en faveur d'une dérégulation du marché, d'une reforme structurelle et d'une flexibilité accrue du travail. Cette approche unilatérale était en contradiction avec la nature équilibrée et intégrée de la Stratégie de Lisbonne et mettait l'accent sur les réformes économiques en faisant abstraction des besoins sociaux et environnementaux». Elle a souligné le rôle important des partenaires sociaux et rappelé que le dialogue social européen et les négociations collectives étaient des éléments clés du succès.

- En mars 2003, la faiblesse des résultats était patente. La CES a appelé à une relance de la stratégie et a mis en garde, une fois de plus, contre les manœuvres visant à démanteler le modèle social.
Le Comité exécutif a attiré l'attention en particulier sur l'absence d'équilibre entre les trois volets de la stratégie, les objectifs économiques prenant le pas sur les progrès sociaux et environnementaux.
Elle a demandé :
- une politique monétaire plus favorable à la croissance et à l'emploi ;
- une impulsion budgétaire coordonnée équivalant à au moins 1 % du PIB ;
- une réforme du pacte de stabilité et de croissance afin de promouvoir le développement durable ;
- le renforcement de la stratégie européenne de l'emploi et un investissement plus important dans les personnes, la promotion de l'égalité des chances et l'apprentissage tout au long de la vie et le soutien des chômeurs et des travailleurs jeunes et âgés.

En mai 2003, le 10ème congrès de la CES s'est tenu à Prague. Des délégués y ont exprimé leurs préoccupations quant à la situation économique et sociale de l'Europe. Ils ont invité
- la Banque centrale européenne (BCE) à réduire les taux d'intérêt afin de stimuler la croissance;
- l'UE à adopter un train de mesures d'urgence prévoyant notamment des investissements dans la formation, la recherche, le développement et les technologies vertes.

En mars 2004, avant le sommet de Printemps de l'UE, le Comité exécutif a à nouveau demandé à ce que le pilier social de la Stratégie soit renforcé, en saluant l'accent mis par la Présidence irlandaise sur le partenariat social en tant qu'élément clé du succès, ainsi que sa proposition d'un partenariat européen pour le changement promouvant l'innovation, la productivité, la cohésion sociale et un dialogue social plus fort.

La CES s'est félicitée du soutien apporté par le rapport Kok au modèle social européen, tout en regrettant qu'il donne la priorité à la croissance et à l'emploi au détriment de la cohésion sociale et du développement durable.

En décembre 2004, le Comité exécutif de la CES a adopté une résolution générale présentant ses principales exigences en vue de l'évaluation à mi-parcours de la stratégie, notamment un investissement massif dans des politiques positives du marché du travail telles que :
· un meilleur accès à l'apprentissage tout au long de la vie;
· une amélioration des régimes d'allocations sociales au bénéfice des chômeurs et des exclus;
· des politiques visant à concilier vie professionnelle et vie privée;
· un plan de lutte contre les discriminations.

La CES a vivement demandé aux responsables politiques d'élaborer un plan d'action pour l'investissement dans l'Europe sociale pour aider les travailleurs à faire face aux défis posés par les délocalisations, les restructurations et la mondialisation.

Elle a aussi demandé une réforme macroéconomique pour stimuler la demande et soutenir la croissance par la mise en œuvre d'une politique monétaire misant aussi sur une croissance élevée (et non uniquement sur une inflation faible), par un assouplissement du Pacte de Croissance et de Stabilité et en appelant la Banque d'investissement européenne à faire pleinement usage de ses instruments de prêt. La CES a surtout insisté sur le fait que le dumping social, l'allongement du temps de travail et les réductions des salaires ne peuvent jouer aucun rôle dans la deuxième phase de l'Agenda de Lisbonne.

En outre, la CES a mis en exergue les avantages sur le plan de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité qui pourraient résulter d'un programme européen coordonné d'investissements dans le développement durable (portant notamment sur les énergies renouvelables, les technologies de production saines et le logement social).

En février 2005, le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a annoncé une révision majeure de la Stratégie de Lisbonne. Celle-ci simplifie les objectifs et les procédures de rédaction à un seul programme d'action national pour chaque pays et à un seul programme européen de croissance.

En réponse à cela, la CES a prévenu qu'elle se tenait en alerte quant à des signaux annonçant que les objectifs européens en matière de politique sociale et d'environnement étaient relégués au second plan dans le but de rendre l'Europe plus favorable à l'économie.

Le message central de la CES a toujours été que la dimension sociale de l'Europe, qui comprend le dialogue social, la négociation collective et la protection et la participation des travailleurs, ne fait pas obstacle à la compétitivité et à l'efficacité économique, mais qu'au contraire, elle stimule de manière fondamentale l'innovation, la productivité et la croissance durable. Pour mettre en œuvre la stratégie de Lisbonne, le modèle social européen doit être reconnu comme un facteur productif.

Liens utiles :
Site Web de la CES : http://www.etuc.org
Commission européenne : http://www.europa.eu.int/comm/lisbon_strategy/index_fr.html